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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 14:03

EGYPTE

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51eqk0PsP3L._SS500_.jpg

 

Actes Sud, 2009


Il n'y a pas de Ala Al Aswany et son Immeuble Yacoubian, pour nous dépeindre avec maestria le peuple égyptien sous l'ère Moubarak. Il faut compter aussi sur Khaled Al-Khamissi.

Ce titre, 58 petites saynètes très courtes (2 ou 3 pages à chaque fois) mettent en scène les taxis cairotes, racontant leur quotidien et leur colère ou ressentiment vis-à-vis du régime Moubarak, entre 2005 et 2006, l'année où il briguait un autre mandat.

C'est le narrateur, fidèle utilisateur des taxis cairotes, qui recueille ces conversations, comme un documentariste au cinéma.

Une série brillante d'instantanés, qui oscillent jours entre burlesque et tragédie. L'art de saisir à bras le corps l'opinion populaire...


Jugez-en plutôt par la diversité des situations : un taxi qui rêve de traverser l'Afrique en Taxi jusqu'au Cap de Bonne Espérance, un autre qui s'endort au volant pour avoir roulé non stop pendant plusieurs jours pour régler ses dettes, l'un réalise qu'il ne va plus au cinéma faute de moyens tandis que l'autre se lamente sur la scolarité de ses enfants. L'un raconte son aventure burlesque avec une prostituée, l'autre explique le trafic des ceintures de sécurité.

 

Teintées d'un humour corrosif, doux-amère, ces saynètes sont d'un réalisme troublant ; c'est la verve populaire qui s'exprime ici, nous faisant le portrait d'une société en panne, aussi bien politiquement qu'économiquement.

On a l'impression que l'auteur est une journaliste qui interview au micro le petit peuple égyptien. Naît alors sous sa plume corrosive une ville du Caire malade de pollution, d'embouteillages, d'insécurité et de corruption mais habitée par un peuple digne et fier, qui n'a pas dit son dernier mot.

 

Un bel hommage au petit peuple égyptien en colère....

Cet OVNI littéraire fut un best-seller en 2007 et traduit en plusieurs langues européennes.

un vrai plaisir de lecture.


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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 11:25

EGYPTE, 1956

 

 

PRIX NOBEL DE LITTERATURE 1988

 

Le "Zola arabe" est le premier écrivain de langue arabe à avoir reçu le Prix Nobel de Littérature en 1988. Son oeuvre la plus connue est la "trilogie du Caire" où il nous raconte l'histoire d'une  famille du Caire à travers plusieurs générations ; l'occasion de nous conter l'histoire égyptienne sur plus de vingt ans, entre les deux guerres mondiales.

 

Une occasion de revenir sur la création de ce pays, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment...

 

une famille, une rue, un quartier, l'émergence du nationalisme en 1919 : ainsi pourrait-on résumer ce premier tome de la trilogie.

L'impasse des deux palais désigne une rue typique du Caire, étroite, avec ses maisons, ses marchands d'épices, son brouhaha, une circulation impossible. A l'intérieur d'une maison, vit la famille El Gawwad : le patriarche autoritaire Ahmed, marchand aisé, qui tient son petit monde à la baguette. Il passe son temps entre sa maison, sa boutique, et le cabaret le soir...

Amina, la mère courage, dévouée jusqu'à la soumission pour son mari et ses 5 enfants. Dans la plus pure tradition, elle ne sort jamais de chez elle (son mari lui interdit), et regarde le monde à travers le très symbolique moucharabieh.

 

Les cinq enfants : Yasine, l'aîné, né d'un premier mariage, le "dépravé" aimant l'alcool et les femmes, qui aimerait bien se révolter contre son mère surtout lorsqu'il découvre que son père va aussi au cabaret.

 

Fahmi, l'étudiant en droit, l'idéaliste, le romantique, qui va s'engager dans la révolte égyptienne contre les anglais.

Kamal, le petit dernier, l'espiègle, adorant ses frères et soeurs.

