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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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2 octobre 2016 7 02 /10 /octobre /2016 21:04
L'ultime humiliation de Rhéa Galanaki

GRECE

Editions Galaade, 2016

Rhéa Galanaki est une grande figure de la littérature grecque contemporaine...mais est méconnue en France.

Elle signe chez les éditions Galaade ( chez qui est paru l'année dernière l'inoubliable Encore d'Hakan Gundaï) un très beau roman sur la Grèce contemporaine, tout en faisant allusion à l'histoire antique du pays.La crise économique vue comme une tragédie moderne...

Le narrateur parle à la deuxième personne du singulier...Il s'adresse à Tirésia, une vieille dame sénile, qui vit dans un foyer avec Nymphe, sa compagne d'infortune.

Ces dernières ont changé de prénom il y a pas si longtemps que ça afin d'affirmer leur liberté...

Nous sommes à Athènes en 2012. Le Parlement signe le énième plan d'austérité. Les retraites risquent encore de diminuer...Les foyers risquent bien de disparaître, leur déclare Danaé, l'assistante sociale, venue fêter l'anniversaire de Nymphe, en compagnie de Catherine, l'aide ménagère et Yasmine, la femme de ménage. Du côté des hommes, il y a Oreste, le fils de Nymphe, militant d’extrême gauche et le dénommé "patriarche", sorte de médecin protecteur des deux vieilles dames.Sans oublier Takis, le militant d’extrême droite, fils de Catherine.

Les 2 vieilles dames veulent encore affirmer leur liberté malgré leurs faiblesses. Alors ce soir là, elles ont décidé de fuguer et de rejoindre le cortège des manifestants...Quitte à ne pas retrouver leur chemin après...

En dignes anciennes professeurs de lettres et d'arts plastiques, elles reconnaissent le chœur du théâtre antique dans les slogans des manifestants. La place de la constitution, avec ses 2 niveaux, ne reconstituent-elle pas les 2 niveaux de la scène tragique antique, la scène et le public ?

Et c'est en cela que réside le talent inouï de Rhéa Galanaki : tout en décrivant des scènes burlesques (les 2 mamies complètement séniles déambulent dans un curieux accoutrement dans les rues d'Athènes), l('auteur parvient à faire un portrait brillant de la Grèce contemporaine tout en faisant le parallèle avec la génération d'étudiants qui a mis fin à la junte des colonels (manifestation de l'Ecole polytechnique en novembre 1973)

Est-ce cette génération là qui est responsable d'avoir fait sombrer la Grèce dans une crise sans précédent ?

Rhéa Galanaki signe un beau "roman du réel" en faisant revivre cette nuit de février 2012 où le centre d'Athènes a été incendié et ses monuments en marbre mutilés. Alors que deux jeunesses du pays s'affrontent, l’extrême gauche et l’extrême droite (parti de l'Aube dorée), les sans abris se multiplient. En descendant dans les bas-fonds, les 2 grands mères à la fois candides et téméraires vont découvrir l'adversité mais aussi la réalité et l'entraide.

L'auteur réactualise le mythe de la tragédie et écrit une belle ode à la ville athénienne. Tirésia et Nymphe, c'est Ulysse perdu dans les dédales d’Athènes ou Ariane dans le labyrinthe. Au bout du chemin, elle parviendront sans doute à retrouver leur route même si Athènes est un véritable minotaure.

Dire le contemporain tout en ravivant la tragédie antique, tel est le dessein de ce magnifique roman. Comme l'écrit si bien l'auteure, la littérature est une sorte de connaissance du monde qui dit beaucoup plus de chose qu'un essai d'économie ou de sociologie.

Qu'elle humanité dans ces personnages ! Le chômage, la pauvreté, l'immigration, le nationalisme, les minotaures d'aujourd'hui s'incarnent dans des âmes qui doutent, qui errent mais qui, par la force de la solidarité, finiront par sortir du labyrinthe.

