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  • : Passion des livres
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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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31 octobre 2014 5 31 /10 /octobre /2014 16:12

LITTERATURE FRANCAISE

 


 

Editions Zulma, 2014

 

Autant le dire tout de suite : cette critique fera pâle figure devant l'original ! On ne peut rester que pantois devant un tel déploiement d'imagination, de fantaisies, de baroque. Jean-Marie Blas de Roblès, que j'avais découvert avec le remarquable recueil de nouvelles  La mémoire du riz, signe ici le plus rocambolesque des romans d'aventure où s'enchassent de multiples intrigues secondaires. Un  tourbillon d'images, d'histoires, de personnages et surtout un magnifique hommage aux grandes heures de la littérature : Dumas, Conan Doyle, Jules Verne, Herman Melville, Agatha Christie sans oublier les Mille et une nuits....Alors acceptez de vous perdre dans ces dédades labyrinthiques où l'objet livre et la pratique de la lecture ont une place centrale...

 

Trois intrigues principales où les mises en abyme abondent...

 

La première, la plus importante : 3 pieds droits sont retrouvés échoués sur le rivage, avec des chaussures de pointures différentes. Elle portent toute la marque Anaké, marque qui n'existe pas...sauf pour désigner un diamant très cher d'un lord écossais. Pour percer l'énigme de ce diamant et de ces trois pieds, Martial Canterel, un dandy faisant penser à Des Esseintes de Huysmans. Il vient d'être dérangé dans sa magnifique reconstitution de la Bataille de Gaugamèles par John Shylock Holmes, l'enquêteur bien sûr mais pas le vrai, juste un amateur de whisky qui travaille au service des restitutions chez Christie's...Ce dernier l'embarque pour l'Ecosse au château de Lady McRae, qui vient de se faire dérober son diamant. Les 3 compères, accompagnés de leurs fidèles serviteurs, partent alors retrouver ce cher diamant qui les mènera de Paris à Londres puis de Moscou à Pékin jusqu'au bout du Pacifique, sur l'île la plus éloignée de toute habitation, l'Ile du Point Némo.

 

Deuxième intrigue, sans doute la plus belle et la plus classique. Dans une grotte au fin fond du Périgord Noir, Damien, gérant d'une fabrique de cigares, est au chevet de Dulcie, sa dulcinée caribéenne, qui lui a appris la pratique de la lecture à voix haute, héritée des usines de Cuba et de Saint-Domingue. Ainsi, au 19e siècle, est née cette tradition dans les fabriques de tabac afin d'éduquer les masses. Tradition bien réelle ! Voir l'article http://www.cubania.com/post/cigare-lecteurs-havanes/ . Dulcie est tombée dans le coma. Alors, pour la réveiller, il lui lit des histoires à voix haute (belle référence détournée aux Mille et une nuit...).

L'usine à tabac périgourdine vient d'être rachetée par le chinois Monsieur Wang, fabriquant de liseuses électroniques et dictateur lubrique qui filme ses ouvrières. Bientôt, il sera victime de ses agissements....

 

Enfin, l'histoire d'un couple en panne sexuelle ! il en découle de multiples scènes tout aussi extravagantes les unes que les autres avec un humour ravageur...Amis de l'ordre moral, s'abstenir !

 

On est à la fois dans un roman steampunk (un roman qui se passe au 19e siècle en faisant référence à des machineries fantastiques qui pourraient se déployer dans le futur) et un récit philosophique et sociétal faisant allusion aux grandes questions  du XXIe siècle (la croissance et l'écologie).

 

Sous ses allures foutraques et baroques, cet opus est une oeuvre immense sur les enjeux de la lecture, du XIXe siècle à aujourd'hui où le contenant numérique compte plus que le contenu...La lecture, dernière utopie ? Réponse en lisant !

 

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 19:52

LITTERATURE FRANCAISE (VIETMAN)

http://www.franceinfo.fr/sites/default/files/styles/mea_635x357/public/asset/images/2014/10/minh_tran_huy_-_voyageur_malgre_lui.jpg?itok=v3M3Q8sn

 

EDITIONS FLAMMARION, 2014

 

Voici un joli récit érudit et sensible sur les douleurs de l'exil. Minh Tran Huy, née en 1979, n'en est pas à son premier coup d'essai. On lui doit notamment le très remarqué La double vie d'Anna Song

 

Cet opus est à la fois une profonde réflexion sur les différents exils, matérieurs et intérieurs, pathologiques et politiques, ainsi qu'un récit autobiographique émouvant sur le déracinement. L'auteur plonge dans son expérience personnelle pour encore mieux nous le faire ressentir.