Et enfin, les deux soeurs, Khadiga, l'aînée au gros nez, cancanière mais au grand coeur, et la douce Aïcha.

 

Tout ce petit monde qui grandit, il va bien falloir les marier....Une grosse partie du roman est justement consacrée aux différentes tractations pour marier les quatre aînés : les marieuses, les amoureuses, les mariages arrangés, les refus du père...

 

Le roman est d'abord très intimiste (beaucoup de scènes dialoguées entre deux personnages ou dans une pièce de la maison, autour d'un café ou dans le bureau du père), on pense d'ailleurs à de petites saynètes théâtrales où tout le monde s'affaire, suite à de multiples rebondissements.

Derrière le moucharabieh, on observe, on se cache . On tombe amoureux d'une jeune voisine ou d'un bel officier. Tout tombe à l'eau à cause de l'autorité du père. On ruse, on ne sort pas de chez soi, mais on observe un monde qui bascule derrière le moucharabieh.

 

Puis, petit à petit, on sort dansla rue puis on découvre une société égyptienne en pleine effervescence, entre tradition et modernité, après la fin de la Première Guerre Mondiale. La jeunesse et la nation luttent contre l'établissement d'un protectorat anglais. Un épisode méconnu de l'Histoire de ce pays.

Cette lutte nous fera revenir à nouveau dans la maison de l'impasse des deux palais, maisonnée qui n'en sortira pas indemne....

 

Construction parfaite pour ce roman à la fois intimiste et historique, digne de l'oeuvre d'un Balzac ou d'un Tolstoï.

L'impasse des deux palais, symbole de cette transition entre une Egypte traditionnelle et une Egype moderne, est à l'image de la famille El Gawwad, traditionnaliste, au bord de l'implosion.

 

La figure centrale du patriarche Ahmed Abd El Gawwad est un chef d'oeuvre de psychologie. A la fois autoritaire et très bon vivant, il tyrannise sa famille, femme et enfants, mais  on découvre au fur et à mesure que cette attitude cache une véritable générosité et un amour profond pour sa famille...

 

Roman ardu, long, qui se lit tout de même très facilement, dans une pose très limpide, avec un vrai rythme du récit. Un roman, psychologique et social, comme on les aime.

Cela nous donne envie de découvrir les deux autres tomes : Le palais du désir et Le jardin du passé

 

 

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 21:33

EGYPTE

 

 

 

Actes Sud, 2007

 

En période de révolution égyptienne, un roman très réaliste sur la société égyptienne à la fin de l'ère Moubarak, par l'auteur à succès de L'immeuble Yacoubian ; on y retrouve toujours une fresque à consonance balzacienne ; tout un petit monde décrit à travers la vie des habitants d'un immeuble ou d'un microcosme social.

 

Ici, il s'agit de décrire le milieu universitaire égyptien en exil à Chicago ; au sein du campus, étudiants, enseignants et membres de l'administration se croisent, s'aiment ou se trahissent. ..

 

Car dans cette atmosphère post-11 septembre, les Etats-Unis et les membres de l'administration Moubarak se rapprochent pour lutter contre les cellules terroristes. Et lorsque "Son Excellence" vient rendre visite aux étudiants égyptiens en exil, les forces de sécurité sont prêtes à dégainer leurs armes...
El Aswany, en digne héritier du roman social égyptien (Naguib Mahfouz), brosse des portraits les plus divers : jeune étudiante à l'éducation traditionnelle qui tombe amoureuse d'un étudiant, un professeur en crise existentielle depuis qu'il a découvert que nier son "égyptianité" ne l'a conduit qu'au néant, un autre qui décide de mener une action libératrice, un jeune étudiant qui veut le suivre. Quant aux "suiveurs", il y a le chef de la sécurité et un vieil ambitieux qui rêve de monter les échelons...
L'auteur sait faire vivre et nous faire aimer ses personnages ; beaucoup de dialogues ; destins intercalés dans différents chapitres, de manière à créer un agréable suspense sur leurs destins.
A lire d'une traite !
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16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 11:11

IRAN - 2001

 

C'est moi qui éteins les lumières

 

Editions Zulma, 2011

 

Zoya Pirzad, l'écrivain iranienne, arménienne par sa mère, est en France pour la traduction de son roman paru en 2001 en Iran, élu "Meilleur livre de l'année".