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21 septembre 2016 3 21 /09 /septembre /2016 22:30
L'heure de plomb de Bruce Holbert

Editions Gallmeister, 2016

Moi qui ne suit pas forcément fan de "Nature writing" dont les éditions Gallmeister se sont fait le chantre, il faut dire que j'ai été vraiment bluffée par ce texte difficile, âpre mais ô combien intelligent.

Bien sûr, la nature est une force omniprésente qui malmène et qui est malmenée mais c'est la complexité psychologique des protagonistes qui est d'abord merveilleusement décrite.

Nous sommes en 1918 dans l'Etat de Washington, dans l'Ouest américain.. Les villages ne sont encore que de minuscules points dans une nature indomptée. Bientôt, les barrages hydroélectriques sont raser les veilles bicoques...

Les Lawson sont de modestes fermiers. Les 2 jumeaux de la famille, Matt et Luke reviennent de l'école et sont pris dans une tempête historique qui fait baisser la température de plus de 20 degrés en quelques minutes. Linda Jefferson, leur institutrice, les recueille dans sa chaumière pour les réchauffer avec son propre corps mais il est trop tard pour Luke.

Du jour au lendemain, Matt se retrouve sans jumeau ni père...il doit gérer la ferme avec sa mère mais grandit trop vite. A force de travailler, à force de souffrir, on en perd parfois la raison, tout du moins la capacité à montrer la douceur de ses sentiments.

Car Matt apparaît comme un violent qui ne supporte pas la bêtise humaine. Alors l'amour de Wendy, qu'il a connu adolescente, l'aidera-t-il à guérir son mal être ? Rien n'est moins sûr....

Lecteur, tout comme Matt, domptez le premier quart du récit souvent lent, âpre, amer...Et petit à petit la magie opère.

Sur plus de 60 ans, Matt tentera de se reconstituer une famille : un père ou un frère adoptif comme les fermiers père et fils Roland et Jarms par exemple. Et il devra également affronter la notion de paternité.

Toute une constellation de personnages se haïssent, se déchirent mais il finissent par découvrir au fond d’eux-mêmes une petite once d'humanité....L'issue est souvent tragique car pères et fils ou mères et fils sont incapables de se comprendre. Ils se cherchent des pères, des mères, des frères de substitution car presque toujours, ils ne savent pas dire ou témoigner de l'amour à leurs proches.

Chaque personnage doit affronter une blessure qui pousse à une conduite insensée. Il doit faire face à ses démons, sa psychose personnelle avant de pouvoir avancer vers l'autre.

Le couple central, Matt et Wendy entre passion et haine, est bien sûr le plus attachant. Mais les personnages secondaires sont tout aussi forts : Linda Jefferson,l'institutrice indépendante et solitaire et son fils Lucky, qui devient un shérif alcoolique. Madame Lawson, la mère de Matt, est aussi dépressive et alcoolique.

Il y a aussi Roland, Jarms et Garett du côté des hommes. Une famille de substitution, une naissance mais à encore les relations sont très compliquées

Une tempête meurtrière, un coup de feu, un coup de hache...La mort arrive avec la force des éléments ou par un coup de sang...peu importe.

Qu'il est émouvant de suivre ces âmes fêlées sur 50 ou 60 ans...Trouveront-ils la paix ? Pas tous, assurément. J'ai rarement été aussi admirative devant le talent d'un auteur à décrire toute la complexité des rapports entre les différents personnages : les thèmes de la parentalité et de la filiation, de sang, d'emprunt, de choix ou vécue inconsciemment sont au centre de tous ces nœuds à dénouer pour guérir...

Âpre mais tout simplement brillant....

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18 septembre 2016 7 18 /09 /septembre /2016 19:49
Anthracite de Cédric Gras

Editions Stock, 2016

De ce jeune auteur de 34 ans (compagnon voyageur de Sylvain Tesson), j'ai lu cet été en Sibérie Le Nord, c'est l'Est, récit de voyage magnifique dans tous les territoires des confins russes, que ce soit dans la République de Touva, en Nénetsie, en Bouriatie, en Oussouri ou dans le bassin de la Kolyma; Il faut dire que notre auteur s'y connaît...Il a dirigé l'Alliance Française à Vladivostok puis celle de Donetsk dans le Donbass, la région qui a fait sécession du reste de l'Ukraine à l'été 2014...

