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  • : Passion des livres
  • : Les coups de coeur de mes lectures. Venez découvrir des classiques, des romans français ou étrangers, du policier, du fantastique, de la bande dessinée et des mangas...et bien des choses encore !
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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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13 septembre 2010 1 13 /09 /septembre /2010 08:53

1933

Les Iles

  

Editions "L'imaginaire", Préface d'Albert Camus en 1959

  

Jean Grenier, philosophe français (1898-1971), a été le professeur de philosophie d'Albert Camus à Alger. Relativement méconnu, c'est pourtant ce texte présenté ici qui a incité Camus à écrire (d'où l'admirable préface datant de 1959).

  

Les deux intellectuels proposent pourtant deux philosophies différentes : Camus privilégie l'engagement et l'action alors que Grenier prône la contemplation ; il a d'ailleurs écrit un essai sur l'esprit du Tao.

 

Cet opus n'est pas une récit de voyage, comme le titre pourrait le laisser entendre. Il s'agit avant tout d'une métaphore de la condition humaine, confrontée très tôt au sentiment du néant, du vide. Mais l'homme est happé par le désir d'absolu pour combler sa soif de désir. Alors il navigue constamment, d'îles en îles, pour combler son désir.

 

Les îles, ce sont ces instants divins, très rares mais si intenses, qui font que notre désir est comblé et que l'on atteint l'absolu un bref laps de temps. Ces instants peuvent venir tout simplement de la contemplation d'un paysage, d'un rêve éveillé.

 

On notera un passage très intéressant sur l'Inde, comparée à l'esprit grec rationnel ù l'homme est la mesure de toute chose ; l'hindouisme est le choix du renoncement, du dépouillement pour atteindre directement l'absolu. La mesure de l'homme, l'attrait du monde sensible n'est pas une étape nécessaire.

 

A ce titre, justement, n'imaginez pas un texte aride, intellectuel. C'est au contraire un texte très poétique (les îles nommées : Pâques, Kuerguelen, Borromées ne sont pas décrites mais s'apparentent à ces instants magiques qu'a vécus le narrateur). Grenier privilégie les anecdotes concrètes et n'hésite pas à parler de son chat Mouloud ou du boucher du coin dans des dialogues savoureux.

Voici quelques extraits significatifs :

 

"La perfection, je le sais, n'est pas de ce monde, mais dès qu'on entre dans ce monde, dès qu'on accepte d'y faire figure, on est tenté par le démon le plus subtil, celui qui vous souffle à l'oreille : puisque tu vis, pourquoi ne pas vivre ? Pourquoi ne pas obtenir le meilleur ? Alors ce sont les courses, les voyages...Mais quels beaux instants que ceux où le désir est prêt d'être satisfait.

Il n'est pas étrange que l'attrait du vide mêne à une course, et que l'on saute pour ainsi dire à cloche-pied d'une chose à une autre. La peur et l'attrait se mêlent -on avance et on fuit à la fois ; rester sur place est impossible. Cependant, un jour vient où ce mouvement perpétuel est récompensé : la contemplation muette d'un paysage suffit pour fermer la bouche au désir. Au vide se substitue immédiatement le plein. Quand je revois ma vie passée il me semble qu'elle n'a été qu'un effort pour arriver à ces instants divins ;...

 

Fleurs qui flottez sur la mer et qu'on aperçoit au moment où on y pense le moins, algues, cadavres, mouettes endormies, vous que l'on fend de l'étrave, ah, mes îles fortunées ! Surprises du matin, espérances du soir, vous reverrai-je encore quelques fois ? Vous seules qui me délivrez de moi et en qui je puisse me reconnaître. Miroirs sans tain, cieux sans lumière..."