 

Pour information, elle sera à Paris, à la Librairie Dédale, rue des Ecoles, ce mardi 17 mai et à Antony, à la librairie La Passerelle, ce vendredi 20 mai à 19h.

 

Zoya Pirzad, la magnifique conteuse du quotidien, dont j'ai déjà chroniqué quasiment tous les récits : Le goût âpre des kakis, Un jour avant Pâques nous offre ici un beau roman sur "l'intériorité d'une femme d'intérieur"...

 

Clarisse, mariée à un ingénieur de la Compagnie du pétrole, est une mère de famille discrète. Dans sa cuisine digne de celle d'Hansel et Gretel, elle prépare les repas et les goûters de ses trois enfants, Armen, l'aîné et Arsineh et Armineh, les deux petites jumelles. Mais elle reçoit aussi son ancienne voisine, la bavarde Nina et son mari Garnik. Sans oublier sa mère et sa soeur Alice qui n'est pas encore mariée...

 

Son quotidien va être bouleversé à l'arrivée de ses nouveaux voisins, les Simonian : la vieille dame acariâtre, toute petite, autoritaire mais très attachante, la petite-fille Emilie, secrète petite chipie et surtout le père veuf, Emile, qui va provoquer chez Clarisse de vifs émois...

 

Mais bien sûr, comme toujours chez Zoya Pirzad, les sentiments ne sont pas nommés, seulement suggérés. C'est par petites touches impressionnistes que l'auteur évoque ces émois.

 

Dans ce récit, ce sont les pois de senteurs et les papillons qui symbolisent le sentiment amoureux. Quant à l'invasion de sauterelles, elle symbolise à merveille la révolution intérieure. N'oublions pas également la référence à des récits et à des contes racontés par la mère à ses enfants, qui nous montrent à chaque fois des amours déçues.

Les sentiments ne sont jamais nommés. Comme dans une miniature persane, ce sont des symboles minuscules qui ne font que suggérer...

 

Ce sont aussi les gestes du quotidien (un verra cassé, le sucrier qu'on fait glisser nerveusement sur la table) qui évoquent la crise intérieure.

 

Autour de cette crise intérieure, gravite toute une agitation colorée de personnages fantasques : Artosh, le mari taciturne, la mère envahissante, la voisine bavarde, la soeur gourmande et cancannière...

 

Toute cette petite communauté bien bruyante rythme le récit grâce aux vas et viens incessants des personnages qui rentrent et sortent par la cour. Elle lui donne aussi une petite touche humoristique.

 

C'est simple, drôle, touchant et poétique à la fois.

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6 février 2011 7 06 /02 /février /2011 18:28

TURQUIE

 

Istanbul était un conte

 

Editions Sabine Wespieser, 2010

 

Voici le roman fleuve (700 pages !) d'un auteur majeur de la littérature turque représentant la minorité juive, Mario Levi. Issu d'une famille juive sépharade arrivée d'Espagne après la Reconquista, l'auteur a à coeur de se remémorer toutes ces communautés juives, grecques, arméniennes, qui ont fait le charme de cette ville cosmopolite.

 

Dans ce roman, l'auteur convoque 47 personnages (qui nous sont présentés brièvement en préface) du début du 20e siècle à nos jours, d'Istanbul à Paris, en passant par Alexandrie, Odessa ou Vienne).

 

Le narrateur navigue de personnages en personnages ; imaginons une barque qui se laisse flotter sur une rivière et qui est attirée par des dizaines de petites îles ; c'est l'idée que je me fais de la narration de ce roman.