Étant bien sûr obligé de quitter les lieux, il publie ici son premier roman qui a pour cadre la guerre civile ukrainienne...Sous la plume de cet écrivain voyageur intrépide, cela prend des allures d'aventures tragi-comiques mais qui nous permettent tout de même de comprendre les antagonismes de ces deux régions.

Le héros Vladlen (diminutif de Vladimir Lénine...eh oui, les parents étaient de fervents communistes) est chef d'orchestre à l'Opéra de Donetsk. Le jour du 9 mai qui commémore en grande pompe la fin de la Grande Guerre Patriotique, il entonne la musique de l'hymne national ukrainien. Ce qui n'est du tout du goût des séparatistes...

L'artiste Vladlen est obligé de quitter sa bien aimée violoniste pour se réfugier dans la campagne dombassienne. Son ami d'enfance Emile (nom du héros de Germinal) va pouvoir l'aider alors qu'il ne l'a pas vu depuis très longtemps.

Mais la campagne dombassienne est loin d'être bucolique. Il s'agit du plus grand bassin houiller de l'ex URSS. A perte de vue, les hauts fourneaux, les terrils et les statues à la gloire du mineur et du métallurgiste russe...sans oublier les grandes figures historiques....

Nos 2 compères vont traverser la région à bord d'une mythique Volga et devront affronter les nombreux checkpoint tenus par les séparatistes.

C'est parti pour une série d'aventures rocambolesques où les situations cocasses abondent dans un contexte pourtant tragique.

Cette région à la frontière russe n'a jamais pu oublier la Grande Russie, le pays à l'origine de son passé industriel glorieux. Aujourd'hui, le charbon se vend en contrebande à l'Asie du Sud Est et la houille s'échange même dans les jardins des babouchka. Alors l'Europe, dans tout ça, c'est une contrée bien lointaine.

Dans le récit, on comprend bien l'antagonisme entre l'Ukraine, traditionnel grenier à blé et ce bassin houiller à la culture complètement différente.

Il y a beaucoup d'humour (nos 2 compères partent à la recherche de leurs dulcinées respectives, trompées ou qui ont trompé dans ce décor apocalyptique) mais aussi de poésie. Cédric Gras médite tel un archéologue découvrant une civilisation du passé ; les terrils, statues et hauts fourneaux montreront encore longtemps leur étrange silhouette sur la plaine rase..

Ce récit est aussi une belle ode à l'amitié. Nos deux compères au destin opposé, l'un mineur, l'autre artiste, font fie de leurs divergences idéologiques avec beaucoup d'humanité.

Une belle aventure qui permet d'en apprendre beaucoup plus qu'un article ou un reportage. Un auteur à suivre !

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13 septembre 2016 2 13 /09 /septembre /2016 21:49
L'archipel d'une autre vie

Editions du Seuil, 2016

Je n'avais jamais relu Andreï Makine depuis le fabuleux Testament français...C'est chose faite avec son dernier opus. Il fallait bien un voyage en Sibérie pour renouer avec l’œuvre de ce russe francophile récemment élu l'Académie Française.

L'auteur nous livre une belle fable humaniste nous plongeant dans les années 50 au moment de la guerre de Corée.

Le récit est mis en abîme par la rencontre d'un jeune adolescent avec Pavel, le protagoniste principal, qui va lui raconter sa vie. Ce jeune adolescent, c'est bien sûr le double de l'auteur...

Années 60 dans l’Extrême Orient russe, le long du Pacifique. Les jeunes orphelins de parents morts au goulag sont scolarisés dans des écoles spécifiques pour ne pas divulguer le secret d'Etat.

