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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 17:33

Conte, Epopée



Légende arménienne, editions Albin Michel

La légende de David de Sassoun est l'équivalent arménien de la Chanson de Roland ou du Cid en Espagne. Epopée d' exploits chevaleresques, elle est le résultat de toute une tradition orale de conteurs qui se sont transmis cette légende de générations en générations.

Elle s'inspire de faits historiques avérés : Sassoun est une région, une poche de résistance multiséculaire au sein de l'Arménie historique, à partir du VIIesiècle, au temps des invasions arabes. Le conte retrace les exploits de quatre générations de chevaliers qui, grâce à leur vaillance, un cheval miraculeux qui parle, une source miraculeuse et une épée foudroyante, déciment les armées des sultans. Parfois, les chevaliers succombent aux charmes des princesses arabes mais le châtiment n'est pas loin...

Récits des origines, ces contes rassemblés et mis par écrit à la fin du XIXe siècle servent à exalter la foi chrétienne (l'Arménie est le premier royaume chrétien de l'Histoire) dans un pays soumis aux invasions étrangères. Il est question d'une source et d'une croix miraculeuse, de couvents qui protègent les combattants ; l'objectif est de défendre l'identité nationale menacée.

Batailles, mariages, naissances et morts se succèdent. Un récit sous forme de conte fantastique lisible également par les enfants.

En accompagnement, un dossier qui retrace l'Histoire de l'Arménie et de sa culture.

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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 10:39

L'Histoire du génocide arménien....

Erevan

EDITIONS FLAMMARION, 2009

Gilbert Sinoué est l'un des grands spécialistes français du roman historique ; on lui doit notamment L'enfant de Bruges ainsi que Le livre de saphir.

Son dernier roman est davantage qu'un roman historique ; il pourrait être l'équivalent livresque d'un docufiction, tant la reconstitution fidèle du génocide arménien est précise, année par année.

A travers le destin tragique de la famille Tomassian, l'auteur ne choisit pas uniquement de relater les faits de 1915 (année de la déportation des arméniens par les autorités turques). De 1896 à 1921, il analyse la naissance programmée du massacre et ses conséquences diplomatiques six ans plus tard.

A partir de documents historiques, de témoignages, il retrace année par année ou jour par jour les événements qui ont précédé ou suivi le massacre.

Le contexte : le déclin de l'empire ottoman, la volonté d'unifier l'empire sous l'égide de l'Islam, montée du nationalisme et déclenchement de la Première Guerre Mondiale, l'Arménie, territoire pris en étau entre la Russie et l'Empire Ottoman. Autour de tout ça, les puissances occidentales qui tentent en vain, au gré des alliances diplomatiques, de sauver le premier peuple chrétien...


La première tentative d'extermination à la fin du 19e siècle, sous le règne d'Abdul Hamid II puis la montée du nationalisme jeune-turc et le triumviratsous la direction de Talaat Pacha, ministre de l'intérieur pendant la Grande guerre, épaulé par les allemands. Des détails ahurissants : l'organisation d'un corps de repris de justice afin d'organiser le génocide, l'abandon des populations dans le désert syrien, la collaboration des kurdes....

Tout est examiné à la loupe, de la décision administrative, véritable crime organisé, aux conséquences. Gilbert Sinoué ne passe pas sous silence la tentative américaine, sous l'égide de l'ambassadeur, de limiter ou du moins faire connaître les massacres.

Année par année, heure par heure, le lecteur suit le long processus ; il en ressort une tension dramatique exceptionnelle, digne d'un polar.

Gilbert Sinoué voit le massacre par les yeux d'une famille, les Tomassian, ce qui donne au récit une dimension romanesque poignante. On est loin de l'exposé factuel des différents événements ; on les vit de l'intérieur en évitant tout misérabilisme ; le récit est tragique mais d'une grande simplicité et d'une grande dignité.

A lire afin de connaître un drame historique méconnu malgré sa médiatisation.