Un itinéraire, une vie nous sont racontées sur une vingtaine de pages puis nous passons lentement mais sûrement à un autre parcours de vie.

 

Nous nous perdons facilement dans tous ces méandres mais pour notre plus grand bonheur ! Car le dénominateur commun de tous ces personnages, c'est la nostalgie, les regrets, la mélancolie et un goût prononcé pour une autre vie rêvée ; ce n'est pas pour rien que Mario Levi est surnommé le Proust turc. Une fiancée laissée à Londres ; un émigré rêvant à sa ville natale ; un homme qui attend le bateau vers "le paradis blanc" ; une femme qui attend toute sa vie son fiancé ; une autre qui se dit ancienne actrice....Entre regrets, rêves et mensonges, les personnages ressassent leurs regrets et leurs désirs. L'auteur excelle dans la description de ces vagues à l'âme sans pour autant sombrer dans le ressentiment ou le misérabilisme. et c'est en cela que réside la poésie de l'oeuvre.

 

Car que ce soit chez les personnages ou chez le narrateur, le lecteur ne sait jamais si les personnages rêvent leur vie ; comme dit le narrateur, le mensonge enjolive nos vies. Nous avons toujours l'impression que le narrateur enquête sur ces dizaines de personnages mais qu'il ne sait pas tout ; alors, il se met à rêver les pièces manquantes...

 

D'ailleurs, nous ne saurons jamais qui est ce narrateur ; nous savons juste qu'il a fréquenté de près cette famille sur trois générations ; mais à savoir vraiment qui il est...c'est l'un des grands suspense du livre.

 

Ne vous imaginez pas un récit de voyage dans les petites rues tortueuses d'Istanbul. Il ne s'agit pas non plus de découvrir de façon précises les traditions juives même si nous assistons aux fêtes traditionnelles et aux repas. Nous partons davantage à la découverte d'un petit peuple, celui des artisans émigrés, qui ont fait le charge de cette ville cosmopolite. On sent que Mario Levi regrette le nationalisme qui a sonné le glas de ce charme.

 

Mais, plus largement, pour moi, ce livre fleuve parle tout simplement de l'âme humaine ; que l'on soit de Paris ou Londres, de Vienne ou de Rome, d'Odessa ou d'Alexandrie, chaque lecteur se reconnaîtra dans le portrait de cette nostalgie universelle.

 

Roman proustien ou Conte des mille et une nuits ? Également une réflexion envoutante sur les pouvoirs de l'écriture et de l'imagination pour remédier au vide de la vie réelle.

 

Un seul conseil : laissez-vous perdre dans ce roman fleuve !

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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 15:54

 

ISRAEL

 

Little big bang

 

 

EDITIONS ZULMA, 2011

 

Voici ma première découverte de cette année 2011. Merci encore aux éditions Zulma de nous faire découvrir une littérature étrangère qui sort des sentiers battus, des auteurs iraniens (Zorya Pirzad), islandais (le magnifique Rosa Candida de Audur Ava Aulafsdottir) et de la littérature indienne, hébraïque....

 

Benny Barbash nous livre son deuxième récit traduit en français. Un récit truculent, qui sous son aspect fantasque, est une satire de l'attachement viscéral du peuple juif à sa terre et de ses conséquences diplomatiques...

 

Tout commence par un récit familial raconté par un enfant ; le père souffre d'un léger surpoids, sa mère va chez le psychanalyste pour dire sa névrose post-Shoah, sa grand-mère, qui n'a jamais rien dit sur l'Holocauste dit par contre beaucoup de choses contre les Arabes. Quant au grand-père, il règne dans les hautes sphères de l'astrophysique, ne jugeant que par les vérités démontrées par les sciences. Nul miracle dans ce monde...

 

Dans cette famille déjà pas triste du tout, tout va se gâter lorsque le père rondouillard va essayer de faire un régime. Tout viande, tout légume...et tout olive ! Jusqu'au jour où un noyau va se coincer dans sa gorge.