Le jeune narrateur est envoyé avec sa classe faire des relevés de géodésie. Aventureux, peu enclin à faire ce qu'on lui demande, il se ballade dans les environs pour poursuivre une silhouette qui l'intrigue et qui ressemble à un chercheur d'or ou un trappeur..Il le suit jusqu'à être "attrapé" par la mystérieuse silhouette. Le dénommé Pavel va alors lui raconter son destin qui a basculé 10 ans plus tôt...

Nous sommes en 1953, la Guerre de Corée bat son plein et la 3e guerre mondiale va sans doute éclater. L'armée russe se prépare à une attaque nucléaire. Des exercices d’entraînement ont lieu en Extrême-Orient, le long du Pacifique. Pavel, avec une équipe d'officiers, y participe, bon gré mal gré. Non loin de là, un prisonnier s'est évadé du goulag.

Un détachement dont fait partie Pavel est chargé de le rattraper pour le ramener au bercail. L'ordre est donné de ne pas le tuer pour lui donner ensuite une bonne leçon...

C'est parti pour une chasse à l'homme dans la taïga ; nous sommes à la fois dans le thriller à suspense et le récit d'aventures. Les personnalités des différents poursuivants vont se révéler peu à peu donnant lieu à de belles scènes collectives. Entre les petits chefs à la solde de l'idéologie communiste et le réveil moral de certains, la tension monte.

Bientôt, l'étau se resserre...et le récit prend un tour inattendu.

Une écriture fluide, un récit dans le récit très bien rythmé, une réflexion sur les rapports avec la nature, un contexte historique fort....Plein d'éléments qui font que se roman se dévore rapidement.

Récit de guerre, récit d'aventures, récit de voyage et aussi d'apprentissage. Qu'elle est belle cette relation entre l'adolescent qui écoute et Pavel, qui raconte.

On devine que l'adolescent est le double de l'auteur qui a réellement connu Pavel ; leur vie en sera bouleversée.

Ce roman est aussi bien une ode aux valeurs humaines qu'à la nature vierge. Refermez ce livre et vous n'aurez qu'une envie : examiner la carte de l'immense Sibérie et y repérer le minuscule archipel des Chantars....

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6 septembre 2016 2 06 /09 /septembre /2016 22:57
Crépuscule du tourment de Léonora Miano

Editions Grasset, 2016

On connaît le style inimitable de Léonora Miano, tel une mélopée mêlant témérité, rancoeurs et révolte. De Tels des astres éteints aux aubes écarlates, Léonora Miano interroge l'identité africaine en escortant les générations actuelles à ne pas être victimes de l'histoire engendrée par l'esclavage. A cela s'ajoute la parole féminine qui, grâce aux mots, se libère de l'emprise de leurs maris, amants et pères...

Un destinataire qui ne s'exprimera jamais dans le livre. Il s'est enfuit pendant cette nuit d'orage d'été. Quatre femmes prennnent la parole et s'adresse à lui, à tour de rôle. Madame, la mère de l'homme. Cet homme qui lui reprochait sans cesse de ne pas avoir tenu tête à son mari qui la battait. Parce que dans la bonne société africaine, ça ne se fait pas. Monsieur était fils d'administrateur colonial, il ne supportait pas cette acculturation blanche. Mais sous cette soumission apparente, Madame cache des secrets...

Puis c'est au tour de l'ex petite amie de l'homme, Amandla,guyanaise, de prendre la parole. Elle qui exorte la jeunesse à mieux appréhender son passé pour mieux préparer l'avenir. Se replonger dans le passé prestigieux égypto-nubien de l'Afrique (le kémisme) pour préparer une meilleure route.

Vient ensuite la fiancée éconduite, elle aussi battue. Au début méprisée par Madame, car descendante d'esclave, puis ensuite vue comme un miroir de sa propre destinée. Enfin la soeur qui raconte son enfance et son adolescence meurtrie mais aussi sa puissance

Quatre mélopées. Des thèmes aussi divers que le colonialisme, la sorcellerie, l'homosexualité, l'Histoire, la religion...

