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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 11:50

ARMENIE- 1880



Editions Bleu autour, 2008

Raffi, de son vrai nom Hakob MéliK Hakobian (1835-1888) est l'un des principaux artisans de la renaissance littéraire arménienne au XIXème siècle. Son oeuvre prolifique, surtout constituée de romans historiques qui regorgent de détails sur les modes de vie, fruits d'une recherche approfondie sur le terrain, a contribué à façonner l'identité et la mémoire arménienne. Un journaliste de La quinzaine littérairel'a qualifié de "Dumas d'Arménie".

Le fou est son roman le plus connu. Ayant pour sous-titre "Conséquences tragiques de la guerre russo-turque de 1877 à 1878 en Arménie", ce roman est paru sous forme de feuilleton dans une revue nationale en 1880. La description des événements et des modes de vie et le reportage journalistique n'enlèvent rien à la qualité romanesque du récit : chapitres courts qui se focalisent sur un événement ou un personnage, puis on passe ensuite à un autre chapitre qui décrit les actions d'un autre personnage au même moment. Les personnages ont une épaisseur psychologique indéniable et Raffi, malgré un Darwinisme social clairement affiché, évite tout manichéisme.

Pendant que le sage réfléchit,
le fou traversa la rivière.

Du fou juste est la réponse


Ce proverbe arménien, cité en exergue, illustre le propos du roman et la thèse défendue par l'auteur : menacé par les "réveils nationaux", l'Empire Ottoman, attaqué par la Russie, souhaitant soutenir les populations chrétiennes, spolie et massacre la communauté arménienne. Cette dernière doit répondre au glaive par le glaive, sinon elle sera anéantie. Raffi prêche donc pour un réveil national, une prise des armes au lieu de la traditionnelle soumission bienveillante. A cette époque, les nationalistes qui refusent la soumission sont traités de fous. Le fou est celui qui refuse le joug ottoman. L'Histoire lui donnera raison...Mais les campagnes arméniennes ne semblent pas être encore prêtes...
Ce chef d'oeuvre prophétique, aux allures de mise en garde, annonce plus de trente ans plus tard le génocide qui fera 1,5 millions de morts.
Même contexte : combats russo-turcs, communauté arménienne prise en étau...
Il permet au public européen de comprendre la situation géopolitique de l'Anatolie à la fin du XIXe siècle : ingérence des européens dans la fameuse "question d'Orient", relations entre les différents minorités...

Raffi nous fait découvrir le fonctionnement des communautés arméniennes : société essentiellement agraire des montagnes, toute puissance, corruption et obscurantisme de l'Eglise, communauté divisée entre l'élite stambouliote qui ignore les sociétés agraires alors qu'elles auraient besoin d'écoles, élites locales qui collaborent par intérêt avec les turcs. Raffi évite donc tout manichéisme ; il condamne aussi fortement le manque d'unité des arméniens,  ce qui les conduira à leur perte.

Trois forces en présence donc : les turcs, les arméniens et les tribus nomades kurdes, qui enlèvent les jeunes chrétiennes pour les convertir à l'islam et qui volent les produits de l'agriculture arménienne ; les turcs s'appuient sur eux pour terroriser les arméniens.

A partir de ce contexte, une intrigue palpitante, éminemment romanesque : nous sommes en pleine guerre russo-turque, dans une zone frontalière. La village d'O... est le théâtre de tractations sordides entre arméniens, turcs et kurdes. Raffi nous présente une famille arménienne vivant dans le bonheur ; le patriarche est maire du village ; père de cinq fils, il cache un lourd secret : son dernier fils est en fait une fille qu'il cache pour la protéger des kurdes et éviter qu'un ancien drame familial se reproduise à nouveau ; sa fille s'est suicidée après avoir été enlevée...Mais le secret a été dévoilé par le curé...

La jeune Lala est convoitée par le chef de la tribu kurde et par Thomas Effendi, le collecteur des impôts, arménien qui collabore avec les turcs.
Katcho, le mère, va abriter sous son toit un jeune nationaliste arménien, ami de Vartan, le contrebandier amoureux de Lala...
Convoitée par trois hommes, Lala va déclencher à son insue un cataclysme dans la petite communauté villageoise. Au coeur de la guerre russo-
turque, les intrigues politico-amoureuses vont envenimer les choses...

Il est vrai que l'on peut sans problèmes comparer Raffi à Alexandre Dumas : ce roman est une épopée follement romanesque mêlant l'amour à la politique ; l'intrigue est bien rythmée, scandée en cours chapitres. Aucun temps mort, le lecteur est happé par l'action. Les personnages sont très bien campés : Vartan, le fou, jeune aventurier nationaliste impétueux, souhaitant régler leurs comptes aux turcs, Katcho, le vieux maire attentiste, chantre de la passivité, le machiavélique Thomas Effendi, prêt à toutes les manigances, qui commettra des folies par amour, les fières femmes kurdes, les farouches femmes arméniennes....Moines, caravaniers, contrebandiers...Les seconds rôles sont nombreux et tout aussi intéressants.

Un document historique doublé d'une magnifique intrigue romanesque. A découvrir ! Chef d'oeuvre trop méconnu ...


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