 

Tout commence par une installation dans un musée à New-York qui évoque le destin d'Albert Dadas, un ouvrier gazier bordelais de la fin du XIXe siècle, atteint de dromomanie, de "tourisme pathologique" : ce dernier sentait un besoin vital de marcher des kilomètres, souvent dans un état second, proche de l'inconscience...il parcourut l'Europe entière jusqu'à la Russie et Istanbul, malgré lui, souvent arrêté pour vagabondage.

 

La narratrice se documente alors sur ce cas qui fit école puisque son mal fut étudié pendant 20 ans par un médecin...la découverte de ce cas passionnant dérive peu à peu sur les exils politiques et sociaux du XX et XXIe siècle. Ceux liés à la Guerre du Vietnam, qui toucheront directement la famille de l'auteur et celui d'une jeune sportive somalienne qui participa aux Jeux Olympiques de Pékin avant de mourir au milieu de l'Océan Atlantique pour avoir souhaité rejoindre la terre promise....

 

On admire alors l'habile construction du récit. Constitué de courts chapitres, le roman part du cas clinique d'Albert Dadas pour ensuite évoquer une jeune sportive vue à la télé...pour ensuite prendre le chemin des souvenirs intimes ; les figures des oncles et cousins disparus, puis la figure du père, celui qui s'est toujours tû, qui a préféré le silence et l'avenir au lourd poids du passé.Le lecteur fait connaissance avec une galerie de personnages très émouvants, alors que la narratrice survole l'Atlantique à bord d'un Paris New-York...

 

Le roman oscille ainsi entre documentaire et récit de vie, évitant les écueils du récit intimiste. Minh Tran Huy choisit la pudeur pour évoquer ce face à face poignant entre les silences du père et le désir de connaître de sa fille.

 

Biographies, roman historique à base de souvenirs personnels, essai sur l'exil...les dénominatifs ne se comptent plus...Ajoutons à cela une poésie omniprésente ; la profession de la narratrice qui enregistre des sons pour une "agence de création sonore"est très évocatrice et sert de base à une réflexion sur la force des silences. Sans oublier les paysages évocateurs du Vietnam...

 

Un roman hybride d'une profonde originalité.

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2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 18:43

RENTREE LITTERAIRE 2014

http://www.images-booknode.com/book_cover/504/full/l-amour-et-les-forets-504078.jpg

 

Editions Gallimard

 

Depuis Cendrillon et Le système Victoria, Eric Reinhardt est un auteur français de premier plan...que je n'avais jamais lu. Peut-être que ce physique très "Inrock"  était un frein. C'est en l'entendant présenter son dernier opus à la grande librairie avec une profonde humanité que j'ai eu envie d'ouvrir L'amour et les forêts. Et j'ai découvert une splendeur, sans aucun doute l'un des romans phares de cette rentrée.

 

Pour moi, ce roman réussit à être à la fois ultra classique et ultra contemporain. Je m'explique : une écriture très belle, lyrique donnant naissance à des épisodes follement romanesques. Des références explicites à la fin du XIXe siècle, l'amour des antiquités, des vieilles choses surannées.  Et en même temps, une modernité inouïe en mettant en scène un échange sur meetic mémorable et risible, en nous parlant de la société d'aujourd'hui, en n'ayant pas peur de parler de sexe de manière crue et décalée, avec humour. En bref, un mélange et une richesse de styles admirables mis en scène par plusieurs discours enchassés.

 

On cite une relecture du grand classique Emma Bovary. L'héroïne Bénédicte Ombredanne écrit une lettre à l'auteur pour le remercier d'avoir écrit son dernier roman, qui lui a donné envie de "réinventer sa vie". Ils vont se rencontrer deux fois, dans des cafés parisiens, et cette dernière va lui raconter son calvaire de femme harcelée psychologiquement par son mari. La lecture du dit roman lui a donné un jour l'envie de s'inscrire sur meetic et de vivre la plus belle journée de sa vie...qui marquera aussi le début de sa perte.