Il s'en sortira mais le noyau va rester dans le corps du pauvre père ...jusqu'à donner naissance à un petit arbuste qui va lui sortir de l'oreille....

 

Sous des allures de conte burlesque digne de Calvino ou de Voltaire, Benny Barbash utilise de la métaphore et de la parabole pour faire le portrait de toute une génération obnubilée par son attachement à la terre du peuple élu.

 

C'est divertissant et intelligent en même temps. Quoi de mieux pour commencer l'année !

 

 

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3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 11:50

ARMENIE- 1880



Editions Bleu autour, 2008

Raffi, de son vrai nom Hakob MéliK Hakobian (1835-1888) est l'un des principaux artisans de la renaissance littéraire arménienne au XIXème siècle. Son oeuvre prolifique, surtout constituée de romans historiques qui regorgent de détails sur les modes de vie, fruits d'une recherche approfondie sur le terrain, a contribué à façonner l'identité et la mémoire arménienne. Un journaliste de La quinzaine littérairel'a qualifié de "Dumas d'Arménie".

Le fou est son roman le plus connu. Ayant pour sous-titre "Conséquences tragiques de la guerre russo-turque de 1877 à 1878 en Arménie", ce roman est paru sous forme de feuilleton dans une revue nationale en 1880. La description des événements et des modes de vie et le reportage journalistique n'enlèvent rien à la qualité romanesque du récit : chapitres courts qui se focalisent sur un événement ou un personnage, puis on passe ensuite à un autre chapitre qui décrit les actions d'un autre personnage au même moment. Les personnages ont une épaisseur psychologique indéniable et Raffi, malgré un Darwinisme social clairement affiché, évite tout manichéisme.

Pendant que le sage réfléchit,
le fou traversa la rivière.

Du fou juste est la réponse


Ce proverbe arménien, cité en exergue, illustre le propos du roman et la thèse défendue par l'auteur : menacé par les "réveils nationaux", l'Empire Ottoman, attaqué par la Russie, souhaitant soutenir les populations chrétiennes, spolie et massacre la communauté arménienne. Cette dernière doit répondre au glaive par le glaive, sinon elle sera anéantie. Raffi prêche donc pour un réveil national, une prise des armes au lieu de la traditionnelle soumission bienveillante. A cette époque, les nationalistes qui refusent la soumission sont traités de fous. Le fou est celui qui refuse le joug ottoman. L'Histoire lui donnera raison...Mais les campagnes arméniennes ne semblent pas être encore prêtes...
Ce chef d'oeuvre prophétique, aux allures de mise en garde, annonce plus de trente ans plus tard le génocide qui fera 1,5 millions de morts.
Même contexte : combats russo-turcs, communauté arménienne prise en étau...
Il permet au public européen de comprendre la situation géopolitique de l'Anatolie à la fin du XIXe siècle : ingérence des européens dans la fameuse "question d'Orient", relations entre les différents minorités...

Raffi nous fait découvrir le fonctionnement des communautés arméniennes : société essentiellement agraire des montagnes, toute puissance, corruption et obscurantisme de l'Eglise, communauté divisée entre l'élite stambouliote qui ignore les sociétés agraires alors qu'elles auraient besoin d'écoles, élites locales qui collaborent par intérêt avec les turcs. Raffi évite donc tout manichéisme ; il condamne aussi fortement le manque d'unité des arméniens,  ce qui les conduira à leur perte.

Trois forces en présence donc : les turcs, les arméniens et les tribus nomades kurdes, qui enlèvent les jeunes chrétiennes pour les convertir à l'islam et qui volent les produits de l'agriculture arménienne ; les turcs s'appuient sur eux pour terroriser les arméniens.

