1959
Voici l'un des romans fondateurs du Nouveau Roman après La modification de Butor en 1957 et Moderato Cantabile de Duras en 1958.
Une intrigue minimale, un prétexte pour disséquer les comportements des personnages, les tics de langage, les presque riens qui déclenchent la crise.
J'avais adoré Sarraute lorsque j'avais étudié Enfance : la tentative autobiographique de dire l'enfance, avec les mots et les sensations les plus justes, les reprises, les hésitations, les silences ...de la poésie à l'état pure.
Ici, j'ai été déstabilisée par une toute autre approche : une dissection clinique des conversations de tous les jours, les tics de langage autour d'une intrigue minimale : un bouton de porte que l'on a adoré en le choisissant et qui finalement dépareille une belle porte en chène, un fauteuil que l'on veut donner mais qui est refusé, un appartement que l'on veut s'accaparer. Des phrases assassines que l'on s'envoie dans une famille un peu spéciale : un jeune couple, Gisèle et Alain Guimier, elle assez traditionnelle, lui très dandy, thésard, qui veut devenir écrivain. Une tante qu'ils veulent virer de chez elle pour prendre son grand appartement, des parents qui ne veulent que leur bien et toute une cohorte de personnes qui les observent, qui les jugent.
C' est très théâtral, très féroce, très ironique. Nous avons l'impression de voir des pantins s'exprimer, toute la foule anonyme dire des imbécilités habituelles.
Personnellement, je n'ai pas accroché sauf lorsque Sarraute excelle dans la description des flux de conscience lorsque par exemple la vieille tante rêve des rideaux et de la porte qu'elle a achetés et que finalement, dans la chute incroyable de la séquence, elle découvre que cela fait très toc.
Sarraute excelle dans l'ironie mordante, grinçante. A découvrir mais quand même très spécial...