 

Ainsi racontée, cela peut être un banal fait divers. Dans les mains d'Eric Reinhardt, cela donne un récit en prose ponctué de fulgurances poétiques, où comme dans des correspondances baudelairiennes, les descriptions font penser à des références littéraires ou picturales : il y a bien sûr la référence explicite aux écrivains décadents de la fin du XIXe siècle et en premier lieu Villiers de L'Isle-Adam (L'agrément inattendu), il cite un tableau d'idylle de Fragonard. La scène de rencontre amoureuse dans la forêt n'est pas sans évoquer l'Amant de Lady Chatterley.

 

Les récits enchassés ne laissent aucun répit au lecteur, les longues subordonnées pouvant s'étaler sur une page. Quant aux dialogues, il sont souvent intégrés au récit. Ce flux verbal traduit parfaitement l'enfermement familial dans lequel se trouve l'héroïne. Tout le roman est traversé par une opposition entre la réalité la plus sordide, inacceptable et la force du rêve, l'idéal incarné par l'amour, la nature)(toute la symbolique de la forêt) et bien sûr la force de la littérature. Car ce roman majeur est bien sûr une ode à la femme bafouée mais aussi et surtout un chant d'amour adressé aux mots qui seuls peuvent sauver ou rendre la vie plus belle.

 

Arrêtons de disserter. Laissons plutôt la parole à Eric Reinhardt. Voici quelques extraits parmi les plus beaux :

 

"Rien n'est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l'obstable des écrans qui se dressent, sauf si des films sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s'engloutir, de se dissimuler : l'amour et les forêts, la nuit, l'automne, exactement comme vous. Claquemurées depuis tellement d'années dans la résignation, ses ambitions pour le bonheur, ses ambitions d'adolescente, avaient beau avoir été violentées par la vie, elle les avait ranimées récemment : elle réclamait dès lors de chaque journée qu'elle lui prodigue une minute irradiante, une heure miraculeuse, une enclave d'émerveillement, un grand soupir extatique oublieux des tristesses de l'existence"

 

"D'après ce que j'ai pu constater, elle ne portait que des couleurs sombres, elle était chaussée de bottines à lacets, elle arborait de la dentelle et des bijoux anciens, elle affectionnait le velours grenat ou véronèse de certaines vestes de coupe cintrée qu'on trouve dans les friperies. Cette allure évoquait l'univers symboliste d'Edgar Poe et de Villiers de l'Isle-Adam, de Maeterlinck, de Huysmans et Mallarmé, un univers crépusculaire et pâli où les fleurs, les âmes, l'humeur  et l'espérance sont légèrements fanées, délicatement déliquescentes, dans leur ultime et sublime flamboiement, comme une mélancolique et langoureuse soirée d'automne, intime, charnelle, toute de velours et de rubans soyeux, rosés, rouge sang"

 

"C'est drôle, quand on s'enfonce ainsi en soi et qu'on marche vers cette lointaine lumière habitée, c'est comme un paysage nocturne qui se déploie, grandiose, empli d'autant de sensations et de phrases qu'une forêt peut raisonner de cris d'oiseaux et de bruissements d'animaux, de senteurs de fleurs et d'écorce, de mousse, de champignon : son mental transformé en paysage ou en forêt, en territoire de chasse et de cueillette, où s'accomplissent des trajectoires cinglantes à travers bois, sinueuses, au mileu des taillis et des ronces, ou au contraire plus douces, rapides, rectilignes, sur l'épiderme d'une plaine cultivée. Les mots sont si gentils, étonnements dociles et bienveillants, il se laissent si facilement entrevoir et cueillir, je les ordonne sur la papier à la faveur de phrases que je trouve belles, qui se révèlent spontanément au fur et à mesure que j'avance, révélant à moi-même mon propre corps empli de sensations et de forces"

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14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 10:36

RENTREE LITTERAIRE 2014

 

http://www.rentree-seuil.com/sites/default/files/ouvrages/couvertures/deville.jpg

 

Editions Seuil "Fiction et compagnie", 2014

 

Assurément, cette rentrée littéraire française est historique...On convoque les personnages historiques, connus ou moins connus, pour réfléchir à des choses plus abstraites comme le rôle du spectacle de masse (Eric Vuillard dans Tristesse de la terre) ou la notion de l'engagement. C'est le cas de Patrick Deville, modèle exemplaire de l'écrivain voyageur, qui depuis quelques années parcourt l'Afrique, l'Asie et l'Amérique dans le temps et dans l'espace. l'Exofiction, la création de la fiction à partir d'éléments réels, a de beaux jours devant elle.