A partir de ce contexte, une intrigue palpitante, éminemment romanesque : nous sommes en pleine guerre russo-turque, dans une zone frontalière. La village d'O... est le théâtre de tractations sordides entre arméniens, turcs et kurdes. Raffi nous présente une famille arménienne vivant dans le bonheur ; le patriarche est maire du village ; père de cinq fils, il cache un lourd secret : son dernier fils est en fait une fille qu'il cache pour la protéger des kurdes et éviter qu'un ancien drame familial se reproduise à nouveau ; sa fille s'est suicidée après avoir été enlevée...Mais le secret a été dévoilé par le curé...

La jeune Lala est convoitée par le chef de la tribu kurde et par Thomas Effendi, le collecteur des impôts, arménien qui collabore avec les turcs.
Katcho, le mère, va abriter sous son toit un jeune nationaliste arménien, ami de Vartan, le contrebandier amoureux de Lala...
Convoitée par trois hommes, Lala va déclencher à son insue un cataclysme dans la petite communauté villageoise. Au coeur de la guerre russo-
turque, les intrigues politico-amoureuses vont envenimer les choses...

Il est vrai que l'on peut sans problèmes comparer Raffi à Alexandre Dumas : ce roman est une épopée follement romanesque mêlant l'amour à la politique ; l'intrigue est bien rythmée, scandée en cours chapitres. Aucun temps mort, le lecteur est happé par l'action. Les personnages sont très bien campés : Vartan, le fou, jeune aventurier nationaliste impétueux, souhaitant régler leurs comptes aux turcs, Katcho, le vieux maire attentiste, chantre de la passivité, le machiavélique Thomas Effendi, prêt à toutes les manigances, qui commettra des folies par amour, les fières femmes kurdes, les farouches femmes arméniennes....Moines, caravaniers, contrebandiers...Les seconds rôles sont nombreux et tout aussi intéressants.

Un document historique doublé d'une magnifique intrigue romanesque. A découvrir ! Chef d'oeuvre trop méconnu ...


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2 janvier 2010 6 02 /01 /janvier /2010 16:39


Recueil de textes de Turquie et d'Asie Mineure...et au delà !

Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja

Editions Phébus, "Libretto", 2002

Nasr Eddin Hodja est un héros du monde musulman aussi mythique que des grands mythes européens tels Polichinelle, Don Quichotte ou Don Juan.

Ce facétieux aurait vécu en Turquie au XIIIe siècle ; on peut même y visiter sa tombe ...vide. A préciser également qu'il aurait été bouffon de Tamerlan au XVe siècle. Pur anachronisme ! Qu'à cela ne tienne, on le retrouve dans de nombreuses histoires en train de ridiculiser ou de tenir tête au grand conquérant.

Ses aventures sont connues dans tout l'ex Empire Ottoman et au-delà : Turquie, Arménie, Serbie, Bulgarie, Chine, Inde, Crimée...Ses histoires sans queue ni tête ont circulé par la voix des conteurs sur la route de la soie.

Le traducteur Jean-Louis Maunoury a compilé plus de 500 histoires en leur rendant toute leur saveur, souvent bien scabreuse !

Toutes ces histoires, pas plus longues de 10 ou 15 lignes sont toutes construites de la même manière : une situation initiale, tirée de la vie quotidienne, un dialogue qui s'engage avec une connaissance : sa femme, un voisin, un juge, l'iman, un maître d'école et qui le met en contradiction ; enfin, la chute, innatendue, la réponse à tout de Nasr Eddin, souvent un gros éclat de rire provoqué par son irrévérence, ses blasphèmes, son sens de l'absurde et son irrespect de la non-contradiction.

Nasr Eddin renverse tous nos principes logiques et notre réputé bon sens. Alors, idiot ou summum de l'intelligence ?

Non seulement, notre drôle de héros se moque des institutions politiques et religieuses ( l'Islam en prend pour son grade !) mais aussi de la sacro- sainte rationalité cartésienne ! Mais les critiques affirment que le champion de l'absurde et de l'idiotie révélerait au contraire la vérité cachée derrière la tromperie des apparences. Ainsi, les sages soufis se sont réclamés à plusieurs reprises des farces de Nasr Eddin ; l'absurde, le refus du sérieux, voire le scandale seraient beaucoup plus enclins à nous faire parvenir vers la voix divine que la bigoterie vaine et idiote. D'ailleurs Nasr Eddin signifie "Gloire à la religion !" ; il ne s'agit pas d'une antiphrase mais au contraire d'un chemin autre pour parvenir à la vérité suprême.

