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  • : Passion des livres
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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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13 juillet 2009 1 13 /07 /juillet /2009 11:12

MEXIQUE

El ultimo lector

Editions Zulma, 2009

Il s'agit de la première traduction en français de ce jeune auteur mexicain, qui vient de recevoir de nombreux prix pour ce titre.
J'ai été attirée, vous comprendrez pourquoi, par l' histoire de Lucio,  ce bibliothécaire perdu dans un village du Mexique, ce bibliothécaire sans public qui passe sa journée à lire les livres et à envoyer en enfer (comprenez la cave remplie de cafards) les ouvrages qui ne valent pas la peine.

Tout change le jour où son fils, Remigio, découvre dans le fonds de son puit, une petite fille assassinée. Que faire du cadavre sans éveiller les soupçons ? Son père, nourri de fictions en tout genre, reconnaît en la petite fille, Babette, un personnage d'un roman qu'il affectionne particulièrement. Comme ce personnage, il recommande à son fils de l'enterrer sous son avocatier.

Bientôt, Lucio, l'homme des livres, aide à résoudre l'enquête ; car la fiction est si réelle qu'elle influence le cours des choses...d'autant plus que la mère de la petite fille morte est aussi passionnée par le Roman de Babette.

David Toscana se veut l'héritier de ces écrivains latino-américains de génie qui ont inventé le réalisme magique entremêlant imaginaire et réel avec brio et truculence. Il y a de très bonnes idées, de très beaux passages, mais malheureusement, le souffle n'y est pas. Les personnages sont très attachants mais il manque un je ne sais quoi qui pourrait rendre l'intrigue palpitante.

On retiendra le très beau passage où Remigio, amoureux de la petite fille, s'éprend de ses avocats et les invite dans son lit, pensant qu'il s'agit de la descendance de Babette. Où encore Lucio qui souhaite retrouver Herlinda, sa femme morte, dans les romans, mais en vain, car personne ne parle de sa peau si douce. Il est alors obligé de découper des mots pour faire des phrases et refaire vivre Herlinda artificiellement, tels que la littérature n'a jamais pu la décrire...

Finalement, fiction et réalité s'interpénètrent : les passages de fiction sont introduits sans italiques ni guillemets ; tantôt, la fiction est supérieure au réel car l'Histoire raconte ce qui a été tandis que la fiction raconte ce qui est, éternellement....

On retiendra donc de très belles descriptions frôlant avec le fantastique. Mais l'emballement à l'intrigue et l'attachement au personnage n'y est pas. Pour une passionnée de littérature latino-américaine, je suis déçue.

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28 mai 2009 4 28 /05 /mai /2009 20:02

MEXIQUE -Prix Antonin Artaud 2006

Les mots croisés

Editions José Corti "Ibériques", 2009

Voici un recueil de nouvelles ayant pour thème un réel très banal qui devient tout d'un coup fantastique, insolite ou encore comique. Fabio Morabito prend le temps d'installer une atmosphère moite, étrange dans ces petites histoires qui ont pour thème récurrent l'écriture et les mots.

Une femme qui quitte mari et enfant chaque semaine pour pouvoir trouver l'inspiration dans une chambre d'hôtel, un homme et une femme qui se retrouvent dans deux chambres mitoyennes aux portes déverrouillées, un mot que l'on ne comprend pas dans un livre et qui conduit au meurtre ! L'histoire la plus émouvante est sans doute celle qui porte le titre du livre, celle de deux soeurs qui ne communiquent plus que par l'envoi de mots croisés...

Les mots sont tour à tour cruels, émouvants, comiques. Ils tissent des liens ténus entre les personnages ou au contraire servent souvent d'obstacles à la communication ou de stratagèmes, de jeux pour arriver à ses propres fins.

On appréciera la variété de tons, alliant du comique (la tare de la grimace héréditaire dans une famille nombreuse) au tragique en passant par l'étrange (un homme passionné par les empreintes de pieds, l'atmosphère nocturne des portes illicites où l'homme et la femme communiquent dans le noir).

Les dernières nouvelles ont pour thème l'histoire revisitée de manière très humoristique et originale : un grec qui fuit la bataille de Troie en transformant le fameux cheval de Troie en maison, des chevaliers en duel aux armures déglinguées qui arrètent le combat à chaque fois qu'un bout d'armure tombe et enfin les tribus amazoniennes qui se rejoignent dans une vaste fornication en fuyant la déforestation.