 

Après le Cambodge de Kampuchéa, c'est au tour du Mexique d'être revisité par la plume flamboyante de Deville. Plus précisément le Mexique des années 20 et 30 qui, après la révolution zapatiste, voit naître ou affluer nombre d'écrivains, intellectuels, artistes. Il y a les natifs, le muraliste Diego Rivera et Frida Kahlo et une multitude d'exilés qui fuient les purges staliniennes. Parmi ces derniers, le plus illustre, Léon Trotsky qui débarque en 1937 et l'écrivain de  Sous le volcan, Malcolm Lowry, qui écrira son chef d'oeuvre en 10 ans, choisissant l'engagement dans la littérature plutôt que l'engagement en politique.

 

Deville va convoquer ces deux figures illustres en quête d'absolu pour réfléchir justement aux affres de l'engagement. Alors que Trotsky choisit l'engagement politique, Lowry choisit le retrait dans son jardin de la création, modèle du paradis perdu dans son célèbre roman.

 

Mais les deux grandes figures ont un "socle" commun : Trotsky, modèle du sacrifice à la révolution, plus grand écrivain du 20e siècle selon Mauriac a été toute sa vie tenté par le retrait, par la vie dans la nature et la lecture. Ce qui explique son refus du pouvoir à la mort de Lénine, lui le grand intellectuel face à l'inculte Staline.

 

Voici un passage admirable :

 

" Ils ont le même goût du bonheur, un bonheur simple et antique, celui de la forêt et de la neige, de la nage dans l'eau froide et de la lecture. Chez ces deux-là, c'est approcher le mystère de la vie des saints, chercher ce qui les pousse vers les éternels combats perdus d'avance, l'absolu de la Révolution ou l'absolu de la Littérature, où jamais ils ne trouveront la paix, l'apaisement du labeur accompli. C'est ce vide qu'on sent et que l'homme, en son insupportable finitude, n'est pas ce qu'il devrait être, l'insatisfaction, le refus de la condition qui nous échoit, l'immense orgueil aussi d'aller voler une étincelle à leur tour, même s'ils savent bien qu'ils finiront dans les chaînes scellées à la roche et continueront ainsi à nous montrer , éternellement, qu'ils ont tenté l'impossible et que l'impossible peut être tenté. Ce qu'ils nous crient  et que nous feignons souvent de ne pas entendre : c'est qu'à l'impossible, chacun de nous est tenu"

 

Loin de s'en tenir à ces deux figures mythiques et à la réflexion désincarnée sur l'engagement, Deville convoque une multitude de personnalités artistiques et intellectuelles qui ont fréquenté ce Mexique révolutionnaire des années 30 : Diego Rivera et Frida Kahlo qui accueille Trotsky dans leur Maison Bleue, André Breton qui "bafouille" devant Trotsky, Antonin Artaud à la recherche de l'authenticité indienne et des figures moins connues comme la photographe Tina Modotti ou le romancier allemand Traven, auteur énigmatique du Trésor de la Sierra Madre, adapté au cinéma par John Huston. La Guerre d'Espagne, La Révolution Russe, la Révolution Mexicaine...

 

Plutôt que de faire un récit linéaire ou réflexif sur l'engagement, Deville téléscope les scènes dans différents pays, villes, à différents moments de la décennie, passant ainsi d'un personnage au suivant pour mieux ensuite revenir au précédent. Le récit est ainsi extrèmement rapide, mêlant les citations, les réflexions et également les passages où l'auteur se rend sur les lieux pour parler avec les témoins contemporains.

 

Le lecteur est abreuvé pour son plus grand plaisir d'une multitude d'informations. Tel le train de l'Armée Rouge dirigé par Trotsky pour convertir conquérir l'ensemble de la Russie à l'idéologie communiste (décrit admirablement dans le récit), nous avons l'impression de faire un formidable voyage à mille kilomètes heure dans l'espace et dans le temps, où les lieux et les périodes se téléscopent.Pas de lignes droites mais des wagons qui s'entrechoquent, qui ne séparent violamment avant de se raccrocher désespérément.