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2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 22:58

Prix Page des Libraires, 2009

L'annonce

Editions Buchet Chastel, 2009

Marie-Hélène Lafon, professeur de lettres classiques à Paris, est l'écrivain du monde paysan en train de disparaître. En digne héritière de Pierre Michon et de Richard Millet, elle écrit pour ceux qui ne parlent pas, pour ceux qui ne s'expriment que par le corps et le geste.

Utiliser le terme "roman du terroir" serait une erreur : il s'agit avant tout de mythifier les "gens de rien", de leur donner une dignité littéraire sans pour autant retracer comme dans le genre du terroir la vie de dynasties familiales sur des dizaines d'années.

Marie-Hélène Lafon, tout comme par exemple Annie Ernaux, a quitté son milieu d'origine, les campagnes du Cantal, pour intégrer le milieu professoral.
Il s'agit pour elle, par son travail d'écriture, de saisir ce monde qui est en train de disparaître ; sous sa plume, les paysans deviennent les génies, les grands prêtres d'un monde révolu.

L'intrigue, minimale, est très simple, très réaliste : Paul, un paysan célibataire d'une cinquantaine d'années, vivant avec sa soeur et des deux oncles dans la ferme de Fridières, décide de passer une annonce pour trouver femme. Arrivent à la ferme, du Nord des Mines, de l'alcoolisme et du chômage, Annette et son fils Eric, venus oublier un lourd passé.

Récit de leur rencontre et de  l' immersion dans un "territoire ennemi", celui du petit village qui n'accueille pas si facilement les envahisseurs.

Ne cherchons pas un récit chronologique des faits ; il s'agit avant tout de faire le portrait de ces personnages silencieux, de creuser sous la gangue de souffrance et de solitude, de voir à travers leurs gestes leur ressenti. Quant aux paysages, la ferme où la nuit qui englobe le village, ils sont aussi tours à tours personnifiés, ils parlent, ils caressent.

Ils s'agit avant tout de chercher leur langage, d'où un travail d'écriture extrêmement méticuleux. La phrase de Marie-Hélène Lafon est longue, sinueuse, ponctuée d'une manière délicate : les adjectifs se succèdent sans aucune virgule, instaurant un mystérieux rythme ternaire.

Dans un entretientrès intéressant, elle parle d'une écriture du labour, d'une écriture du sillon qui creuse, qui cherche pour rendre à parole aux taiseux, à ceux qui pensent que se dire est obscène ; il s'agit alors de retourner plusieurs couches avant de trouver le mot juste. D'ailleurs, on retrouve constamment dans le texte le champ lexical de la terre : exhumer, le dépôt, le limon. On parle de relent, de choses nouées dans la gorge.

Un extrait extrèmement fort montre cette difficulté de parole :

"Toute son attention avait été happée, dévorée par les mots de Paul. Et par ses mains. Qui parlaient avec lui, soutenaient sa parole, la relançaient ou reposaient à plat sur la table, dans les creux de silence, et frémissaient comme mues de l'intérieur par de sourds tressaillements qui disaient ou tentaient de dire ce que Paul taisait, ce qu'il gardait tapi sous le flot de choses audibles. Ni Paul ni Annette n'iraient extirper ce qui restait, s'incrustait dessous. On ne gratterait pas les vieilles plaies de solitude et de peur, on n'était pas armé pour ça, pas équipé ; on s'arrangerait autrement. Le relent de vomi froid des peines anciennes serait ravalé et renfoncé dans les gorges à coups de mots utiles qui disaient la situation présente, la décrivaient, expliquaient....

"Il fallait lui dire quelque chose, exhumer des paroles qu'elle sentait collées, tout au fond d'elle, enkystées. Elle aurait pu pleurer, et laisser crever là le bubon des peines ancienne"

Il faut taire la souffrance ; au contraire, on peut se confier dans un autre langage à la nature, aux animaux, d'où les passages très émouvants décrivant un langage de signes entre l'enfant et la chienne de la maison.