L'idiotie aurait donc cette caractéristique de ne pas s'en tenir à la simplicité apparente des choses. Ne serait-ce pas au contraire les adeptes de la banalité et de la raison raisonnante les idiots ?

Nasr Eddin est le chantre du renversement des valeurs et du bon sens. Ayant réponse à tout, il ridiculise les femmes, les imans, les intellectuels. Symbole de l'irrévérence, il est tour à tour rusé, idiot, vicieux, trompeur ou scatologique.

Pour découvrir ce héros de la littérature arabe orale, je vous conseille de "piocher" de temps en temps dans ce gros livre de 600 pages : 10 lignes au hasard, en lecture solitaire ou orale, c'est du pur plaisir !

Un florilège...

Un jour, on vient en consultation juridique demander à Nasr Eddin :
-Si l'imam lâche un pet, à la mosquée, que doivent faire les fidèles ?
-Ce qu'ils doivent faire est évident, aller chier.

Cela fait un bon mois que Nasr Eddin est parti est parti pour la capitale. Il rentre enfin chez lui, et l'on se presse pour l'interroger : qu'a-t-il vu ? qu'a-t-il fait ? Il doit avoir tant de
merveilles à raconter !
-Laissez-moi d'abord vous annoncer la nouvelle la plus importante, laisse-t-il tomber du haut de son âne : le sultan m'a parlé.
-Comment, le sultan t'a parlé, à toi, personnellement !
-C'est comme je vous dis : le sultan, en personne, à moi Nasr Eddin
Une ovation s'élève alors dans la foule
-
Gloire à Nasr Eddin, gloire à notre Hodja ! Le sultan lui a parlé !
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre : le sultan a parlé
à Nasr Eddin qui m'aura pas manqué à son tour de lui parler de sa petite patrie. La renommée d'Akshéhir est faite, les bienfaits vont affluer, toutes sortes de franchises et de subsides.
Une fête est organisée, une grande fête où l'on égorge plus de moutons qu'on en consomme d'ordinaire en une année entière.
Au milieu des réjouissances, un enfant s'approche de Nasr Eddin et, le tirant à l'écart, lui pose la
question :
-Que t'a dit le sultan quand il t'a parlé ?Raconte moi...
-Je l'ai vu sortir de son palais, entouré de ses gardes. Alors, j'ai couru, j'ai écarté les soldats sans même leur laisser le temps de réagir et je me suis retrouvé face à lui, tout prês, comme nous deux là, maintenant.
-Ah bon ! Et c'est là qu'il t'a parlé ?
-Oui, c'est à ce moment là.

-Et que t'a-t-il dit ?
-Ote-toi de là, misérable !"

-Nasr Eddin et son ahmad se sont mis de grand matin en route pour un voyage de plusieurs jours. Le soir est arrivé et, après s'être acquittés de la cinquième prière, ils s'apprêtent à passer la nuit à la belle étoile.
-Dis-moi, demande le Hodja, à qui as-tu confié ta femme pendant ton absence ?
-Elle est entre de bonnes mains, maître, je l'ai mise sous la protection d'Allah
-Alors, tu peux être tranquille : s'Il fornique avec elle toute la sainte journée, personne n'en saura jamais rien.

Pour en savoir plus, aller sur le site
http://ahama.9online.fr/histoires.htm : les histoires y sont classées par thèmes. Bonne lecture !