 

 

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5 septembre 2010 7 05 /09 /septembre /2010 15:06

RENTREE LITTERAIRE 2010

 

De lait et de miel

 

Editions Sabine Wespieser

 

En cette rentrée, les romans historiques tournant autour du thème de l'exil ont le vent en poupe. Les réfugiés espagnols du régime franquiste dans  Antoine et Isabelle de Vincent Borel, les exilés chinois internés dans l'Italie fasciste dans Cente-seize chinois et quelques de Thomas Haims-Ogus...et les exilés roumains d'origine française du roman de Jean Mattern.

 

J'avais découvert Jean Mattern et son premier roman, Les bains de Kiraly, ce fut un réel coup de coeur. Ecriture très sobre évoquant les sentiments humains avec beaucoup de subtilité.

Son deuxième roman nous plonge également dans un récit des origines ; il donne voix à son père, originaire du Banat, province roumaine reconquise sur les turcs et peuplée au XVIIIe siècle d'Allemands, d'Alsaciens et de Slovènes. En 1944, lorsque la Roumanie est libérée du joug allemand par les russes, le jeune homme suit les allemands dans leur retraite et rejoint la France. Il laisse en Allemagne son meilleur ami, Stefan, le violoncelliste virtuose, qui lui préfère partir pour l'Allemagne.

 

Soixante ans plus tard, au seuil de sa mort, il raconte à son fils son exil, son installation en France, son mariage avec une exilée hongroise ...et lui demande de retrouver Stefan.

 

Un récit racontant l'exil et le déracinement, d'une très grande sobriété ; le titre très poétique évoque ce que comptait offrir le narrateur à sa femme hongroise, une vie "de lait et de miel". Malheureusement, le destin en décidera autrement puisqu'ils perdront un enfant. Mais l'écriture s'en tient à la chronologie des faits ; il s'agit de dire ce qui a été longtemps tu, sans recourir à un quelconque lyrisme.

 

Une belle plongée dans un pan ignoré de l'Histoire de l'Europe de l'Est et surtout de ces Français de Roumanie, rapatriés par le Général de Gaulle. Moins marquant que Les bains de Kiralymais Jean Mattern confirme tout de même un talent tout en épure.

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5 septembre 2010 7 05 /09 /septembre /2010 14:29

RENTREE LITTERAIRE, 2010

 

L'amour est une île

 

Editions Actes Sud

 

Moi qui ne suit pas une fan de Claudie Gallay (je n'ai pas cru à l'histoire de L'or du temps, je n'est pas lu les déferlantes, j'ai apprécié Seule Venise), j'ai été intriguée par son dernier roman ; le cadre, le Festival d'Avignon, le théâtre, m'ont intéressée.

 

Après avoir été très critique (mon dieu, son écriture sujet, verbe, complément !), je me suis finalement laisser prendre au jeu. Si, à mon avis, l'histoire est lente à démarrer, un certain suspence s'installe et on y prend du plaisir.

 

Amour, trahison, théâtre, écrivain maudit, texte posthume....voici les ingrédients d'une intrigue romanesque à souhait.

 

2003, le Festival d'Avignon est menacé par la grève des intermittents. Odon, metteur en scène, programme Nuit rouge, le texte d'un jeune poète maudit mort avant d'avoir connu le succès.

Marie, sa jeune soeur, qui l'aidait à taper ses textes, est en Avignon, venue voir la pièce de son frère défunt.

Troisième personnage, la Jogar, actrice célèbre, revenue dans sa ville natale, qui a vécu une passion brûlante avec Odon.

 

Un texte maudit et autour, 2 personnages qui vont peu à peu révéler leurs secrets.

 

Le personnage le plus attachant, le plus tragique est sans aucun doute Marie; Elle fait d'ailleurs penser à Lisbeth, l'héroïne de Millenium, avec ses piercings (voir la couverture du roman).

Obsédée par la mort de son frère, c'est une personnalité ravagée qui porte à sa ceinture les cendres de l'écrivain maudit et s'automutile. Elle rêve de venger la mort de son frère dont est responsable Odon. Elle pense que ce dernier ne lui a pas répondu favorablement assez tôt pour la publication de son manuscrit...