 

Le lien entre tous ces épisodes : l'hésitation entre le retrait et l'engagement mais aussi la ligne de fracture dans l'idéal socialiste : l'anarchisme libertaire défendu par Trotsky et la dictature stalinienne...lutte fratricide qui mènera à l'assassinat de Trotsky.

 

A chaque ligne, nous sentons le plaisir de Deville à se plonger dans le bain bouillonnant des turpitudes du 20e siècle. Un récit habité, foisonnant qui allie l'érudition à l'amour de la langue. Magique !

 

Le lecteur en ressort nourri, abreuvé, conquis...Deville réinvente une nouvelle forme de récit historique en mêlant les multiples figures qui ont transité à un même endroit à la même époque. Le récit évenementiel laisse la place à de formidables portraits psychologiques, créés par de multiples petites touches à la manière des peintres impressionnistes. Mention spéciale à Trotsky, admirablement esquissé, figure tragique par excellence.

 


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14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 09:44

RENTREE LITERAIRE 2014

 

http://www.franceculture.fr/sites/default/files/imagecache/ressource_full/2014/07/07/4879680/9782330035990,0-2240015.jpg

 

Editions Actes Sud, 2014

 

Depuis La Bataille de l'Occident (La Première Guerre Mondiale)  et Congo (l'Histoire coloniale), Eric Vuillard est devenu le spécialiste de récits courts, fragmentés, très souvent agrémentés de photos.

 

Il s'intéresse ici au personnage mythique de Buffalo Bill, de son vrai nom William Cody, qui est devenu le créateur du spectacle de masse avec le Wild West Show, revisitant la conquête de l'Ouest et les conflits avec les indiens à la fin du XIXe siècle.

 

Les grandes coiffes à plume des indiens ? Le "Ou Ou" avec la main devant la bouche que font des millions d'enfant pour imiter les indiens. C'est lui !  Il invente une mythologie indienne bien loin de la réalité avec.....des survivants des massacres ! Les indiens rejouent leur propre histoire, revisitée par le colonisateur...

 

Non seulement on apprend beaucoup de choses mais on a aussi l'impression de vivre une véritable épopée romanesque. Derrière cette histoire de carton pâte, il y a en effet un homme grandiloquent mais meurtri, plus complexe qu'il n'y paraît.

 

La forme choisie, le fragment d'une dizaine de pages sur un épisode de la vie de Buffalo ou un épisode du Wild West Show illustré à chaque fois par une photo, permet à l'auteur d'éviter la dramatisation outrancière et d'introduire des paragraphes de réflexion à l'intérieur de l'histoire. Ce personnage grandiloquent est un prétexte pour parler du divertissement de masse, de l'origine de son succès sur le public.

 

Vuillard est sans doute moins convaincant lorsqu'il se fait essayiste sur la nature du spectacle. Peu importe. On apprécie tout particulièrement la construction du récit qui fait s'opposer la grandiloquence des spectacles de masse ( l'arrivée du Wild West Show en Alsace, magistral !) à l'évanescence des éléments, relatée dans les deux derniers chapitres que je vous laisse découvrir. 

 

L'auteur retrace aussi brillamment des épisodes véridiques de l'Histoire indienne (Le massacre de Wonded Knee où on croise la figure mythique de Sitting Bull, mêlant ainsi la Grande Histoire à la petite histoire, oppposant surtout les drames de l'histoire indienne au grand spectacle de masse qui avait déjà inventé à la fin du XIXe siècle le reality show et les produits dérivés.

 

Eric Vuillard est assurément un érudit, un essayiste parfois un peu aride. Mais il excelle dans la description de ses personnages, ce qui humanise profondément son récit. A découvrir !

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13 avril 2014 7 13 /04 /avril /2014 19:12

ROMAN FRANCAIS 2014

 

http://www.promomedias.com/pics/data/operations/visuels/1376-205x272.jpg

 

Ce formidable roman historique nous plonge dans le château allemand de Sigmaringen (Bade-Wurtemberg), la demeure ancestrale des Hohenzollern (dynastie des Rois de Prusse) lorsque celui-ci devint la résidence du gouvernement de Vichy en exil, de 1944 à 1945. Le régime est vaincu par la France Libre, Hitler demande à la famille princière de déguerpir pour loger le gouvernement fantoche....