Un recueil gorgé de surprises et à la richesse stylistique indéniable.

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13 octobre 2008 1 13 /10 /octobre /2008 18:00

COLOMBIE

Dans la ville des veuves intrépides

Editions Belfond, 2008

Voici incontestablement la grande découverte littéraire latino-américaine de l'année 2008. Ce premier roman vient de recevoir le Prix des lecteurs du Festival America de Vincennes et James Canon est considéré par la critique comme le digne héritier du réalisme magique de Garcia Marquez et d'Isabel Allende.

En effet, cette fresque tragi-comique fait alterner la violence de la guerre (la guérilla colombienne) avec un conte baroque : imaginez que le village de Mariquita soit envahi par les guérilleros qui intiment chaque homme valide de venir grossir leur rang. Les femmes, jeunes et moins jeunes, se retrouvent seules avec le curé du village.
L'anarchie est en route : les champs ne sont plus cultivés, la saleté s'installe, les femmes deviennent d'horribles pouilleuses...Jusqu'à ce que Rosalba, la femme du brigadier, s'autoproclame maire du village...

De multiples solutions aussi extravagantes les unes que les autres sont proposées pour que le village continue à vivre. Car pour qu'il perdure, il faut bien que les femmes procréent !!!

On fait venir les hommes dans un bordel, des jeunes femmes accostent les hommes sur les chemins, il y a même le curé qui souhaite se dévouer corps et âme et faire la visitation aux jeunes vierges !!!

Les situations bulesques se suiccèdent (il y a des pénis qui tombent, des hommes qui deviennent des femmes !). Petit à petit, le conte burlesque devient une véritable utopie où les femmes s'organisent et parviennent à créer une communauté marxiste.

Ce rêve communautaire s'oppose aux "scènes masculines" souvent très dures qui exaltent les règlements de compte entre militaires et guérilleros.

On appréciera les personnages féminins hauts en couleur : les vieilles filles moustachues, les jeunes filles effarouchées et surtout deux figures d'homosexuels fort attachants. Car, plus qu'une guerre des sexes, on assiste à leur effacement progressif, à une certaine androgénie ; bien sûr, l'homosexualité autant féminine que masculine, est très présente, mais jamais comme un sentiment de haine envers l'autre sexe.

Une intrigue originale, pleine d'humour !

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13 décembre 2007 4 13 /12 /décembre /2007 19:44

AMERIQUE LATINE (SALVADOR)

Le Bal des vipères

 

 









Editions Les Allusifs, 2007

Horacio Castellanos Moya, né en 1957, a vécu la majeure partie de sa vie au Salvador. En 1997, après la publication de son roman Le dégoût, il reçoit des menaces de mort et est obligé de s'exiler pour le Canada, l'Espagne et les Etats-Unis. Son oeuvre, à l'écriture très vive, mélange folie, violence et humour.

Voici donc une histoire rocambolesque dans une capitale latinoaméricaine : un jeune homme désoeuvré au chômage décide de suivre le mystérieux Jacinto Bustillo, un mendiant qui vit dans une Chevrolet jaune. Exalté par la vie de cet homme, il le tue pour endosser sa personnalité. Quelle n'est pas sa surprise lorsque qu'il découvre que quatre vipères sont cachées dans la voiture....et qu'en plus elles ont des prénoms et qu'elles parlent !!!

Loli, Beti, Valentina et Carmela vont lui faire découvrir la vie cachée de Jacinto et provoquer un chaos inimaginable dans la ville ! Attaquant les stations services, les supermarchés et des policiers, elles font chavirer le gouvernement...

Policiers, président, ministres, journalistes people, tout le monde est au rendez-vous à mesure que les morts se succèdent. On appréciera le conte fantastique auquel se mêle à l'enquête policière.

Quelle est la signification de ce conte halluciné et burlesque ? Sans doute une métaphore de la révolution qui sème la terreur dans la haute société. 

On appréciera un mélange de violence, de fantastique et d'humour et une scène érotique mémorable où le héros fait l'amour avec les quatre vipères !

L'écriture va à l'essentiel, va à 100 à l'heure dans un rythme effréné, évitant le mot, la phrase de trop. 

Sans être un chef d'oeuvre, ce conte surréaliste bourré d'énergie demeure un bon divertissement !