Au contraire, la parole peut devenir flot ininterrompu lorsqu'il s'agit de déverser son désaccord ou sa haine contre l'envahisseur ! Nicole, la grande prêtresse du domaine éructe contre la cuisine américaine aménagée par Paul dans la grange du haut pour mener une vie décente avec Annette. Qu'à cela ne tienne, Les Gaulois (sous entendu, la nièce et les deux oncles) résisteront dans la pièce du bas contre ce débarquement américain ! L'humour naît de ce décalage, de ce cri, de cette peur de disparaître.

Dans une langue brillante, très souvent patinée par les âges (emploi de mots élégants surgis du passé, Marie-Hélène Lafon fait ce ses personnages des héros quasi mythologiques. Les deux oncles ne sont pas sans rappeler les vieillards de La vie moderne de Depardon. Un récit empli de dignité, tout en délicatesse, ce qui n'empêche pas des touches d'humour.

Du grand art.

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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 10:08

Traduit de l'allemand (Japon)




Editions Verdier, 2009

Curieux livre que celui de cette japonaise née en 1960, écrivant en allemand (d'où la page de titre très bizarre : traduit de l'allemand -Japon !) depuis qu'elle a émigré à Hambourg.

Toute son oeuvre est basée sur cet aller-retour entre ces deux langues. Comment appréhender le monde avec l'apprentissage des langues ? ou encore aller vers l'inconnu pour mieux se connaître...Tels pourraient être les adages de ce curieux récit : le double de l'écrivain, Yunna, décide d'aller en France grâce à un surprenant mensonge : elle fait croire à une conférencière spécialiste de Phèdre qu'elle souhaite monter Racine en théâtre de Nô. Cette dernière lui propose donc de rejoindre Maurice, son beau-frère à Bordeaux...

Commence donc alors un apprentissage loufoque tirant sur le fantastique : la langue devient obstacle, on apprend la langue vainement sans forcément chercher à décrypter le monde ; on joue sur les mots, on invente des expressions, ce qui crée un curieux vertige.

Tawada choisit la forme du fragment qui fait surgir des souvenirs et des associations d'idées : à chaque début de paragraphe, elle place un idéogramme japonais qu'elle ne traduit pas, comme autant de signes qu'il faut "désentortiller" comme elle le dit. Les rencontres sont furtives, les personnages sont très vaporeux.

Certains épisodes frisent avec le fantastique comme cette maison bordelaise qui agresse son occupante où cette scène magnifique dans une piscine où Yunna se fait dérober son dictionnaire et sa date de naissance...

De très bonnes idées même si je n'ai pas été touchée par ce type de récit. Un thème intéressant : celui des ports, de l'eau, cette sorte de fil d'Ariane nautique qui relierait les mondes entre eux.

Intrigant.

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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 21:52

ANGLO-PAKISTANAIS

La vaine attente

Editions du Seuil, 2009


Voici l'un des romans étrangers les plus remarqués de cette rentrée littéraire 2009, sélectionné notamment pour le Prix Médicis étranger.

Nadeem Aslam, né en 1966, vivant en Angleterre depuis l'âge de 14 ans, s'est fait remarquer à la sortie de son premier roman La cité des amants perdus, chronique d'une famille anglo-pakistanaise confrontée à l'intégrisme religieux.

Son deuxième opus nous plonge au coeur de l'Afghanistan, de l'invasion soviétique de 1979 à nos jours en nous contant l'histoire d'un homme et de sa famille décimée par les guerres, au coeur d'un territoire aux prises avec les rivalités géopolitiques des deux géants, Etats-Unis et Union Soviétique.

Les critiques évoquent la justesse du regard, la description d'une région stratégique où le conflit des grandes puissances a préparé le terreau des islamistes.

Cette grande fresque orientale brille à la fois par son caractère enchanteur digne des Mille et une nuits et par sa richesse documentaire étudiant les conflits tribaux, les relations Pakistan/ Afghanistan et Russie/USA.

