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Editions Gallmeister, 2016
Moi qui ne suit pas forcément fan de "Nature writing" dont les éditions Gallmeister se sont fait le chantre, il faut dire que j'ai été vraiment bluffée par ce texte difficile, âpre mais ô combien intelligent.
Bien sûr, la nature est une force omniprésente qui malmène et qui est malmenée mais c'est la complexité psychologique des protagonistes qui est d'abord merveilleusement décrite.
Nous sommes en 1918 dans l'Etat de Washington, dans l'Ouest américain.. Les villages ne sont encore que de minuscules points dans une nature indomptée. Bientôt, les barrages hydroélectriques sont raser les veilles bicoques...
Les Lawson sont de modestes fermiers. Les 2 jumeaux de la famille, Matt et Luke reviennent de l'école et sont pris dans une tempête historique qui fait baisser la température de plus de 20 degrés en quelques minutes. Linda Jefferson, leur institutrice, les recueille dans sa chaumière pour les réchauffer avec son propre corps mais il est trop tard pour Luke.
Du jour au lendemain, Matt se retrouve sans jumeau ni père...il doit gérer la ferme avec sa mère mais grandit trop vite. A force de travailler, à force de souffrir, on en perd parfois la raison, tout du moins la capacité à montrer la douceur de ses sentiments.
Car Matt apparaît comme un violent qui ne supporte pas la bêtise humaine. Alors l'amour de Wendy, qu'il a connu adolescente, l'aidera-t-il à guérir son mal être ? Rien n'est moins sûr....
Lecteur, tout comme Matt, domptez le premier quart du récit souvent lent, âpre, amer...Et petit à petit la magie opère.
Sur plus de 60 ans, Matt tentera de se reconstituer une famille : un père ou un frère adoptif comme les fermiers père et fils Roland et Jarms par exemple. Et il devra également affronter la notion de paternité.
Toute une constellation de personnages se haïssent, se déchirent mais il finissent par découvrir au fond d’eux-mêmes une petite once d'humanité....L'issue est souvent tragique car pères et fils ou mères et fils sont incapables de se comprendre. Ils se cherchent des pères, des mères, des frères de substitution car presque toujours, ils ne savent pas dire ou témoigner de l'amour à leurs proches.
Chaque personnage doit affronter une blessure qui pousse à une conduite insensée. Il doit faire face à ses démons, sa psychose personnelle avant de pouvoir avancer vers l'autre.
Le couple central, Matt et Wendy entre passion et haine, est bien sûr le plus attachant. Mais les personnages secondaires sont tout aussi forts : Linda Jefferson,l'institutrice indépendante et solitaire et son fils Lucky, qui devient un shérif alcoolique. Madame Lawson, la mère de Matt, est aussi dépressive et alcoolique.
Il y a aussi Roland, Jarms et Garett du côté des hommes. Une famille de substitution, une naissance mais à encore les relations sont très compliquées
Une tempête meurtrière, un coup de feu, un coup de hache...La mort arrive avec la force des éléments ou par un coup de sang...peu importe.
Qu'il est émouvant de suivre ces âmes fêlées sur 50 ou 60 ans...Trouveront-ils la paix ? Pas tous, assurément. J'ai rarement été aussi admirative devant le talent d'un auteur à décrire toute la complexité des rapports entre les différents personnages : les thèmes de la parentalité et de la filiation, de sang, d'emprunt, de choix ou vécue inconsciemment sont au centre de tous ces nœuds à dénouer pour guérir...
Âpre mais tout simplement brillant....