L'écriture de Miano distille une musique âpre telle une incantation rituelle.C'est très poétique, même si le discours militant de Miano transparaît à travers les monologues de ses personnages.

Le plus intéressant reste sans aucun doute cette fracture qu'elle installe entre cette bourgeoisie coloniale fière de ses origines, dont est originaire Léonora Miano (rôle très important du nom des ancêtres) et les descendants d'esclaves qui sont méprisés par les "purs". Car, comme dit Madame, c'est d'abord la lie qu'on a laissée partir dans les câles des navires....N'oublions jamais que l'esclavage s'est fait avec la complicité des élites noires....

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6 septembre 2016 2 06 /09 /septembre /2016 22:02
Le garçon de Marcus Malte

Editions Zulma, 2016

Marcus Malte est un auteur réputé de romans noirs. Parmi ses titres les plus connus, j'avais découvert Garden of love et puis La part des chiens,des récits qui se caractérisaient déjà par une beauté formelle et un beau sens de la construction.

Aujourd'hui, Marcus Malte signe un roman dirait-on plus classique qui reprend le mythe de l'enfant sauvage. Le garçon ne parlera jamais, il n'aura presque jamais de nom...il traversera la première partie du XXe siècle au gré des rencontres faites au hasard des chemins.

Tout commence comme une belle scène mythologique où l'on aperçoit au loin une silhouette à deux têtes ; il s'agit d'un jeune homme qui porte sur son dos sa mère mourante. On ne sait pas où et quand...

Au fil des pages, l'auteur se rapproche et "filme" une magnifique scène d'"enterrement". Le jeune homme est désormais libre de découvrir le monde, comme dans un second accouchement...Il va voir la mer . Il veut voir, sentir, connaître.

C'est parti pour une formidable épopée de plus de 500 pages de 1908 à 1938. Le garçon traversera la France d'un village perdu où l'on rejoue la naissance du christ et le déluge...avant de rencontrer "l'ogre des Carpates" avec qui il sillonnera les routes en roulotte. Puis viendra le temps de l'amour avec Emma...A chaque étape, l'auteur énumère les événements et anectodes qui ont marqué les années.

N'en disons pas plus. La force littéraire de cette oeuvre réside dans le changement perpétuel de registre ; nous avons l'impression de lire plusieurs romans qui se démultiplient. : récit mythologique, récit picaresque, récit érotique, de guerre...A chaque fois, la plume change de style à un rythme effréné.

Marcus Malte parvient à nous enthousiasmer, à faire corps avec ce personnage dont nous ne savons finalement pas grand chose.

Avec lui, on voit le 20e siècle éclore, de la naissance de l'automobile à la folie meurtrière de la première guerre mondiale. C'est l'éternel combat de l'ombre et de la lumière, de la civilisation et de la nature.

On reconnaît l'influence hugolienne à travers les allusions muliples à Mazeppa . Le magazine Transfuge cite Jean Valjean. Je pencherais plus pour Gwynplaine de l'Homme qui rit pour la monstruosité du personnage, constamment à la marge, menacé par la société qui ne sait comment le définir.

Un très beau roman, moderne et classique, qui embrasse tout un destin. Une ode à la force de l'écriture qui donne la vie.

Pour citer à nouveau Transfuge, Marcus Malte se révèle un grand colporteur d'histoires.

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6 août 2016 6 06 /08 /août /2016 15:00
Les planificateurs de Kim Un-Su

ROMAN POLICIER

Editions de l'Aube

On a beaucoup parlé de ce polar au moment où le Salon du Livre en mars accueillait comme invité d'honneur la Corée du Sud.

Il faut dire que ce roman policier est vraiment original. L'œuvre d'un esthète à coup sûr.

Dès les premières pages, nous sommes envoûtés par le style très lent et épuré. Laesaeng vise avec son fusil un vieil homme en compagnie de son chien, en train d'arroser et de "parler" à ses fleurs. Nous sommes dans un paysage naturel typique, au pied des montagnes, au coucher du soleil. L'homme hésite vraiment à tirer, c'est un pur moment d'introspection. Et puis, il se ravise, s'endort....avant d'être réveillé par sa cible qui l'invite à manger chez lui !