Une montagne sous un ciel lapis-lazuli, un bouddha à demi enterré, un lac, une maison aux fresques colorées évoquant les cinq sens, une ancienne fabrique de parfums, des plafonds où l'on a cloué des livres pour les sauver de la griffe des talibans : dans cette maison, au centre de l'intrigue, un vieux médecin anglais, Marcus Caldwell, le vieux lettré, dont la femme et la fille ont disparu depuis des années. Il n'a de cesse depuis des années de retrouver son petits fils.

Pour l'aider dans ses recherches, David, un négociant américain en pierres précieuses, ex-agent de la CIA, ex-amant de sa fille.

Cette maison paradisiaque est le cadre de la "veine attente" : celle de Marcus, celle de David qui a perdu sa bien-aimée et celle de Lara, citoyenne russe, recherchant depuis des années son frère, enrôlé dans l'armée russe en Afghanistan.

Ces trois êtres en latence sont à la recherche de l'être aimé dans un univers d'apocalypse : guerre civile, affrontements tribaux entre chefs rivaux, enlèvements, tortures, attentats.
Casa, un jeune terroriste, va entrer provisoirement dans le havre de paix de Caldwell, mettant en doute ses convictions islamistes.

Situé aux frontières entre le Pakistan et l'Afghanistan, le roman examine en profondeur la déstabilisation de cette région à partir des années 80 : Etats-Unis utilisant le Pakistan comme base pour combattre les Soviétiques, encouragement de l'islamisme pour lutter contre le communisme, "dommages collatéraux" pour arriver à ses fins.

Aslam mêle le romanesque d'un conte oriental au récit d'espionnage et au thriller politique : agences privées protégeant les chefs tribaux à la solde des Etats-unis, attentats terroristes, enlèvement de jeunes femmes....

Chacun des protagonistes trompe l'autre, soit pour le trahir, soit pour le protéger.

Une fresque foisonnante éclairant comme jamais l'actualité internationale. Un souvenir inoubliable : les livres cloués et le bouddha enterré symbolisant l'éternité de la culture sur la barbarie.

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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 09:08

DE VERONIQUE OVALDE

Prix France Culture Télérama 2008

Et mon coeur transparent

Editions de l'Olivier, 2008

Véronique Ovaldé est l'une des voix les plus originales de la littérature française actuelle. On dit que cette dernière est tournée vers l'autofiction, un repli sur soi. Véronique Ovaldé nous livre au contraire des contes plein de fantaisie et de merveilleux, des histoires qui ne se passent que dans les livres !

J'avais eu plutôt une approche négative de Déloger l'animal où elle faisait s'exprimer une petite fille attardée dans un langage  très soutenu. Dans Et mon coeur transparent, je me suis vraiment laissée embarquer dans un monde certes incroyable mais peu importe !

Lancelot, un solitaire un peu hypocondriaque et rêveur, tombe amoureux de la belle Irina. Il n'hésite pas à quitter sa femme subitement pour aller la rejoindre. Alors que Lancelot reste bien sage à la maison, irina parcourt le monde pour faire des documentaires animaliers. Jusqu'au jour où Irina est retrouvée morte, noyée dans une voiture qui ne lui appartient pas...La police découvre qu'elle était morte avant l'accident.

Déboussolé, Lancelot va pourtant enquêter sur la mort mystérieuse d'Irina et découvrir un toute autre personnage...

Véronique Ovaldé détourne à sa manière le roman noir et le récit d'apprentissage. Dans ce roman s'apparentant à un conte, on est tout à coup plongé dans un monde de terroristes ! Lancelot, tel un nouveau Candide, découvre la face cachée du monde.

Comme à son habitude, Ovaldé ne donne aucun détail spatio-temporel réel ; nous sommes dans la ville imaginaire de Camerone et dans un pays enneigé.
Le roman est le récit des aventures rocambolesques de Lancelot raconté par l'auteur dans une langue très imagée, enfantine et "sucrée". Ainsi, un sourire peut être "chaud et laineux" et les chewing-gum parfumés à la crème de marron.

