ETATS-UNIS
Editions Albin Michel, 2007
Ce premier roman d'un jeune écrivain américain d'origine éthiopienne né en 1974 a fait sensation aux Etats-Unis et est en cours de traduction dans une dizaine de langues.
Espérons qu'il aura également une belle carrière en France car ce roman est une merveille de sensibilité.
L'auteur s'inspire en partie de son parcours de déraciné car, tout comme son héros Stéphanos, il a quitté l'Ethiopie dès son plus jeune âge, pour fuir les violences de la révolution de 1977-1978 (La terreur rouge) qui a porté au pouvoir le dictateur marxiste Mengistu.
Stéphanos, le narrateur du roman, immigré éthiopien, nous raconte son morne quotidien dans une banlieue délabrée de Washington. Il y a quelques années, il a loué un local pour y installer une petite épicerie de quartier. Mais les clients se font de plus en plus rare et l'épicerie tombe en décrépitude ; Stéphanos se laisse vivre derrière son comptoir et lit livres sur livres lorsqu'il n'invite pas ses deux confrères africains du Kenya et du Congo pour jouer au jeu du dictateur ! Le but est de dire au hasard un pays et de deviner le nom des dictateurs et l'année des coups d'Etat....
Le quotidien de Stéphanos va être bouleversé par l'arrivée d'une femme blanche dans le quartier qui s'embourgeoise de plus en plus. Judith et sa petite fille métisse Noémi vont s'installer dans une vieille maison retapée et se lier d'amitié avec l'épicier du coin...
Stéphanos va pendant un bref moment oublier sa vie solitaire et entrevoir "les belles choses que porte le ciel (citation empruntée à La divine comédie de Dante pour désigner l'espoir après la sortie de l'enfer) : dans cette maison, il y a la richesse, la culture mais aussi une promesse de chaleur humaine : Noémi devient la meilleure amie de Stéphanos qui lui fait la lecture dans sa boutique et Judith apparaît comme la femme idéale mais inaccessible....
Sur fonds de peinture sociale (la réhabilitation des quartiers pauvres provoque l' expulsion des gens du quartier et des révoltes urbaines luttent contre l'installation des nouveaux riches) et de réflexion sur l'identité de l'immigré (un homme coincé entre deux mondes, un homme nostalgique), Mengestu nous fait surtout le portrait tout en nuance d'un homme solitaire revenu de tout. Se sentant coupable d'avoir quitté sa famille trop tôt, Stéphanos est un être qui se contente de peu. Oubliées les luttes incessantes pour se tailler une place ambitieuse au soleil. Il se contente de sa petite épicerie et ne lutte en aucun cas lorsque celle-ci part à la dérise. Il se laisse vivre étant parfaitement conscient que son statut d'immigré le contraint à la solitude et à "une petite place à l'ombre".
On s'attache profondément au personnage, un monsieur tout le monde très humble qui prend la vie comme elle va. S'il y a un peu de ciel bleu qui illumine quelques jours, tant mieux, sinon, il faut se résigner avec ce que l'on a.
Un beau portrait humain et une histoire d'amitié amoureuse très touchante. A lire absolument.
Pour lire une interview de Dinaw Mengestu : http://www.afrik.com/article12278.html