Une merveille d'originalité qui va se confirmer tout au long des 360 et quelques pages.

Nous apprenons quelques pages plus loin que Laesaeng est un tueur à gages recueilli orphelin et employé par Raton Laveur, à la tête d'une "agence d'assassinats" semi-officielle où les hommes d'Etat et d'affaires ont commandité des meurtres aux planificateurs depuis plus de 50 ans. Le camouflage de cette entreprise : la Bibliothèque des chiens, qui abrite plus de 200 000 livres !

Etant petit, alors qu'il s'ennuyait, Laesaeng a appris à lire tout seul, sous la vindicte de Raton-Laveur qui lui dit que les livres apprennent à faire peur et à pleurer ! Au moins, lui ne lit plus que des dictionnaires car les auteurs n'ont pas à y mettre leurs états d'âme au premier plan....

Son morne quotidien va être bouleversé lorsque la Bibliothèque des chiens, entreprise multiséculaire surannée, subit la concurrence de l'entreprise de sécurité de Hanja, l'autre fils adoptif de Raton-Laveur. Et apparemment, Hanja, le nouvel homme fort, est bien décidé à liquider la bibliothèque des chiens et ses responsables....

Et c'est parti pour une chronique d'une mort annoncée tragicomique où les moments de poésie alternent avec des scènes de combats ou de dialogues tarentinesques.

Entre temps, nous aurons croisé une "Pousse-au-Crime" qui est payée pour convaincre les femmes battues de faire tuer leur mari, une jeune femme paralysée qui tient une boutique coquette de tricot-couture et qui affectionne particulièrement les poupées Barbie et Winnie l'ourson sans oublier la bibliothécaire qui louche et le dénommé Poilu qui incinère les victimes avec beaucoup de tact....

Un conseil avant de vous avancer plus avant dans la lecture du récit : méfiez-vous des caissières souriantes et de vos cuvettes de WC !!!

Je ne sais pas quoi penser de ce roman : j'ai adoré les personnages et l'ambiance mais je suis moins convaincue par l'histoire. A vous de juger !

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4 août 2016 4 04 /08 /août /2016 17:49
Désorientale de Négar Djavadi

Rentrée littéraire 2016

Editions Liana Levi

Voici un premier roman qui va assurément faire parler de lui, qui fait partie notamment de la sélection Prix Fnac.

Negar Djavadi, qui nous vient du monde du cinéma (scénariste de la série Tiger Lily) nous conte l'Histoire de son pays d'origine l'Iran, l'histoire de sa famille sur au moins 4 générations et...son propre itinéraire. Et réussit le pari de nous livrer à la fois un récit historique sur l'Iran du 20e siècle et un beau roman d'apprentissage.

Le roman familial est digne des Mille et une nuits. Enchanteur, drôle et en même temps tragique.

Tout commence dans la salle d'attente d'un hôpital parisien...pour une insémination artificielle ! La narratrice observe les couples parisiens et se remémorent....

Au cours de l'attente, Kimia Sadr, la narratrice se remémore l'histoire de sa famille sur 4 générations. L'ancêtre, Montazelmolmok, est un seigneur au bord des montagnes de la mer Caspienne qui tient son harem d'une main de fer...il ne sait pas reconnaître ses dizaines d'enfants jusqu'à la naissance de Nour, "la lumière" qui a de beaux yeux bleus comme lui, le bleu légendaire de la Caspienne....

Nour sera mère des oncles n°1, 2, 3, 4, 5 et 6 de Kimia et de son père, Darius, l'intellectuel de la famille qui va épouser Sarah, une jolie française...

Le couple va devenir opposant au régime du Shah et ensuite à l'ayatollah Khomeiny avant de s'enfuir clandestinement en France.....