 

Marie va peu à peu apprivoiser Odon et découvrir les coulisses du théâtre ....ainsi que le secret de la Jogar...

 

Les secrets se révéleront jusqu'à la fin...

Des personnages secondaires très réussis (Isabelle, l'amie des artistes entre autres), une oeuvre qui échappe à son auteur, les rapports entre les masques et la réalité, le théâtre et la vraie vie, des personnages qui cachent leurs blessures...

 

Tous les ingrédients sont là pour faire de ce livre une histoire attachante au pays des artistes et des passions.

 

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29 août 2010 7 29 /08 /août /2010 14:15

 RENTREE LITTERAIRE

 

Rosa Candida 

 

 

Editions Zulma, 2010

 

Divertissant, drôle, tendre, émouvant, rafraîchissant. Ce premier roman d'une auteur islandaise écrit en 1998 est une  véritable découverte !

 

Ce roman est un drôle de récit d'apprentissage mettant en scène un tout jeune homme de 22 ans passionné d'horticulture. Alors qu'il traverse une mauvaise passe  (sa mère, qu'il l'avait initié à la botanique, vient de mourir dans un accident de voiture, il est père d'une petite fille alors qu'il a couché avec sa mère un "quart de nuit" !), il décide de quitter son Islande natale volcanique et humide pour rejoindre dans un pays jamais nommé  ....une roseraie dans un jardin au milieu d'un monastère dans une contrée perdue où les villageois parlent le patois...

 

C'est parti pour un road-movie pas ordinaire ; le jeune homme quitte son père papa-poule et son frère jumeau autiste pour se trouver une vocation. Il a en effet promis à sa mère mourante de se rendre au fameux monastère pour aller y planter une espèce de rose inconnue, la rosa candida, à huit pétales, rose qu'elle cultivait dans la serre familiale.

 

Alors que son voyage commence par une mésaventure (crise d'appendicite), il va rencontrer au fur et à mesure de sa route des personnages insolites (un moine féru de cinéma par exemple) ; il sera bientôt rejoint par Anna, sa conquête d'un "quart de nuit" et sa petite fille.

Il va alors faire progressivement l'apprentissage des femmes, de la paternité et....de la cuisine !!!

 

Ce candide moderne n'arrête pas de s'autodénigrer (il s'amuse de sa passion pas très virile pour l'horticulture à l'opposé de son père électricien) et se demande même s'il est vraiment porté vers la gentes féminine !

 

On appréciera d'autant plus la constellation familiale qui gravite autour de lui (dialogues téléphoniques savoureux avec son père sur les plats à cuisiner : soupe au flétan, boulettes de poisson...). En effet, la cuisine tient une place toute particulière dans ce récit : spécialités très bizarres comme le pâté au hérisson aux premiers essais culinaires réussis du jeune homme.

 

Des roses, un monastère, une petite fille toute blonde ressemblant à l'enfant Jésus...Un nouveau paradis sur terre, une enclave bien spéciale à l'atmosphère à la fois drôle et mystique.

 

On s'attache vraiment au personnage du jeune homme ; il est rare, dans la littérature, de traiter, et en plus avec beaucoup de tendresse et d'humour à la fois) de la naissance du sentiment de paternité.

 

Un vrai bonheur !

 

Décidément, la rentrée nordique en France est d'un très bon crue (avec Purge de Sofi  Oksanen). Une bonne augure pour la Salon du Livre de 2011 consacré justement à cette littérature...

 

 

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26 août 2010 4 26 /08 /août /2010 19:23

RENTREE LITTERAIRE 2010

 

Cronos

 

Editions Christian Bourgois

Linda Lê, d'origine vietnamienne, est assurément l'une des plus belles plumes françaises du moment.

Je l'avais découverte avec Les aubes , monologue d'un homme aveugle rescapé du suicide par trois femmes initiatrices. Une révélation.

 

Une écriture très élégante, ciselée, utilisant des mots très rares, surannés. Trois thèmes principaux : Eros, Thanatos et la création.