 

Pierre Assouline, journaliste et écrivain, chroniqueur des lieux méconnus (Lutecia , l'hôtel qui accueillit les rescapés des camps en 1945) se met dans la peau de Majordome du Château...il en a eu l'idée en revoyant Les vestiges du jour de James Ivory.

 

Voici Pétain et Laval, entre autres, qui se regardent en chien de faïence. Le gouvernement se divise entre "ministres passifs" qui ont baissé les bras et les "ministres actifs" qui préparent la reconquête. Au dessus de la mêlée, Philippe Pétain, dans l'"Olympe" au dernier étage, attend...Il y a aussi Louis Ferdinand Céline, médecin des pauvres, qui vient leur rendre une petite visite.

 

Pendant ce temps, le majordome Julius Stein regarde, observe, écoute sans prendre partie. Son rôle est de servir, pas de prendre partie. Il a une haute opinion de sa fonction, sans faire de politique. Derrière cette façade rationnelle dans la plus pure tradition allemande, nous allons bientôt découvrir la face cachée du narrateur...D'autant plus que l'intendante de Pétain semble aussi cacher des choses...

 

Non seulement, ce roman historique nous apprend des choses sur une période  méconnue (les liens complexes entre l'aristocratie et les nazis est particulièrement bien étudiée) , mais il nous présente aussi des personnages fictifs hauts en couleur. Le lecteur est aussi bien passionné par Céline ou Laval que par l'intendante et le majordome.

 

Une épopée à la fois tragique (la déroute allemande est bien décrite) et burlesque (la bassesse entre les différents ministres, par exemple)

 

Très intéressant !

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 14:54

FRANCE-PREMIER ROMAN

 

http://www.seuil.com/images/couv/b/9782021117707.jpg

 

Editions du Seuil, 2014

 

C'est le succès inattendu de la rentrée littéraire de cet hiver...Un premier roman d'un inconnu de 21 ans...best-seller, qui va être traduit dans de nombreux pays et adapté au cinéma par un réalisateur prestigieux.

 

N'étant au début pas du tout tentée par sa lecture;  je croyais encore à un roman "sensation" sur le rejet de l'homosexualité ; j'ai lu un article dans la presse sur le rejet du roman par sa famille et son village d'origine...et j'ai découvert un excellent roman social dans la lignée d'un Zola du 21e siècle ou plus modestement dans celle d'Annie Ernaux, elle aussi une "non héritière" issue d'un milieu très modeste.

 

http://static.lexpress.fr/medias_9214/w_638,h_277,c_crop,x_0,y_0/w_605,h_270,c_fill,g_north/edouard-louis-bellegueule_4717665.jpg

 

Rappelons l'histoire : s'appelant réellement Eddy Bellegueule (nom très répandu en Picardie), le narrateur auteur raconte l'histoire de ses origines dans un petit village de la Picardie profonde où la seule issue professionnelle semble être l'usine du coin. La découverte de son homosexualité précoce, son déni puis enfin son affirmation, sa fuite...voici l'itinéraire du récit.

 

Mais c'est surtout la description sociologique de sa famille et du village, criante de vérité, que nous retenons. Edouard Louis a fait sa thèse sur Pierre Bourdieu et ça se sent ! Il décrit magnifiquement les "habitus" d'une classe sociale donnée, son langage, ses habitudes culturelles, ses odeurs....Les expressions sont marquées en italiques, au style direct. Un milieu social rejetant la culture bourgeoise, qui dit que "le théâtre, c'est pour les tapettes". Au menu, la télé, la sempiternelle "roue de la fortune", les frites, les saouleries au bistrot du coin, les zonages à l'arrêt de bus. Ces habitudes qui font rejeter toute culture dominante. Le racisme ordinaire, la peur de l'autre, de l'arabe, du noir.

 

Ce milieu "périrural", où l'on "recrute" l'électorat lepéniste, est très peu traité en littérature. C'est là que réside le grand mérite d'Edouard Louis. ayant vécu cet ensemble de pratiques, il réussit à éviter tout misérabilisme ou sentionnalisme. Il choisit un ton neutre, des phrases courtes, des mots simples qui évacuent tout pathos.