Loin d'elle l'idée de nous offrir un roman historique traditionnel chronologique. Les souvenirs apparaissent avec la fantaisie des djinns au gré des humeurs de la narratrice.

Les souvenirs sont comme de multiples histoires, des contes qui se succèdent les uns aux autres sans lien de cause à effet. On navigue du présent au passé et inversement dans un flot impétueux.

Si au départ, le lecteur peut être un peu perdu au milieu de tous ces multiples personnages, il prend vite ses marques tant les personnages sont attachants.

Les figures masculines, autoritaires ou libertaires, sont aussi attachantes que les figures féminines, de la grand-mère arménienne qui lit dans le marc de café à Sarah, la mère courage, femme aimante et indépendante.

Négar Djavadi nous émeut jusqu'à la dernière page dans ce joli conte tragique de la filiation, qui mêle vie, mort et renaissance, identités féminines et masculines.

L'auteur nous décrit un Iran loin des stéréotypes culturels et politiques tout en sachant parler à merveille de la France d'aujourd'hui. La question de l'exil est étudiée avec tact sans aborder la problématique française de l'intégration/ assimilation. La narratrice est juste entre deux...

L'écriture, très rythmée, permet de faire revivre les morts et de se réconcilier avec son identité. A découvrir de toute urgence !

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4 août 2016 4 04 /08 /août /2016 16:32
Petit Pays de Gaël Faye

Rentrée Littéraire 2016

Editions Grasset

Voici le premier roman d'un chanteur slameur qui a déjà rencontré le succès avec son album Pili Pili sur un croissant au beurre.

Il nous conte ici la fin de son enfance dans le petit pays du Burundi, dans sa capitale Bujumbura, où il vivait dans une jolie impasse plantée de bougainvilliers en compagnie de son père français, de sa mère rwandaise et de sa petite sœur Anna.

En 1992, Gaby a 10 ans. Dans ce petit pays de la région des grands lacs africains, il adore jouer avec sa bande de copains : attraper les mangues des voisins à la perche, pécher sur le lac Tanganyuka, partir à l'aventure avec la vieille Mercedes dans une nature luxuriante...mais les conflits ethniques commencent à éclater entre les Hutus et les Tutsis...dans le Rwanda voisin.

Rappelons que le Rwanda Urindi, dépendant de l'Empire colonial allemand a été ensuite donné à la Belgique par la SDN qui elle-même l'a rattaché au Congo Belge...jusqu'à l'indépendance du Rwanda et du Burundi en 1962.

Une occupation coloniale qui attise la haine entre les ethnies, le génocide qui commence au Rwanda.... et des réfugiés tutsis qui affluent au Burundi. La guerre civile éclate également au Burundi.

En quelques jours, le petit Gabriel voit son quotidien bouleversé. Métis, français et Tutsi par sa mère, il ne peut être que l'ennemi.

Sa bande de copains avec qui il faisait les 400 coups lui demande soudain d'entrer dans un gang. Et sa mère, partie au Rwanda pour célébrer le mariage de son frère, en revient à jamais meurtrie...

Gaël Faye signe un roman de la fracture, de l'avant et de l'après. Bien sûr, les massacres sont évoqués mais n'occupent jamais la première place.

C'est le retour au paradis perdu qui compte, l'évocation des amitiés enfantines qui donne toute la saveur au récit. Tout ce que le gamin en exil a perdu au moment du départ.

Ce n'est pas un hasard si l'auteur insiste sur la description de la nature exubérante et généreuse en eau, fleurs et fruits. Tout est vu avec le regard de l'enfant qui sait déjà ce qui va lui arriver.

Gaël Faye s'appesantit très peu sur son mal être d'adulte si ce n'est dans les premières pages du récit.Par la plume, il retourne au pays et la nostalgie magnifie l'impasse de l'enfance.

Un retour qui lui réserve une surprise poignante, inoubliable. Un roman très abouti, qui tient ses promesses jusqu'au dénouement.