En général, Linda Lê propose surtout des huit-clos tout en clair-obscur, des duos ou des triades.

Nous sommes ici toujours dans le huit-clos familial mais l'espace s'élargit puisque l'auteur analyse toute une société en déliquescence, meurtrie par la violence sans nom d'une dictature dans la ville imaginaire de Zaropolis. Le pouvoir appartient au Grand guide, guignol fantoche et à son ministre de l'intérieur, Karachi, qui s'en prend indifféremment aux opposants, aux pauvres, aux femmes, aux vieillards.

  Une voix s'élève. Celle d'Una, mariée de force au sanguinaire Karachi. Elle s'est mariée pour sauver son père, un vieil astronome sénile. Cette voix s'exprime par l'intermédiaire de lettres envoyées à son frère adoptif, Andréas, comédien exilé, auteur de pièces subversives critiquant le régime. 

 

Una raconte son quotidien à son frère ; son refus de se donner à son monstre d'époux, son assistance quotidienne à son père sénile...et sa passion naissante pour un poète bien décidé à secouer le joug de la dictature. Lorsqu'elle tombe enceinte de lui, elle se décide à passer de l'autre côté, celui des opposants.

 

Deux atouts majeurs font le talent incontestable de Linda Lê : une écriture haletante mêlant mots rares, précieux et vulgaires ; la parole s'écoule sans fin, l'intrigue n'existe que par la voix des personnages.

 

Une atmosphère à nulle autre pareille, oscillant cette fois-ci entre (c'est mon avis personnel) un milieu futuriste digne d'une fin du monde horrible et une tragédie antique peuplée d'artistes.

 

Il est vrai que j'ai eu l'impression à plusieurs reprises de me promener dans un roman de SF, une ville proche de la fin du monde, avec ses habitants faméliques, horde sous le joug d'un dictateur éradiquant la race humaine.

 

Il y a bien sûr beaucoup de références aux tragédies antiques : Una est une nouvelle Antigone sacrifiée, sauvant son père invalide (Oedipe) et luttant en vain pour un ordre plus juste. Enfin, il y a toute une atmosphère magique peuplée de vieux scientifiques, de comédiens, de marionnettistes, d'arcomme dans les contes pour enfants.

 

Lecture assez ardue mais magique...

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 21:46

Editions de l'Olivier, 2010

 

La disparition de Paris et sa renaissance en Afrique

 

Martin Page est connu pour ses personnages d'anti-héros fantasques, un peu paumés, à qui il arrive des aventures qui sortent de l'ordinaire.

Dans son dernier roman paru en janvier, il récidive en mêlant à la fois l'intime et le politique dans un récit conté toujours avec brio.

 

Tout commence comme un conte burlesque : un soir d'hiver avant Noël, "une matraque a rencontré un crâne" ! Traduction : un policier de Paris a commis une bavure en frappant Fata Okoumi dans le quartier de Belleville, une femme d'affaire africaine qui refusait de présenter ses papiers.

 

Mathias voit sa vie chamboulée par ce fait divers : petit fonctionnaire embauché à la mairie de Paris, chargé de préparer les discours du maire et de faire les enquêtes préliminaires nécessaires, il reçoit la charge de se rendre au chevet de la vieille dame pour écouter ses doléances et réparer l'outrage qui lui a été fait. On parle d'ailleurs de faire un grand discours sur la place de l'hôtel de ville et d'inaugurer une plaque...

 

Mathias est le héros type de Martin Page ; la quarantaine, aucune ambition, de l'embompoint (il fait retailler tous ses pantalons ce fameux jour et le tailleur est fermé ! Il se retrouve donc à quémander le pantalon du voisin et arrive en retard à son boulot !) et pourtant...il lui arrive des choses abracadabrantes...

 

Il se prend d'amitié pour cette milliardaire africaine qui va lui demander de faire disparaître Paris. Une requête terroriste ? Non, plutôt une demande d'une amoureuse de Paris. Mathias va donc se creuser les méninges pour réaliser le souhait de la malade et va voir son quotidien bouleversé.

 

Je vous laisse découvrir la suite. Sous ses allures décalées, ce roman propose un récit d'apprentissage doublé d'une analyse caustique de notre société médiatique et sécuritaire.

 

Une façon très décalée de redécouvrir Paris !

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22 août 2010 7 22 /08 /août /2010 20:31

RENTREE LITTERAIRE 2010

 

Retour aux mots sauvages

 

Editions Fayard, 2010

 

Avis unanime cette année : la rentrée littéraire est française (quasiment 500 titres sur 700) et marquée par les questions économiques et sociales ; on note un intérêt pour le monde de l'entreprise en crise.

Philippe Claudel,  dans L'enquête, aborde la question du suicide ; Nathalie Kuperman, dans Nous étions des êtres vivants met en scène un coeur de travailleurs qui doivent faire face à des licenciements massifs suite à une restructuration. Un  premier roman, Le front russe de Jean-Caude Lalumière qui présente avec humour une mise au placard...au ministère des affaires étrangères !

 

Thierry Beinstingel s'est fait un spécialiste de la mise en scène du monde du travail (CV Roman, Central) ; il s'attaque ici au scandale des suicides de la célèbre entreprise de télécommunication, jamais nommée, bien sûr.

Mais l''auteur va au delà d'un simple fait divers ; il s'agit d'analyser les répercussions psychologiques d'un changement de travail dans le milieu des seniors ; il est question du mental, mais aussi du corps et du langage.

 

Le "héros" n'est bien sûr jamais nommé ; c'est juste "le nouveau" et Eric, son nouveau prénom de téléopérateur. Car l'entreprise donne chaque année un nom d'emprunt à ses salariés commençant par la même lettre...

Le personnage est un senior en reconversion ; ancien électricien, plus à l'aise avec ses mains qu'avec sa langue, l'éternel taiseux doit désormais "faire manoeuvrer sa bouche" de façon automatique : "Bonjour, ici, Eric, que puis-je faire pour vous ?" ; il doit apprendre toute la logorrhée de l'entreprise, du marketing  ; il doit convaincre chaque client de prendre le contrat Optimum, Optimum plus....

 

Dans ce milieu, aucune place pour l'improvisation, la conversation...Jusqu'au jour où, n'en pouvant plus de cette dépersonnalisation, il se décide à rappeler un client, alors que c'est formellement interdit. Pendant ce temps, surgissent les premiers cas de suicides...

 

On est loin du reportage journalistique ou même de la grande épopée des luttes sociales, tel Les vivants et les morts de Gérard Mordillat.

Il s'agit avant tout d'analyser de l'intérieur les répercussions psychologiques et corporelles de la reconversion professionnelle tardive et obligée.

Eric est obsédé par le fait d'avoir ses mains ramollies, lui, l'artisan, qui a toujours connu ses mains noires et calleuses. Beinstingel expose toute une réflexion sur l'évolution de l'espèce humaine qui, passée de l'état sauvage à l'état civilisé, est passée de l'usage intensif des pieds (la chasse, la cueillette) à celui des cerveaux.

Eric, lui, se propose de retourner à l'état sauvage en pratiquant la course à pieds. Regrettant d'avoir les mains molles et la bouche sèche à force de parler, il se défoule sur les routes départementales.

 

Quant aux mots sauvages, il s'agit de la langue maternelle qu'il faut réapprendre pour communiquer avec les autres et s'accepter tel que l'on est devenu.

 

Un beau roman d'apprentissage chez le monde des seniors et bien plus qu'un récit sur les mutations et la crise du travail. Intéressant.

 

 

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16 août 2010 1 16 /08 /août /2010 16:50

AVANT-PREMIERE RENTREE LITTERAIRE (parution le 25 août) -

PRIX FNAC 2010

 

 

FINLANDE

Editions Stock "La Cosmopolite", 2010

 

Assurément, un grand coup de coeur, sûrement l'un des grands romans étrangers de cette rentrée littéraire. Premier roman d'une jeune femme de mère estonienne et de père finnois, née en 1977, elle a été la plus jeune auteur à recevoir le Grand Prix de littérature du Conseil nordique et a reçu les trois plus prestigieux prix littéraires de Finlande. Affichant sa bisexualité, look gothique, elle est profondément engagée contre les discriminations.

 

Purgemêle avec brio grande et petite histoire en revenant sur 60 ans d'Histoire de l'Etat Estonien partagé entre le joug allemand et soviétique. Après une brève indépendance entre les deux guerres mondiales, les estoniens doivent se soumettre à l'occupation soviétique ; les nationalistes sont bien sûr pourchassés...

 

Voici donc le contexte historique, fort intéressant.

Début du roman, 1992. L'armée russe s'est retirée. Aliide, une vieille femme, vit dans une ferme, au coeur de la forêt estonienne ; un matin, alors que des gamins lancent des cailloux contre sa fenêtre, elle voit une silhouette en guenille contre un arbre. Redoutant qu'il s'agisse d'un appât de la mafia russe, elle hésite à lui venir en aide. Finalement, elle lui ouvre sa porte...La jeune Zara affirme être poursuivie par son mari russe qui la bat. Ce mari n'est finalement qu'un mafieux russe qui organise un trafic de prostituées...

 

A partir de ce moment, les chapitres se déroulant sur plusieurs périodes se succèdent ; les flash-back vont permettre de découvrir petit à petit le secret de famille que cache la vieille Aliide.

 

Il ne faut pas en dire plus, je vous laisse découvrir le reste...

 

Ce roman est construit d'une manière très habile ; les flash-back sont des épisodes cinématographiques vécus directement par le lecteur et non l'histoire racontée par Aliide.

 

Si bien que les deux personnages, pourtant en total huis-clos, garderont leurs secrets pour elles.

 

Le secret inavouable se dévoile peu à peu : une histoire d'amour impossible, non partagée, sur fonds d'occupation russe, entre Aliide et son beau-frère. Lorsque celui-ci, nationaliste, sera activement recherché par la milice russe, elle tiendra tête aux menaces de torture avant de commettre un acte irréparable, anéantissant sa famille.

 

Plusieurs critiques voient dans ce roman inclassable une influence de Psychose d'Hitchcock : même atmosphère oppressante dans un lieu désolé, un secret inavouable très bien caché...

 

Récit remarquablement bien construit, ménageant le suspense jusqu'au bout et avant tout, des personnages d'une rare épaisseur psychologique. La palme revient sans aucun doute à Aliide, chef d'oeuvre d'ambiguïté, figure tragique, incarnant la passion dévorante et dévastatrice.

A la fois, satanique et héroïque, elle incarne la forte femme qui lutte pour la résistance de son pays. Vieille femme renfrognée qui cache un secret inavouable, elle montrera prograssivement toute son humanité

 

Ce roman est bien sûr une ode à la femme persécutée et résistante des années 40 à nos jours : viols et tourtures par les soldats russes, trafics sexuels de nos jours organisés par la mafia russe.

 

Un grand roman qui commence à faire parler de lui...

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14 août 2010 6 14 /08 /août /2010 19:56

AVANT-PREMIERE RENTREE LITTERAIRE

 

 

Editions Albin Michel, 2010

 

Ce roman, qui m'a été présenté à la journée Rentrée littéraire de la revue Page des libraires en juin, concourt justement pour le Prix Page remporté en 2009 par L'annonce de Marie-Hélène Lafont.

 

Huit-clos, un homme animant des ateliers d'écriture...tout pour me plaire. Sauf que j'ai eu une grosse déception !

 

Tout concourt pourtant à en faire un très bon livre : un train est bloqué dans un no man's land, au milieu de la Sarthe ; un "incident de personne" a eu lieu, autrement dit, un homme ou une femme s'est jeté sur la voie.

 

Un homme monologue ; a côté de lui, une femme qui tape ses SMS.