 

Il y a bien sûr des scènes très dures, choquantes mais ne sombrant jamais dans le sensationnel. Car il y a cet aboutissement qui fera du petit déshérité un normalien.

 

Un très bon livre à découvrir.

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 22:56

Editions Verticales, 2014

 

http://www.lefigaro.fr/medias/2014/01/15/PHO5fbe3ebc-7a14-11e3-b750-b82a956e453f-300x450.jpg

 

Mayl is de Kerangal devient une figure incontournable de la littérature française contemporaine. Son dernier opus est le roman incontournable de la rentrée littéraire de janvier.

Son précédent roman, Naissance d'un pont  faisait s'entrecroiser de multiples personnages autour d'une construction. Ici, il s'agit d'organes humains qui vont quitter un corps mort, celui  de Simon Limbres, un jeune homme mort accidentellement...pour "réparer les vivants". 

Et de multiples personnages, du milieu médical ou non, vont converger autour de ce corps pas encore tout à fait mort. Les parents,Marianne et Sean, le chirurgien Pierre Revol, Thomas Rémige, l'infirmier coordinateur des transplantations, des infirmières, la petite amie de Simon, les Harfang, célèbre dysnastie de chirurgiens, une patiente qui va être greffée....

 

Une magnifique partition où de véritables personnages émergent avec leurs petits secrets, leurs petits dons, leurs petits péchés...Passion du chant, du football, prouesses sexuelles...et tout d'un coup, finies les plaisanteries, tout est chronométré. Et nous voila partis pour une course contre la montre où il n'y a pas une minute à perdre. On se téléphone, on circule en voiture, en hélicoptère. Un suspense digne d'un polar !

 

C'est un perpétuel mouvement ; l'écriture, comme le sang qui circule, pénètre dans différents cerveaux, différents corps, différentes âmes. Elle est la vie tout simplement, le coeur qui bat.

 

Ce roman à nul autre pareil  oscille constamment entre l'exposé réaliste et technique (Kerangal a assisté réellement à une transplantation cardiaque) et l'émotion des personnages saisis dans leur intériorité.

 

C'est émouvant et drôle en même temps (ah, ces chirurgiens du poumon et du coeur qui s'houspillent autour d'un vaisseau sanguin !  Ca parle sexe, foot, mort amour...bref un roman total....

 

C'est du bel ouvrage, un festival de mots ; je suis plus enthousiaste que pour Naissance d'un pont; pourtant, je continue à croire que c'est un magnifique exercice de style. C'est trop bien fait pour que chez moi, l'émotion passe réellement.

 

Le débat est ouvert avec les autres lecteurs !

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26 janvier 2014 7 26 /01 /janvier /2014 20:12

http://www.seuil.com/images/couv/b/9782021138894.jpg

 

Editions du Seuil, 2014

 

Les Indiens et l'Amérique des origines ont le vent en poupe en ce moment dans la littérature française. Après le génial Faillir être flingué de Céline Minard qui nous conte de manière inattendue la naissance d'une ville du Far West, voici Patrick Grainville (Prix Goncourt en 1975) qui nous relate les aventures d'un peintre chez les Sioux dans les années 1830.

 

Voici un magnifique roman historique nous livrant une peinture du monde indien à la veille de la conquête blanche...Nous sommes en 1828. George Catlin (voir son site), peintre à Philadelphie, quitte sa vie bourgeoise pour aller rejoindre les camps indiens encore inviolés de toute civilisation occidentale. Mais il sent la menace colonisatrice s'approcher dangereusement...alors il va s'evertuer à peindre les visages, les familles, les scènes de vie et collecter les objets de toute une culture.

 

L'histoire nous est racontée par le narrateur mais avec le regard omniscient de Catlin. Et l'auteur nous livre de magnifiques tableaux examinant en profondeur la civilisation indienne, loin des clichés habituels.

 

Portrait d'une civilisation mais aussi magnifiques portraits individuels. Grainville/Catlin donne chair à ses tableaux en prenant soin de nous présenter à chaque fois des protagonistes à la personnalité bien particulière. Le lecteur s'attache de suite aux personnages, aussi bien hommes que femmes. Aigle Rouge, le chef sioux, guerrier et jaloux de sa belle captive. Elan noir, son frère, souffrant du soleil noir de la mélancolie.

Le  protagoniste inoubliable est Oiseau Deux couleurs, un "berdache", homme travesti en femme, ayant des pouvoirs de chamane et de guérisseur. Il tombera amoureux d'une captive, la belle Louve blanche, elle aussi "deux esprits". 

 

Le peintre va suivre ces individus, découvrir leurs drames et leurs traditions sans jamais juger leurs actes sanguinaires et sauvages. Le peintre-écrivain construit de vastes scènes originelles comme de longs plans séquences : chasse du bison, danse du soleil, grandes batailles entre tribues...

 

Dans ce tableau, au rouge du sang et de la passion, s'oppose le vert des collines et des prairies inviolées, à mille lieux des clichés du désert dans lequel s'affrontent cow-boys et indiens. Le vert paradis des amours enfantines cher à Baudelaire. Le vert où tout péché originel est absent, où hommes et femmes ou hommes/femmes peuvent s'aimer librement...

 

Le peintre Catlin est vu comme un nouveau  chamane qui veut retenir le vivant ou ne faire qu'un avec le monde alors que le monde indien n'est que itinérance et prodigalité. L'un veut garder, thésauriser, les autres prennent la vie comme elle va et font l'apologie du don.

 

Mais ces deux contradictions finiront par se rejoindre...par l'écrivain-peintre qui retranscrira à merveille des scènes exaltant l'instinct de vie et le mouvement pour les rendre éternels...

 

Une belle oeuvre poétique, au lyrisme maîtrisé. En deux mots, magnifique !

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14 décembre 2013 6 14 /12 /décembre /2013 15:20

LITTERATURE FRANCAISE

 


 

Editions Rivages, 2013

 

Cécile Minard est sans doute aujourd'hui la voix la plus originale de la littérature française.

A chaque nouvel opus, elle propose un nouveau thème et réinvente un genre : le "récit historique non officiel" avec Olimpia http://passiondeslivres.over-blog.com/article-olimpia-de-celine-minard-46673146.html , le récit de la "putain du pape", le Dernier Monde, un récit de science-fiction du dernier humain ou encore Bastard Battle, une épopée médiévale teintée d'arts martiauxc et de mangas.

Dans son dernier roman, elle convoque le mythe du Far West américain en imaginant la naissance d'une ville où des personnages bigarrés convergent : un éleveur en rupture de banc, une jeune indienne guérisseuse qui a vu sa famille décimée par la variole, un médecin rongé par la culpabilité, deux frères et leur famille, une violoniste tonitruante, un éleveur de mouton....Et aussi une tenancière de saloon et un barbier jaloux...

Vous vous attendiez à des conflits classiques entre cow-boys et indiens ? C'est beaucoup plus que cela ! C'est vraiment à la naissance d'une ville que nous assistons ; il est question de tuyauterie, de maçonnerie...eh oui ! les Etats-Unis ne se sont pas faits en un jour...il n'est pas question que de flingues même si le titre en dit long.

On assistera à l'arrivée des baignoires en ville (comme quoi ces gentils cow-boys ont bien envie de se pomponner, n'en déplaise à certains), à des trocs insolites entre moutons et chemises, pantalons et boeufs et même à des jeux  visant à se répartir une...paire de bottes !

Le récit est à la fois dramatique et burlesque, on rigole parfois beaucoup. Les personnages sont très vivants, cocasses et ont un sacré caractère. On apprend peu à peu leurs secrets jusqu'à la dernière phrase.

C'est simple et en même temps littéraire et cinématographique. Les mots se chevauchent, Céline Minard convoque plantes, animaux et humains afin de créer littéralement un monde nouveau.

La ville se crée à chaque mot...Le meilleur dans tout cela, c'est le ryhme du roman et sa construction admirable. Au début, on est un peu perdu, comme les protagonistes d'ailleurs...Chacun avance à chaque chapitre dans les bois, dans la plaine sans trop savoir où il va. Le lecteur ne les connaît pas encore...Puis tous arrivent dans la ville naissante et là on apprend peu à peu à les connaître, à les apprécier...C'est le temps de l'installation, de la construction.

Puis vient l'événement dramatique, les derniers secrets se dévoilent....

 

Bluffant et revigorant !

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