Entrez dans un monde fantaisiste où les meubles disparaissent, où des chaussures rouges vont tombent sur la tête, où les petites filles s'appellent Tralala et où les recettes de cuisine deviennent des recettes de cocktail molotov et où les terroristes distribuent des livres pour enfants pas très catholiques et des boîtes à musique chantant l'Internationale !

Véronique Ovaldé choisit un style naïf et coloré pour dire un monde très noir où les gens, finalement, ont du mal à se connaître.
Elle explore l'intime d'un couple dans une histoire fantasque et c'est beaucoup mieux que dans un énième roman d'autofiction !

Revigorant !







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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 09:15

3e TOME DE "SUITE AFRICAINE"

Les aubes écarlates

Editions Plon, 2009

Après L'intérieur de la nuit et Contours du jour qui vient, Léonora Miano clôt sa suite africaine, magnifique tryptique sur le destin du continent africain, vibrant appel à son réveil, à un sursaut, retranscrit dans un combat poétique d'ombres et de lumières.

Comme dans ses deux précédents opus, Miano décrit une Afrique (un territoire imaginaire au sein du Cameroun) gangrenée par les ravages de la guerre civile. Epa est un enfant soldat qui a été enrôlé de force dans les troupes d'un dictateur mégalomane qui rêve de réaliser l'unité ethnique. Dans la forêt équatoriale, il entend des voix de mystérieuses femmes sans visage, des ombres enchaînées, qui l'exhortent à leur donner un nom et une sépulture.

Conscient de son devoir, Epa s'enfuit et est recueilli par les femmes de La Colombe, un centre qui accueille les enfants orphelins. Il racontera son périple à la jeune Ayané (l'héroïne de L'intérieur de la nuit) qui l'aide à reprendre goût à la vie ; il ira chercher dans la forêt ses compagnons d'infortune pour les rendre à leur famille.

Dans ce magnifique roman polyphonique, Léonora Miano explore les origines du malaise du continent africain. L'histoire est scandée de la voix des disparus sans sépultures qui ont recouvert d'un linceul le continent noir. Ces disparus sont les esclaves disparus en mer, expatriés sur d'autres continents, qui n'ont jamais été reconnus par le continent. Ivres de colère, ils ont plongé l'Afrique dans un marasme de honte et de sang, provoquant des guerres civiles.

Sankofa est le nom d'un oiseau mythique qui vole vers l'avant avec un oeuf dans son bec, en tournant la terre vers l'arrière. Il symbolise la croyance que le passé sert de guide pour préparer le futur’, ou encore ‘la sagesse qui permet de tirer les leçons du passé construit l’avenir’.

Miano pense que la crise africaine est d'abord psychologique et culturelle ; plutôt que de se poser en victime, le continent doit se penser par lui-même, reconnaître la traite négrière et l'esclavage comme éléments fondateurs de sa culture et non comme sujet de honte et d'infériorité. La traite négrière est vue comme premier phénomène de mondialisation qui a créé une culture panafricaine. Vibrant appel à la reconnaissance de ce passé, non honteux, mais fondateur d'une culture, ce livre est une exhortation à la reconnaissance de la mémoire noire pour préparer l'avenir.

Léonora Miano refuse toute victimisation car cela n'est facteur que d'épouvante, de peur. Au contraire, l'Africain est vu comme un passager du milieu qui s'ouvre à l'autre et qui crée un nouvel espace. Miano s'inspire du concept de créolisation cher à Edouard Glissant, l'interpénétration des cultures, le métissage culturel.