Cette femme, nous ne saurons rien d'elle, à part qu'elle est consultante en développement personnel en entreprise.

Mais elle reste silencieuse...

 

Pour une fois, l'homme qui a tout perdu, l'éternel confident de sa famille, de ses amis et surtout des personnes en désérrance qu'il accueille lors d'ateliers d'écriture, va parler, va ouvrir la grande armoire, le coffre-fort, comme il le dit. Dans un espace-temps complètement flou, il livre à la femme tout son désespoir de vivre, la relation avec ses parents et le trop plein de malheurs qu'il côtoie lors des ateliers.

 

C'est plutôt bien écrit, il y a tentative de créer une atmosphère, à la limite du fantastique (les bruits que l'on entend contre le toit du train, les lueurs à l'extérieur...)...

 

Mais quelle désespérance !

 

Moi qui pratique un atelier d'écriture depuis 2 ans, je trouve dommage que l'auteur les ai vus uniquement sous l'angle "thérapeutique" : comment libérer toute sa souffrance, tous ses traumatismes.

 

Le narrateur lui-même devient malade de toutes ces confidences et devient à son tour un désespéré !

 

Eric Pessan reprend la marque d'une certaine littérature française de notre époque, comme par exemple Laurent Mauvigné dans Seuls

 

Mais je pense qu'il y manque quelque chose, un souffle. Je n'ai pas du tout adhéré au personnage à l'intérieur duquel il n'existe aucun "sursaut". Pas de compassion, pas d'identification...

 

J'attends de partager votre avis....

 

 

 

 

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13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 22:07

UN AVANT-GOUT DE LA RENTREE LITTERAIRE

 

 

Editions Sabine Wespieser, 2010

 

Comme j'ai pu bénéficier de la lecture sur épreuves cet été, je vous convie à une autre découverte d'un auteur assez confidentiel qui nous raconte sur une bonne partie du XXe siècle, l'histoire de ses grands-parents, Antonio et Isabel, issu du petit peuple espagnol républicain, ayant pris la fuite sous le régime franquiste et trouvant refuge en France.

 

Tout commence très loin, sur l'île de la Jamaïque : l'auteur est confronté à "un jeune de la radio" qui tient des propos négationnistes sur les camps de concentration. Choqué par cette attitude, il va décider de raconter l'histoire de ses grands parents espagnols...

 

Tout commence en 1917 ; Isabel part avec sa famille de son Andalousie natale, rongée par la pauvreté. Ayant acheté un bateau de pêche, ils partent pour Barcelone. Quant à Antonio, il quitte la campagne de la vallée de l'Ebre pour découvrir les richesses de la grande ville catalane.

A travers l'itinéraire de ces deux personnages qui vont s'aimer, l'auteur nous fait découvrir l'Espagne du petit peuple de la première moitié du XXe siècle, sa soif de connaissances, d'émancipation et de bonheur.

 

Dans cette description très réaliste, nous découvrons les vieux quartiers de Barcelone, les petits métiers et l'émergence d'une conscience politique.

Parallèlement, l'auteur nous raconte l'ascension de la famille Gillet, dans l'industrie de la soierie lyonnaise puis dans la chimie.

 

D'un côté, la lutte pour la République et un monde meilleur. De l'autre, le paternalisme conservateur et collaborationniste des grandes industries françaises.

Une belle évocation des luttes du XXe siècle et de son histoire politique, industrielle et sociale.

 

Cela aurait pu donner lieu à une vaste épopée. Au contraire, Vincent Borel évite le lyrisme en choisissant le ton du témoignage journalistique : nous apprenons des tas de choses sur l'histoire méconnue des réfugiés espagnols en France : installation dans des camps, déportations à Mathausen, attitude contradictoire du Front Populaire. Idem de la France industrielle.

 

L'écriture s'en ressent donc naturellement : phrases assez simples, évitant les métaphores.

 

Un beau roman tout de même, avec des personnages attachants et une foule de détails historiques.

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