Editions José Corti, 2005
Voici ma dernière découverte: un petit bijou.
Oeuvre d'abord très originale par son sujet: le narrateur, un "mythobiographe" nous plonge dans la conscience de Saint Druon, une figure très populaire du nord de la France du XIIe siècle. Né de l'union sacrilège d'un prêtre et d'une jeune châtelaine dont le mari est mort à la croisade, il ressent un puissant sentiment de faute personnelle, ayant provoqué la mort de sa mère à sa naissance. A l'adolescence, il décide de rompre avec son destin de chevalier et devient berger dans les prairies de Flandres et du Hainaut. Il y découvre la sensualité et l'amour d'une châtelaine qui accablée par le péché, lui demande de faire un pèlerinage à Rome pour assurer le salut de son âme.....
Nul besoin d'être catholique ou mystique pour adorer ce roman magistral ! L'auteur vous envoûte tout d'abord avec une écriture magistrale qui respire la passion et l'envoûtement. Ne vous attendez à lire un récit hiératique, sévère où ne respire aucune sensualité car là réside le talent de Claude Louis-Combet.
A chaque ligne, son écriture est un mélange de sainteté et de sacrilège, d'esprit et de matière, de ciel et de terre, de désir et de péché. L'hérésie, l'érotisme affleurent à chacune des pages ; dès les premières lignes, nous assistons à des phénomènes fabuleux : la statue d'une vierge saigne de la vulve, le prêtre phallique désire introduire l'hostie dans le vagin de sa bien aimée pour faire de la femme un instrument de rédemption... La sensualité et la féminité ont un rôle primordial dans la vie du saint: à l'origine de son pélerinage à Rome, il y a une érection pècheresse devant la châtelaine du manoir; pour assurer son salut, cette dernière lui intime de déposer son bâton de pèlerin en forme de verge à côté du reliquaire contenant un poil sacré du pubis de la Vierge !
Fait rare dans les vies de saints, ce roman est un hommage rendu à la féminité: Saint-Druon se révolte contre l'idée de la femme comme incarnation du mal et souhaite assurer par son action, la rédemption des péchés de sa mère et de son "amante". Comme il le dit, il se fait "député des femmes". Le texte est une ode à la femme par excellence, la Vierge, non en tant que sainte désincarnée, mais comme une créature assumant sa féminité.
Je vous recommande vivement ce magnifique récit occupant vraiment une place à part dans la production éditoriale contemporaine.