JAPON
Année de parution en France : 1960
Yukio Mishima, sûrement le plus connu des écrivains japonais, est entré dans la légende en se suicidant par hara-kiri en 1970, à l'âge de 45 ans. La vie de Mishima a toujours été synonyme de scandale : tentative de coup d'Etat, homosexualité revendiquée, oeuvre mêlant toujours Eros et Thanatos.
Bien que je sois passionnée par la littérature japonaise, j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans l’œuvre de l’écrivain mythique. J’avais commencé il y a quelques années Les amours interdites et m’étais arrêtée en cours de route. J’ai donc attendu, ai découvert d’autres auteurs japonais que j’adore (Tanizaki, Kawabata, Soseki, Dazai, Endo…) et suis enfin revenue à Mishima avec Le pavillon d’or. Une œuvre mystérieuse, assez difficile à saisir mais qui vous laisse un souvenir impérissable.
Mishima s’inspire d’un fait divers qui s’est produit juste après la Seconde Guerre Mondiale, lorsqu’un jeune bonze shintoïste de Kyoto incendie par dépit l’un des plus célèbres temples de la région, le Pavillon d’Or. Le roman oscille donc entre respect de la tradition et révolte et nihilisme.
Mishima retrace donc à son idée l’itinéraire de ce mystérieux pyromane dans la peau du personnage de Misogushi. Jeune homme de 19 ans, il entre comme novice au Pavillon d'Or. La mort de son père ne l'émeut guère et il voue une haine féroce à sa mère. Laid et bègue, il se réfugie dans la solitude. Il semble attiré par une étrange cruauté. Seul le Pavillon d'Or fait naître en lui une étrange fascination. Pour lui, le temple incarne la Beauté suprême. Il passe son temps à l'admirer.
Mais lorsque la sensualité s'éveille en lui, qu'il prend des rendez-vous galants, le Pavillon d'Or s'interpose constamment entre la femme et lui. Misoguchi va donc prendre la décision de l'incendier, par haine de la beauté. Car la beauté semble être un obstacle à la vraie vie...
Mishima nous dresse un portrait peu conventionnel de la vie des moines dans les temples ! Ils fréquentent les prostituées et sont présentés comme des créatures du mal. On retiendra tout particulièrement l'ami du héros, Kashiwagi, être infâme aux deux pieds bots, qui n'est pas sans rappeler le diable. Tout se passe juste après la Seconde Guerre Mondiale lors de l'occupation américaine du Japon. Tout est teinté de nihilisme et de déclin. Que ce soit les soldats ou les moines, les japonais semblent gagnés par le mal et la dégénérescence.
L'amour ou la sensualité semblent être des vains mots. Les rencontres entre le héros et une femme tournent toujours à l'échec. Est-ce une allusion à l'homosexualité de l'auteur ?
Le Japon de référence de Mishima est celui de la tradition : il nous décrit des paysages sublimes alliant la majesté de la nature (les étangs, les couchers de soleil...) à la beauté de l'architecture religieuse des temples bouddhistes et shintoïstes. De multiples passages sont de la poésie pure comme par exemple cet événement fondateur lorsque Misogushi surprend une scène d'adieu entre un soldat qui part sur le front et sa fiancée :
"Sans rien chnger à sa pose parfaitement protocolaire, la femme, tout à coup, ouvrit le col de son kimono. Mon oreille percevait persque le crissement de la soie frottée par l'envers raide de la ceinture. Deux seins de neige apparurent. Je retins mon souffle. Elle prit dans ses mains l'une des blanches et opulentes mamelles et je crus voir qu'elle se mettait à la pétrir. L'officier, toujours agenouillé devant sa compagne, tendit la tasse d'un noir profond.
Sans prétendre l'avoir , à la lettre, vu, j'eus du moins la sensation nette, comme si cela se fût déroulé sous mes yeux, du lait blanc et tiède giclant dans le thé dont l'écume verdâtre emplissait la tasse sombre - s'y apaisant bientôt en ne laissant plus traîner à la surface que de petites tâches - , de la face tranquille du breuvage troublé par la mousse laiteuse"
Laissez-vous donc envoûter par les beautés du Japon éternel à l'époque de son déclin.....