INDONESIE
Gallimard, "Du monde entier", 2004
Ananta Toer (pour faire plus simple), qui vient de mourir à l'âge de 80 ans, est le plus grand écrivain contemporain indonésien. Régulièrement cité comme candidat au Prix Nobel, il s'est rendu célèbre par son combat politique contre la puissance coloniale hollandaise et ensuite contre le régime dictatorial de Suharto. Son engagement politique lui valut d'être incarcéré pendant de nombreuses années, avant d'être assigné à résidence pendant encore près de vingt ans.
Gadis Pantaï, son dernier roman, dénonce la condition féminine au sein de la société musulmane.
Au début du vingtième siècle, la fille d'un pécheur de l'île de Java est courtisée par un aristocrate. Le "Banduro" la demande en mariage et l'emmène dans son palais. A 14 ans, Gandis Pantaï ("la fille du rivage" en Indonésien) quitte ses parents et va être catapultée dans un monde étranger où elle va apprendre la soumission. Grâce à sa vieille servante, elle va faire l'apprentissage de sa nouvelle vie. Une menace pèse sur le destin de la jeune fille. Apparemment, elle n'est pas sa première femme...De plus, la vieille servante est renvoyée pour avoir accusé de vol l'un des neveux du "Banduro". C'est alors qu'une autre servante, qui n'est autre que la cousine "déguisée" du mari, la remplace. Que cache cette manigance? Lorsque Gandis Pantaï retournera dans son village pour voir ses parents, elle découvrira progressivement la tragique vérité....
Ce roman analyse avec finesse les conséquences de l'ascension sociale d'une jeune fille. Chez les Nobles, elle est censée être obéissante et inactive. Chez les pauvres, lorsqu'elle revient au village, elle apparaît comme un Dieu vivant sur lequel il ne faut point poser son regard. Les relations humaines deviennent artificielles aux deux extrémités de la société. Le père n'ose plus marcher à côté de sa fille et sa mère ne souhaite plus qu'elle entre dans la cuisine. Son arrivée au village ne suscite que rancoeurs et conflits...Ne rendant compte de cette absurdité, Gadis Pantaï choisira d'assumer son destin...mais à quel prix ...
Cette oeuvre n'est pas un énième roman à thèse sur la défense des libertés féminines. C'est aussi un grand roman nous faisant découvrir un pays méconnu. Toer oppose le monde des pécheurs, monde de la liberté, au monde urbain, source de vices. Le roman est bourré de rebondissements qui retardent le dénouement.
Je vous conseille donc de découvrir cet écrivain méconnu. Ce n'est pas tous les jours que l'on lit de la littérature indonésienne !
Cela m'a donné envie de rester dans la région et de découvrir un peu plus la littérature indienne. A part Salmann Rushdie et VS Naipul, je ne connais pas grand monde....