Loin de n'être qu'un roman à thèse, cet oeuvre est un texte littéraire très abouti : ce roman polyphonique mélange voix du présent et du passé grâce à des intermèdes prophétiques, incantatoires, qui donnent la parole aux esclaves en recherche de sépulture. Dans le présent, leur voix est incarnée par Epupa, réputée sorcière, femme tombée enceinte mystérieusement, qui, au cours de transes, retranscrit la voix des sacrifiés qui appellent à la réparation. Epupa est la voie de la réconciliation et de l'avenir ; ces litanies aux dimensions d'oracles seront la voie de la lumière et de la renaissance. Entre ces intermèdes poétiques, on entend clairement la voix de l'auteur qui expose sa thèse, comme dans un essai sur la mémire africaine. Entre les deux, vient la voix des personnages, celles du présent blessé, honteux.

Ce roman est aussi une magnifique déclinaison de couleurs, les aubes écarlates symbolise le sang, la blessure non reconnue. La  latérite, terre rouge africaine symbolise cette blessure, cette faille. Miano convoque les quatre éléments, le feu qui représente la guerre civile, la terre rouge, le sang, l'eau, le territoire de l'entre-deux où errent les âmes des défunts et l'air, les exhalaisons des morts.

Comme toujours dans les romans de Miano, l'auteur nous livre un beau clair-obscur, où la lumière renaît toujours des ombres...

" C'était une des plus tenaces manifestations de la honte.Elle continuait de creuser un abîme entre soi et le monde. Chasser la honte, c'était se faire obligation d'accepter ce qu'on était devenu, et qu'on peinait encore à définir. On refusait de se dire mêlé de colon et de colonisé, de négrier et de déporté, d'Occidental et de continental. Ce refus emp^pechait l'éclosion d'un être neuf, somme de toutes les douleurs et, en tant que tel, détenteur de possibles insoupçonnés. On tournait le dos à la responsabilité primordiale des humains : celle de valoriser leur propre existence. "

"Ils seraient désormais les habitants du milieu. Les résidents d'une frontière qui ne serait pas rupture, mais l'accolement permanent des mondes
. "



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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 08:36

ROMAN ADOLESCENT (Aventures)



Editions du Rouergue, collection DoAdo, novembre 2009

En avant-première avant le Salon du Livre Jeunesse de Montreuil, le dernier opus d'Alex Cousseau que j'avais découvert avec Poisson Lune ,  une belle histoire d'amitié entre un petit aveugle et un vieux pêcheur.

Au centre de ses histoires, un grand sens de la tolérance, la recherche de l'autre et la poésie.

Alex Cousseau nous livre ici un roman d'aventures historique qui a pour cadre spatio-temporel le Groenland et le monde inuit des années 20/30. C'est le temps des ethnologues et des aventuriers qui découvrent le monde esquimau. C'est l'époque des premiers avions et de la naissance du cinéma, sans oublier les expéditions ethnologiques de la base de Thulé.

Dans ce contexte historique, Alex Cousseau brode un conte très romanesque mettant en scène deux jeunes Inuits, une soeur et son petit-frère, Wanda et Oukiok qui vont parcourir le monde après que leur père ait été tué par un ours portant un mystérieux chapeau.

"Adoptant" ce chapeau, ils découvrent sur lui de mystérieuses initiales KR. Les marchands des comptoirs sur la côte les mettent sur la piste du père de l'esquimaulogie, l'explorateur danois Knut Rasmussen qui étudie les coutumes et légendes du peuple inuit.

Les voila donc partis sur ses traces, en traîneau ou en hydravion, pour rendre le mystérieux chapeau à son propriétaire. L'histoire se déroule sur 20 ans, de 1912 à 1933. Entre temps, ils auront croisé un aviateur passionné, parcouru le Danemark, l'Ecosse et l'Angleterre, rencontré Robert Flaherty, le père du cinéma documentaire et du célèbre film Nanouk l'esquimau et même Churchill et le monstre du Loch Ness....

Comme dans Poisson Lune, le personnage principal souffre d'un handicap ; Wanda est muette mais elle entend des voix qui déchiffrent l'avenir. Son frère, Oukiok, retranscrit ces voix mystérieuses dans un cahier. Cela donne à ce conte un aspect fantastique.

Ce livre est une ode à la liberté et surtout à la force du rêve : comment un petit détail comme un chapeau peut bouleverser des vies et donner envie de parcourir le monde...