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19 juillet 2016 2 19 /07 /juillet /2016 22:34
"Et que celui qui a soif, vienne : un roman de pirates"  de Sylvain Pattieu

ROMAN D'AVENTURES

Editions du Rouergue, collection "La Brune"

Voila plus de 6 mois que je n'ai pas pris la plume....le temps passe vite. Effectivement, après plus de 10 ans de blogosphère passionnée, j'ai décidé de prendre un peu le large...mais lorsque justement, je pars à l'aventure sur les mers, en compagnie de personnages magnifiques, je monte à l'abordage....

Voici mon grand coup de coeur depuis des mois, un roman d'un auteur découvert en 2012 avec Des impatientes ; un historien et enseignant dans un master de création littéraire né en 1979.

Près de 500 pages qui nous embarquent au moins sur 3 bateaux, à la découverte de multiples personnages...bien sûr, les bâteaux et les histoires vont se croiser...

Vous n'aimez pas les pirates ? Qu'importe ! Vous aimez le souffle littéraire, l'épopée, les beaux personnages ? Ouvrez vite ...

3 bâteaux sur une mer et à une époque inconnue voguant vers le nouveau monde...on doit être au XVIIe siècle mais ce n'est pas ce qui intéresse l'auteur.

On aborde d'abord sur L'Enterprize, navire négrier hollandais. A son bord, César, un guerrier d'une tribu qui s'est inclinée devant ses ennemis...il est donc condamné à devenir esclave, tout comme Marquise, une jolie femmes devenue la protégée du capitaine ou encore "La vieille" qui cache de multiples sortilèges...Fletcher, le bosco et le capitaine, n'ont qu'à bien se tenir...Heureusement que l'intrépide "Gamin" est dans les parages...

Vient ensuite le 2e acte, avec le Florissant, un galion français...Manon, une jeune prostituée est partagée entre le chevalier Barral et Jacques-Louis, un compagnon vitrier. A son bord également, Ferraciolo, un moine défroqué...qui aime le vin et les saints...

Et puis le 3e acte, sur le Batavia, navire hollandais de la Compagnie des Indes Orientales, ou le soldat travesti Karl se cache face à Arjen, le capitaine du navire...

Puis vient l'attaque du Fancy, vaisseau pirate commandé avec panache par le beau John Calico...
La révolte gronde entre capitaines injustes et violents, marins et soldats...La piraterie détrousse et vole mais fait aussi surtout souffler un vent de liberté sur les mers

"Et que celui qui a soif, vienne....", celui qui veut se libérer du joug des rois, des compagnies marchandes, des lois qui instaurent une inégalité injuste...

C'est tout l'enjeu de la deuxième partie du récit, Peut-on créer une démocratie au sein d'une d'une petite communauté d'esclaves, de marins, de soldats, de pasteurs, de blancs et de noirs ? Au sein des bateaux pirates, nul n'est roi ou maître...toute décision est prise en conseil, les chefs son élus et révocables et les femmes ont autant leur mot à dire que les hommes...Une belle république des mers...

Et nous voici embarqués dans un récit à la Jules Verne ou à la Stevenson où il faut tout recréer sur une île déserte...L'utopie est-elle possible ?

Derrière ce récit plein de panache, où les personnages sont plus attachants les uns que les autres, se cache une belle réflexion politique. Les pirates sont vus comme les ancêtres des révolutionnaires. Comme des sans-culottes des mers....

A l'opposé, la Compagnie des Indes Orientales entre en écho avec notre monde contemporain dominé par la finance. Ainsi, les marchands de la compagnie entre déjà en concurrence avec les rois et les religieux lorsqu'il sgit de se faire entendre par un pauvre gouverneur d'une île perdue...L'argent, la richesse apparaissent déjà plus forts que les Etats.

D'ailleurs Sylvain Pattieu n'hésite pas à faire entrer en résonance l'histoire de ces pirates avec des événements plus contemporains comme les révolutions russes ou la lutte pour les droits civiques.

Aucunes difficultés dans ce récit bien qu'il soit très documenté mais sans jamais entrer dans l'érudition. