Les coups de coeur de mes lectures. Venez découvrir des classiques, des romans français ou étrangers, du policier, du fantastique, de la bande dessinée et des mangas...et bien des choses encore !
Editions Zulma, 2016
Marcus Malte est un auteur réputé de romans noirs. Parmi ses titres les plus connus, j'avais découvert Garden of love et puis La part des chiens,des récits qui se caractérisaient déjà par une beauté formelle et un beau sens de la construction.
Aujourd'hui, Marcus Malte signe un roman dirait-on plus classique qui reprend le mythe de l'enfant sauvage. Le garçon ne parlera jamais, il n'aura presque jamais de nom...il traversera la première partie du XXe siècle au gré des rencontres faites au hasard des chemins.
Tout commence comme une belle scène mythologique où l'on aperçoit au loin une silhouette à deux têtes ; il s'agit d'un jeune homme qui porte sur son dos sa mère mourante. On ne sait pas où et quand...
Au fil des pages, l'auteur se rapproche et "filme" une magnifique scène d'"enterrement". Le jeune homme est désormais libre de découvrir le monde, comme dans un second accouchement...Il va voir la mer . Il veut voir, sentir, connaître.
C'est parti pour une formidable épopée de plus de 500 pages de 1908 à 1938. Le garçon traversera la France d'un village perdu où l'on rejoue la naissance du christ et le déluge...avant de rencontrer "l'ogre des Carpates" avec qui il sillonnera les routes en roulotte. Puis viendra le temps de l'amour avec Emma...A chaque étape, l'auteur énumère les événements et anectodes qui ont marqué les années.
N'en disons pas plus. La force littéraire de cette oeuvre réside dans le changement perpétuel de registre ; nous avons l'impression de lire plusieurs romans qui se démultiplient. : récit mythologique, récit picaresque, récit érotique, de guerre...A chaque fois, la plume change de style à un rythme effréné.
Marcus Malte parvient à nous enthousiasmer, à faire corps avec ce personnage dont nous ne savons finalement pas grand chose.
Avec lui, on voit le 20e siècle éclore, de la naissance de l'automobile à la folie meurtrière de la première guerre mondiale. C'est l'éternel combat de l'ombre et de la lumière, de la civilisation et de la nature.
On reconnaît l'influence hugolienne à travers les allusions muliples à Mazeppa . Le magazine Transfuge cite Jean Valjean. Je pencherais plus pour Gwynplaine de l'Homme qui rit pour la monstruosité du personnage, constamment à la marge, menacé par la société qui ne sait comment le définir.
Un très beau roman, moderne et classique, qui embrasse tout un destin. Une ode à la force de l'écriture qui donne la vie.
Pour citer à nouveau Transfuge, Marcus Malte se révèle un grand colporteur d'histoires.