Un joli conte très romanesque qui nous apprend plein de choses sur la découverte du peuple inuit.

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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 12:25

ROMAN ADOLESCENT

Zone cinglée

Éditions Sarbacane, collection "Exprim'", 2009

Un premier roman surprenant d'une jeune écrivain de 23 ans, qui tient à la fois du théâtre antique, du roman de science-fiction, du journal intime et du roman social.

Non, ce n'est pas un énième roman sur la banlieue et ses dangers. L'auteur recrée un univers à la limite de la science-fiction, une ville fantastique tout en clair-obscur : une ville-centre, territoire de la lumière, la cité, monde du béton, où les jeunes se brûlent les yeux, éblouis par la lumière et une zone de non droit, vaporeuse, faite de forêts et de marais, l'Antre, où les jeunes hommes se retrouvent....

La Cité, la zone cinglée, territoire de béton et d'ombres, est sous l'assaut de l'armée des Mères qui se sont regroupées dans un blokaus depuis que leurs fils se suicident après s'être brûlé les ailes et les yeux dans les lumières de la ville. Depuis, elles font la chasse aux jeunes hommes et filles pour qu'ils fassent des enfants...car seuls les jeunes enfants ne connaissent pas la mort...Ainsi, l'armée des enfants empêche les morts de visiter les vivants.

Dans cette cité en guerre, l'histoire nous est contée par Taarouck, un jeune homme de 26 ans, qui vit en reclus dans la cité, après la mort de sa mère, le retour de son père au bled ; il s'occupe de son petit-frère, champion de l'haltérophilie, qui rêve de devenir un poster...

La nuit, il se faufile dans l'Antre, zone de marécages et de forêts, où des ombres vagabondes se promènent ; son rêve : rejoindre ce territoire et les lumières de la ville-centre pour vivre son homosexualité...

Quelques poncifs de la banlieue, certes, comme les femmes battues, le père absent mais c'est tout. Là n'est pas l'essentiel.
Le territoire urbain devient un combat d'ombres et de lumières. Le long chemin vers la libération de Taarouck équivaut à un chemin vers la lumière.

Une écriture aux fulgurances poétiques qui rappelle le théâtre antique : mal-être et rêves du jeune-homme, choeur des mères en deuil, femmes drapées de noir qui évoquent les érinyes, les déesses grecques de la vengeance, qui poursuivent les ennemis de la cause, qui frappent, étranglent et déchirent ou encore les Troyennes d'Eschyle.

Le découpage des chapitres en actes renforce l'aspect tragique du récit. Une première oeuvre très rythmée qui fait place à l'oralité ; un drame urbain qui revisite les tragédies antiques en créant d'un côté un choeur de femmes et de l'autre un groupe d'hommes désoeuvrés. Entre les deux, une voix d'homme solitaire qui rêve de partir et d'assumer sa différence. A lire.

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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 10:50

PRIX PAGE DES LIBRAIRES 2009



L'annonce, Editions Buchet Chastel

Coup de projecteur sur Marie-Hélène Lafon et son dernier roman : professeur de grammaire à Paris, Marie-Hélène Lafon est issue du milieu rural, d'un village du Cantal. Toute son oeuvre a pour décor unique ce terroir et cette vie rurale telle La vie moderne de Depardon.

Ses modèles : Pierre Michon, Pierre Bergougnioux et Richard Millet qui ont ouvert la brèche sur un monde de taiseux. Comme ses dignes prédécesseurs, Marie-Hèlène Lafon "laboure" la langue (telle est son expression), à la recherche du mot juste.

 

Un entretien intéressant sur http://ecrivains.lectura.fr/index.php?post/2009/02/09/Marie-Helene-Lafon

Son roman : dans un village du Cantal, un homme célibataire de 46 ans passe une annonce dans le journal. Arrive Anna, une femme du Nord...
Une histoire d'amour paysanne bientôt chroniquée dans Passion des livres ...

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