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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 11:29

EGYPTE

Le Livre des jours


Editions Gallimard "L'imaginaire", écrit en 1929

Taha Hussein (1889-1973) , surnommé le "doyen des lettres arabes"est le plus grand auteur égyptien du 20e siècle. On lui doit la modernisation de la littérature arabe : emploi d'une langue débarrassée des fioritures (Taha Hussein, aveugle, dicte ses livres à sa fille), prégnance de l'écrit autobiographique. 

Ce fut un intellectuel, une personnalité publique de premier plan :  professeur de littérature arabe à la faculté des lettres du Caire, doyen de cette faculté, premier recteur de l'Université d'
Alexandrie, créée par lui en 1942, contrôleur général de la culture, conseiller technique, sous-secrétaire d'État au ministère de l'Instruction Publique, puis finalement ministre de l'Education Nationale.
Il rénova en profondeur l'enseignement égyptien, n'hésitant pas à mettre en doute l'authenticité des textes pré islamiques.

Son texte le plus connu Le livre des jours, est étudié en classe en Egypte. A noter qu'il a été expurgé il n'y a pas si longtemps des passages les plus irrévérencieux sur l'hypocrisie des professeurs.

Il faut dire que ce livre est d'une rare modernité ; préfacé par André Gide, ce récit autobiographique écrit à la troisième personne relate le passage de l'ombre vers la lumière du grand écrivain ; né dans une famille pauvre de la Moyenne-Egypte, devenu aveugle à l'âge de 3 ans, Taha Hussein apprend par coeur Le coran à l'âge de 9 ans. Tout jeune, accompagné de son frère aine, il intégrera la grande Université du Caire, El Azhar, afin de devenir religieux. Mais la force de caractère de l'enfant en décidera autrement : son livre décrit sa solitude au sein d'un monde professoral jugé inculte et hypocrite, aux méthodes désuètes et inefficaces. C'est la rencontre avec un professeur de littérature qui modifiera la trajectoire du jeune Hussein.

Refusant tout misérabilisme, le récit est écrit dans une langue simple et distanciée.
Employant le "Il", Hussein évite tout sentimentalisme. On ne devine après coup, à la moitié du livre, qu'il raconte en fait son histoire à sa fille et à son fils...mais sous la forme d'une histoire et non de souvenirs.

Un univers très intéressant mais forcément un peu obsolète : le lecteur a tendance à décrocher avec toutes ces références d'auteurs arabes. De même, pour l'apprentissage du Coran. Mais on se dit qu'après tout, dans le monde musulman, l'enseignement religieux n'a pas dû forcément évoluer...Pas si désuet que ça...

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13 novembre 2009 5 13 /11 /novembre /2009 17:18

TURQUIE

Le livre de ma grand-mère

Récit de vie

Editions de l'Aube, 2006

Alors que le génocide arménien n'est toujours pas reconnu officiellement par l'Etat Turc, voici le récit bouleversant de Fethiye Cetin, avocate turque, membre du comité exécutif pour les droits de l'homme et porte-parole du groupe d'étude des droits des minorités auprès du bareau d'Istanbul.

L'auteur relate la vie de sa grand-mère dont elle a découvert sur le tard l'origine arménienne : lors de la déportation de 1915, elle fut arrachée à sa famille et enlevée par un gendarme turque. Ce dernier, ne pouvant avoir d'enfant,  l'adopte mais officiellement, elle est une servante, convertie de force à l'islam . Plus tard, ell épouse un turc, le neveu de ses parents adoptifs. Des années plus tard, elle décide de révéler le secret à sa petite fille pour qu'elle retrouve sa famille arménienne, émigrée aux Etats-Unis.

Ce livre très sobre relate un événement peu connu de l'histoire arméno-turque : plutôt que de se concentrer sur les déportations, il décrit l'après-génocide, celui des transferts de population, les conversions puis l'immigration.

L'auteur décrit dans des scènes très belles l'amour et le respect qu'elle porte à sa grand-mère ainsi que le choc de se découvrir à la fois arménienne et turque, d'où le désir de retrouver sa famille cachée...

Bouleversant. A signaler que ce livre a un succès inattendu en Turquie.

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