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18 décembre 2006 1 18 /12 /décembre /2006 21:47

ARGENTINE

Année de parution : 1940

Adolfo Bioy Casares (1914-1999) , l'un des plus grands écrivains argentins du XXe siècle (avec son grand ami Borges) est connu pour ses nouvelles fantastiques à forte dimension psychologique. L'invention de Morel, son premier titre paru en 1940, est unanimement reconnu comme un chef d'oeuvre de la littérature fantastique.

En effet, ce court roman de 120 pages est un petit bijou aussi bien par la forme du récit que par le thème choisi : l'accès à l'immortalité.

L'histoire nous est racontée à la première personne : un condamné à mort fuit la justice et échoue sur une île mystérieuse très peu accueillante : terrain marécageux, faunes et flores en état de déliquescence. On dit que des naufragés sont tous morts d'une maladie mystérieuse...

Le narrateur s'installe et découvre alors un curieux "complexe" : un musée, une chapelle ainsi qu'une piscine. Parfois, le soir, il y aperçoit d'étranges silhouettes qui se réunissent pour un repas ou pour une baignade...Est-ce un complot contre le condamné ? Le narrateur se sent de plus en plus menacé...

Il se cache donc dans les buissons tout en observant la vie sur l'île ; son quotidien va être perturbé par la présence d'une mystérieuse jeune femme, qui apparaît tous les soirs au bord de l'eau. Il essaie d'entrer en contact avec elle à ses risques et périls mais elle semble ne pas le voir ni l'entendre. Un soir, il surprend une conversation entre Faustine, la jeune femme et un dénommé Morel. La jalousie le tenaille...Il fera tout pour entrer en contact avec sa bien-aimée fantomatique...

Les jours passent. Parfois, les silhouettes disparaissent. Parfois, elles reviennent...et les scènes observées le premier soir semblent se répéter à l'infini. Peu à peu, le narrateur va découvrir le secret de l'île : un inventeur a mis au point une machine susceptible de donner l'immortalité. Qui sont alors les silhouettes observées sur l'île?

Je ne vous en dis pas plus ! A vous de découvrir la suite.... Sachez seulement que ce roman mêle à la fois le genre fantastique, une belle histoire d'amour et une fine analyse psychologique. L'atmosphère créée par l'île marécageuse met bien en valeur la situation du condamné qui hésite entre la révolte, la survie ou le suicide. Bioy Casares nous livre une vision très pessimiste de la condition humaine : solitude extrême, incommunicabilité.

Le roman tient à la fois du fantastique (l'analyse psychologique, décors funestes, silhouettes fantomatiques) et de la science-fiction (invention d'une machine donnant l'immortalité). Ce qui est très rare ! On a l'impression d'être à la fois dans le passé et dans le futur !

Bioy Casares nous livre une réflexion intéressante sur l'immortalité tout en évitant tout propos moralisateur. Vraiment un chef d'oeuvre, trop peu connu du grand public...

Alors, ouvrez le vite !

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27 novembre 2006 1 27 /11 /novembre /2006 19:23

ARGENTINE

Editions Christian Bourgois, 2006

Alan Pauls est un écrivain argentin né en 1959. Professeur de théorie littéraire, on lui doit notamment une étude sur le grand Borges (Le facteur Borges). On reconnaît l'influence de la littérature sud-américaine dans ce récit grâce à la présence de la fantaisie et du rêve.

Si vous n'avez pas peur de vous perdre dans les méandres d'une narration hallucinatoire, ce récit est pour vous !

Il s'agit de l'histoire d'un jeune écrivain argentin invité dans un salon littéraire à Saint-Nazaire. Ses vacances européennes vont se transformer en un véritable cauchemar. Le fantastique s'installe lorsque le pauvre écrivain s'aperçoit qu'un étrange kyste est en train de pousser sur sa nuque ; l'excroissance grandit et se transforme en une petite éperon bien aiguisé. Inquiet, l'argentin exilé consulte une homéopathe qui lui délivre une étrange pommade. Sa femme, en lui "goûtant" la nuque, découvre que cette pommade a un goût de wasabi, la célèbre moutarde verte japonaise. Et en plus, ce wasabi a des vertus aphrodisiaques....

Entre deux, le narrateur doit faire publier son roman qui vient d'être traduit en français. Il contacte donc Bouthemy, son éditeur , qui lui conseille de demander une peinture  à un autre écrivain/peintre pour illustrer la couverture de son roman.

Et à partir de là, tout se gâte ! Selon le narrateur, Bouthemy est un imposteur. Jaloux de l'autre écrivain, le narrateur va chercher à le tuer ...Mais l'écrivain/peintre semble insaisissable ! Et voila le jeune écrivain parti pour Paris qui se fait attaquer par des irlandais et qui sombre peu à peu dans la mendicité....Et l'excroissance de la nuque grossit de plus en plus...

Voici un échantillon de toutes les péripéties du roman ! On évolue de plus en plus vers un récit hallucinatoire où il est impossible de distinguer la réalité du rêve. Est-ce la pommade au goût de wasabi qui provoque le délire de l'écrivain? Nous ne le saurons jamais car ce n'est pas le but de l'auteur. Il nous fait voyager avec le plus grand plaisir au royaume de l'insolite.

Un petit récit bien réjouissant qui nous fait penser aussi bien aux récits de Borges qu'aux textes de Kafka.

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26 novembre 2006 7 26 /11 /novembre /2006 14:23

URUGUAY - 1939 et 1954

Juan-Carlos Onetti - Le puit / Les adieux

Juan Carlos Onetti (1909-1994) est considéré par Gabriel Garcia Marquez et Mario Vargas Llosa comme le grand initiateur de la littérature sud-américaine moderne. Beaucoup moins connu que l'argentin Borges, il a pourtant contribué à renouveler profondément le récit romanesque (c'était un grand admirateur de William Faulkner).

En quoi cette littérature est-elle moderne? Ses récits ne sont pas linéaires , ils ne racontent souvent pas d'histoires : c'est l'âme du narrateur qui parle ; le lecteur descend au fond du "puit" des personnages qui sont souvent des êtres solitaires, rempli de désillusions au coeur d'un univers urbain. C'est le vécu, le ressenti qui l'intéresse et non les événements. C'est en cela qu'il est l'héritier d'un Joyce ou d'un Faulkner. On peut aussi évoquer La nausée de Sartre pour le dégoût de l'existence.

Son personnage type est un être solitaire au coeur de la jungle urbaine qui s'est exilé volontairement de la société car celle-ci ne provoque qu'insatisfaction et dépit. Seule la puissance du rêve et de l'imagination peut sauver l'homme ; on retrouve là l'un des grands thèmes des grands auteurs latinos (le réalisme magique de Garcia Marquez ou Mario Vargas Llosa).

Nous en avons un échantillon très significatif dans Le puit, le premier roman d'Onetti. Il s'agit d'un récit à la première personne d'un homme de 40 ans qui se met à écrire ses souvenirs et ses rêves alors que la fête bat son plein au dehors. Il s'en prend à l'intelligentsia bien pensante et matérialiste et aussi à l'amour.

" L'amour était sorti de nous, comme un enfant. Nous le nourrissions, mais il avait sa vie à lui. Il était mieux qu'elle, beaucoup mieux que moi. ...L'amour est merveilleux et absurde. et, étrangement, il visite toutes les classes d'êtres. Mais les gens absurdes et merveilleux n'abondent pas. et ceux qui le sont, c'est pour peu de temps, quand il sont tout jeunes. Puis ils commencent à accepter et à se perdre"

Pour lui, seuls comptent les rêves qu'il inscrit sur le papier ; mais il reste un poète incompris. Il ya a toute une poésie sur l'univers de la nuit qui, elle seule, peut libérer l'homme.

Voici une très belle phrase :

"J'aurais aimé clouer la nuit sur du papier, comme un grand papillon nocturne. mais, plutôt, c'est elle qui m'a soulevé de ses eaux, comme le corps livide d'un mort, et qui me pousse, inexorablement, au milieu du froid et de l'écume vaporeuse, au devant d'elle.

Voila la nuit. Je vais m'étendre sur le lit, le corps refroidi, mort de fatigue, espérant pouvoir m'endormir avant que n'arrive le matin, sans plus aucune force pour attendre le corps humide de la jeune fille dans la vieille cabane en rondins."


Les adieux, le deuxième récit, est très mystérieux. Onetti fait preuve d'un grand talent de conteur pour présenter au lecteur des personnages vaporeux soumis à la vindicte populaire. L'histoire qui se passe dans un village perdu de montagne, nous est racontée par un tenancier de bistrot dont le regard est constamment attiré par un homme solitaire atteint de tuberculose.

Bientôt, les habitants du village "jasent" sur les deux femmes qui viennent lui rendre visite à tour de rôle. Les cancans vont bon train. L'identité des deux femmes (épouse? maîtresse?) ne nous sera révélée qu'à la fin. Onetti met en lumière la médiocrité de la société qui s'acharne sur un homme dont elle ne sait rien. L'auteur nous entraîne avec brio dans un labyrinthe de personnages mystérieux.

Un auteur bien méconnu qu'il convient de redécouvrir...

 

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11 novembre 2006 6 11 /11 /novembre /2006 17:46

URUGUAY

Editions Belfond, 2006

Carlos Liscano est aujourd'hui la figure de proue de la littérature uruguayenne. Il s'est fait connaître récemment en France avec La route d'Ithaque. Son parcours est assez exceptionnel puisqu'il a commencé à écrire pendant son séjour en prison de 12 ans en tant que prisonnier politique. Il s'est ensuite réfugié en Suède puis vit désormais à Barcelone.

Dans Le fourgon des fous, il se souvient de son emprisonnement, de la torture et de sa relation avec ses bourreaux. Plus qu'un témoignage, il s'agit avant tout d'une réflexion sur la dignité de l'homme. A aucun moment, il ne cherche pas à dénoncer le régime qui l'a emprisonné et à régler ses comptes avec ses bourreaux. Il s'agit avant tout de réfléchir sur la dignité du prisonnier et sur la relation entre bourreaux et victimes. Chaque homme peut se reconnaître dans le prisonnier politique d'autant plus que la narrateur ne s'appesantit pas sur les raisons de son emprisonnement ni sur la description du régime militaire qui l'a mené là.

Ce récit peut s'apparenter à une réflexion philosophique mais il en évite toute l'abstraction ; car, même si la narration évite tout lyrisme, tout pathos (les phrases sont très courtes), Liscano évoque le souvenir de ses parents, ce qui émeut profondément le lecteur. Il y a aussi des passages sublimes lorsque par exemple, un soldat pris de pitié devant le narrateur menotté qui tente d'uriner, lui prend le pénis pour l'aider.

Le roman est habilement construit : les souvenirs de la torture et de la résistance psychologique qui occupent le centre du récit (Soi et son corps) sont encadrés par deux courts textes sur la sortie de l'univers carcéral. Alors que l'expérience carcérale est vue d'après la relation du prisonnier avec son corps, l'expérience de la sortie de prison est vue avec anxiété : que faire de sa liberté ? N'est-ce pas plus facile d'être prisonnier?

Pour éclaircir le titre, le "fourgon des fous" désigne d'ailleurs le camion qui emmène les prisonniers vers la liberté...

On retiendra les magnifiques passages décrivant les bourreaux ; à aucun moment, il ne les condamne. Le but est surtout de se mettre à leur place : la difficulté de torturer quelqu'un, l'impossibilité de se regarder en face d'où la supériorité du prisonnier sur le bourreau, le stress d'attendre une révélation de la victime... 

Incontestablement, les passages les plus forts sont ceux qui décrivent les relations du prisonnier avec son corps torturé : Liscano nous plonge au coeur de l'humain; certes, certaines scènes sont très dures, mais nous retenons surtout la splendide dignité de l'homme.

Voici quelques extraits particulièrement significatifs :

La douleur et la conscience

"Mais la douleur, quand cessera-t-elle ? Cela dépend des tortionnaires, ce sont eux qui décident du moment où on n'interrogera plus ce prisonnier . Mais la douleur dépend aussi du prisonnier: il lui suffirait de leur donner les renseignements qu'ils veulent pour que la douleur cesse. Mais alors la conscience revient. Cette douleur passe, va passer à un moment donné. Elle demande un peu plus au corps, encore un peu, une autre nuit. Parce que la douleur du corps sera apaisée un jour. L'autre sera à tout jamais présente, il faudra vivre avec elle"

La relation au corps souffrant

" La crasse est une autre porte vers la connaissance de soi .Les mauvaises odeurs, l'urine sur les vêtements, la bave et les restes de nourriture collés sur la barbe...la peau qui commence à tomber par manque de soleil, suscitent le dégoût. Mais on ne peut pas demander à son corps de résister à la douleur et en même temps lui dire qu'il vous dégoûte. Alors on éprouve de la peine pour cet animal. Il provoque le dégoût mais on veut l'aimer, parce que c'est tout ce qu'on a, parce que c'est de sa résistance que dépend votre dignité.

Bien des années plus tard je verrai, et je penserai, mon corps comme un animal ami. Je dois en être reconnaissant au dégoût que j'ai ressenti un jour pour lui, en me rendant compte que je ne le supportait pas, mais qu'il était tout ce que j'avais, et que je devais continuer à l'aimer, à prendre soin de lui, à le protéger. Aimer l'animal qu'on est, pour continuer à être humain"

La dignité et l'hommage au corps

"Mon corps, qui durant tant d'années fut la seule chose que j'avais, en dépit des coups, des misères, du dégoût qu'il m'est arrivé de ressentir pour lui, aujourd'hui, sur le chemin de la vieillesse, animal ami, m'est toujours fidèle.

Je voudrais le dire, et le lui dire, avec les mots les plus banals qu'un homme habitué à travailler avec des mots puisse trouver : j'aimerais pouvoir choisir la mort de mon corps, le jour, l'endroit, et la manière. Qu'elle lui soit sereine et paisible. Et quelque chose d'absolument irrationnel : je voudrais qu'un jour mes os soient auprès de ceux de mes parents, si c'est possible. La seule chose que j'ai demandée à mon corps sous la torture, c'est qu'il me permette un jour de les regarder en face avec dignité."

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3 juillet 2006 1 03 /07 /juillet /2006 09:19

MEXIQUE -CLASSIQUE

Gallimard "Du monde entier" - Ouvrage écrit en 1955

Voici l'un des grands classiques de la littérature latina. Juan Rulfo a été unanimement reconnu comme un précurseur du "réalisme magique" par Carlos Fuentes, Alejo Carpentier et Octavio Paz.

Ce roman peu commun s'inspire ainsi du surréalisme (Juan Rulfo avait rencontré André Breton au cours de son séjour à Paris ) en mêlant rêve et réalité, vivants et fantômes du passé, présent et passé.

Il s'agit avant tout de la recherche d'un père : Juan Preciado arrive au village de Comala après la mort de sa mère qui lui a demandé de retrouver son père inconnu, Pedro Paramo. Mais lorsqu'il arrive dans ce village perdu, des silhouettes fantomatiques lui déclarent que ce village est abandonné depuis longtemps et que Pedro Paramo est mort !

Juan Preciado va peu à peu comprendre que les personnages qu'il rencontre sont morts eux aussi. Ces fantômes du passé vont lui raconter l'histoire du village et lui décrire la personnalité du seigneur Pedro Paramo. Ce dernier a fait régner la terreur et la corruption dans ce village ; les femmes racontent leur viol ou leur mariage forcé. Puis la révolte gronde : on assiste à la formation des bandes de Pancho Villa. La mort de Pedro Paramo marque la fin d'une époque : celle de la domination injuste des grands seigneurs sur la communauté paysanne.

D'abord considéré comme un roman paysan, indigéniste sur les Indiens du Mexique, cette oeuvre est considérée aujourd'hui comme l'un des grands romans latino-américains, typique du "réalisme magique" : ce sont les revenants qui mènent la danse et qui racontent l'histoire de Paramo.

Au début, l'histoire est un peu déroutante car le récit fait alterner le dialogue entre le fils et les villageois avec l'histoire passée du village. Mais au fur et à mesure, ce mélange de temps ne pèse en aucun cas sur la compréhension du texte.

Un roman à réserver aux amateurs de revenants et aux amoureux du Mexique !

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26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 21:28

ARGENTINE

Roman publié en 1948

Voici l'un des plus grands chefs d'oeuvre de la littérature sud-américaine. Le roman est bien différent de la littérature Latina que nous connaissons, illustrée par le réalisme magique cher à Garcia Marquez. Ici, nulle trace de fantastique. Sabato nous plonge au contraire d'une manière extrêmement réaliste dans les méandres d'une conscience torturée.

Juan Pablo Castel confesse de sa prison le meurtre de la femme dont il était fous amoureux. Comment en est-il arrivé à commettre cet acte désespéré?

Lors d'une exposition, Juan Pablo remarque qu'une jeune femme admire un détail de l'un de ses tableaux qui n'a jamais été remarqué par les critiques d'art : une fenêtre montrant une femme méditant devant la mer. Elle s'enfuit sans que Juan n'ait pu lui adresser la parole. Depuis ce jour, il ne pense qu'à la retrouver en inventant de multiples stratagèmes. Un jour, il la retrouve par hasard : elle s'appelle Maria Iribarne Hunter. Une étrange relation commence alors : la passion se double d'interrogations constantes sur la véritable nature de Maria. Lorsque le célèbre peintre découvre que sa bien aimée est mariée à un aveugle (ce qu'elle lui avait caché) , la jalousie commence à s'immiscer dans sa conscience tortueuse....

Juan devient fou non pour cause de raison défaillante mais au contraire parce qu'il raisonne trop : à chaque action de Maria, il analyse le moindre de ses gestes et invente à partir de là de multiples hypothèses (Maria est une putain, Maria a de multiples amants...). La narration est le récit de ses doutes et de ses interrogations. On pourrait n'y voir qu'un simple drame de la jalousie. Il s'agit de beaucoup plus que cela.

Le titre Le tunnel est extrêmement métaphorique : il désigne le puit intérieur sans fonds des angoisses et des peurs du peintre. Le tunnel est la prison où se débat le narrateur, la porte infranchissable qui empêche toute communication, toute compréhension du monde extérieur. Juan Pablo Castel n'aime pas l'humanité, n'aime pas le milieu artistique ni " tout groupe constitué". Par manque de confiance en lui, il invente mille stratagèmes pour entrer en contact avec Maria : passer par un ami intermédiaire, faire en sorte que ce soit elle qui engage la conversation. Toute communion entre les êtres demeure impossible car une zone d'ombre empêche la fusion des âmes.

Ce roman majestueux, salué comme un chef d'oeuvre par Albert Camus et Graham Greene, regorge de citations formidables sur le nature humaine. Rarement la littérature nous aura plongés de façon si naturelle, si réaliste dans la conscience d'un personnage qui déteste le monde tout en se détestant lui-même.

Je ne résiste pas à l'idée de vous livrer quelques extraits :

"Je retournais chez moi avec la sensation d'une solitude absolue. Généralement, cette sensation d'être seul au monde s'accompagne chez moi d'un orgueilleux sentiment de supériorité : je méprise les hommes, je les vois sales, laids, incapables, avides, grossiers, mesquins ; ma solitude ne m'effraie pas, elle est pour ainsi dire olympienne. Mais, ce jour là, ma solitude était la onséquence de ce qu'il y avait de pire en moi, de mes bassesses. Dans ces cas-là, je sens que le monde est méprisable, mais je comprends que moi aussi, je fais partie de ce monde.... Et je ressens une certaine satisfaction à éprouver ma propre bassesse et à admettre que je ne suis pas meilleur que les monstres répugnants qui m'entourent. "

La métaphore du tunnel....

" Et c'était comme si nous avions vécu tous deux dans des galeries ou des univers parallèles, sans savoir que nous avancions l'un à côté de l'autre, comme des âmes semblables suivant un rythme semblable, pour nous rencontrer au bout de ces galeries, devant une scène peinte par moi comme une clé destinée à elle seule, comme un message secret lui disant que je l'attendais et que les galeries s'étaient enfin rejointes et que l'heure de la rencontre était venue. ...Quelles stupides illusions avais-je pu me faire ! Non, les galeries restaient toujours parallèles , même si maintenant le mur qui les séparait était comme un mur de verre et si je pouvais voir Maria comme une silencieuse et intouchable créature...Non, même ce mur n'était pas toujours transparent : parfois, il redevenait de pierre noire et alors je ne savais ce qui se passait de l'autre côté, ce qu'elle devenait dans ces intervalles sans nom, quels événements étranges avaient lieu ; et je pensais même qu'à ces moments là, son visage changeait et qu'une grimace moqueuse le déformait et que peut-être il y a avait des rires échangés avec un autre et que toutes ces histoires des galeries n'était qu'une ridicule invention à laquelle j'étais seul à croire et qu'en tous cas, il n'y avait qu'un tunnel, obscur et solitaire : le mien, le tunnel où j'avais passé mon enfance, ma jeunesse, toute ma vie. Et dans un des ces passages transparents du mur de pierre j'avais vu cette jeune femme et j'avais cru naïvement qu'elle avançait dans un autre tunnel parallèle au mien, alors qu'en réalité elle appartenait au vaste monde, au monde sans limites de ceux qui ne vivent pas dans des tunnels. "

 

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