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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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23 janvier 2006 1 23 /01 /janvier /2006 22:43

Editions Gallimard 1992

Et oui, encore Sylvie Germain ! Je crois qu'il me reste plus qu'à lire La chanson des mals aimants et Jours de colère pour avoir bouclé la boucle !!!

Encore beaucoup d'admiration et de ferveur pour ce magnifique roman. Un magnifique hommage rendu à la ville de Prague où l'écrivain a vécu pendant plusieurs années. Ce récit est original dans la mesure où la narratrice dit "Je " pour la première fois ; très peu de personnages donc et un centrage sur la narratrice, la description de la ville ensorceleuse et d'une femme fantomatique qui apparaît dans les rues brumeuses.

Une apparition mystérieuse, sans visage, géante et claudicante; elle porte des haillons et une cape et ne laisse aucune trace de pas derrière elle. Pourtant, lorsque l'on s'approche d'elle, on entend un bruit d'eau souterraine comme un "pleurement très bas, un sanglot retenu d'une infinie douceur. Il semblait que quelque chose pleurât en elle, et non pas qu'elle même versa des larmes"

Cette figure féminine évanescente est en fait l'émanation des douleurs et des chagrins de la ville. Elle personnifie la misère et les injustices de la ville. Elle lutte contre l'oubli et l'abandon en faisant ressurgir le souvenir de personnes disparues comme un enfant juif déporté, un écrivain fusillé ou le père de la narratrice. De ses plis de sa robe, elle déploie les voix, les murmures et les visages des oubliés. Elle est la mémoire de la ville. Elle claudique car elle porte à elle seule tout le poids de l'Histoire.

Ce roman atteint véritablement la dimension du poème en prose; tout d'abord à travers la description de la ville (les brumes, les nuages, la pluie, les lumières) envoûtent littéralement le lecteur. Et surtout grâce à cette splendide métaphore de la mémoire des oubliés. Sylvie Germain délivre son message habituel (le rôle de la mémoire, le pouvoir du mal) en décrivant cette femme sublime qui nous envoûte.

Mais je parle si mal par rapport à Sylvie Germain. Mieux vaut lui donner la parole:

La déesse mère

"Elle trônait immobile, en humble majesté. Et soudain elle pencha légèrement son buste en avant, ouvrit les bras et les tendit vers la ville , comme si elle invitait la ville entière à venir se coucher sur ses genoux, à venir se reposer entre ses bras;

Et elle souleva la ville, tout doucement. Elle la souleva comme une mère son enfant, et la posa sur ses genoux pour la bercer; Et les voix mornes des hauts-parleurs de la gare...se mirent à chantonner une berceuse. Et pendant un instant, la rumeur de la ville se fit légère comme un souffle d'enfant assoupi, et le fleuve qui ruisselait entre les bras de la géante prit l'éclat d'une larme luisant au bord des cils d'un tout petit enfant qui vient de recevoir consolation et apaisement après un long chagrin. Les cygnes et les canards se regroupèrent le long des berges , glissèrent leurs têtes sous leurs ailes. Et le reflet des ponts sur l'eau s'éclaira jusqu'à prendre la couleur du lait tandis que les tintinnabulements des tramways s'égrenaient en grelots argentins qui semblaient provenir des premières étoiles"

La mémoire des humbles

"Elle est née de la pierre et du bois, du métal et de l'eau, et du corps innombrable des habitants de la ville. Elle est née chaque jour à travers l'épaisseur des siècles et la chair de l'Histoire. ...Elle est la mémoire de la ville , la mémoire côté ombre, celle des pauvres et des petits, de ceux et celles dont l'Histoire ne retient pas les noms et oublie les souffrances. Elle est la mémoire dénuée de toute gloire, celle qu'on écrit pas, qu'on illustre ni ne chante ni ne dore à l'or des mythes et des légendes. Elle est la mémoire en guenilles, au ventre ceux, aux tyeux cernés, mais au regard émerveillant de tendresse et d'humilité. Elle est la mémoire mendiante, la mémoire souffrante, mais qui jamais ne renonce , ne trahit son passé, n'abandonne son peuple. Elle est la mémoire qui marche, qui marche, glanant et ramassant tous les déchets jetés par la mémoire belle , sélective et hautaine. Elle recueille les vies infimes, les destins minuscules des gens de rien"

Grâce à Sylvie Germain, la misère humaine devient allégorie et déesse. Les pouvoirs de la littérature sont magnifiés. Il n'y a qu'à lire ce texte :

La littérature magnifiée

"Les textes sont aussi des lieux- ils le sont même par excellence. Ils sont des lieux où tout peut advenir . Les chemins de l'encre participent de tous. Ils sont des raccourcis en tortueux labyrinthes qui nous font déboucher, parfois, abruptement, sur la plus claire des clairières. Un instant, la vie est là, et nous sommes au monde. Nous nous tenons au vif, au mitan du monde, dont il nous semble frôler enfin le sens et la pleine beauté. Un instant, la vie est là, et le monde nous est offert. Cela ne dure pas, mais cela laisse des traces, runes d'amour fou gravées au plus profond de la chair, de la mémoire, du désir et de la pensée. Ruines qui longtemps, longtemps, scandent leurs chants en sourdine dans notre sang"

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commentaires

D
Je reviens de la bibliothèque et suis nantie de deux S. Germain : Jours de colère et L'enfant méduse. J'aurai pu en prendre d'autres mais je me les garde pour plus tard. Pour faire durer le plaisir !!<br /> Je te raconterai une fois terminés. @+
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S
Oui, en effet, j'oubliais Jours de Colère et aussi Nuit d'ambre qui est la suite du Livre des nuits. Avec La chanson desmals aimants, il m'en reste trois à lire. Tu as raison, il faut faire durer le plaisir !
D
Il est, à n'en pas douter, sur ma liste.  Etonnant, non ?
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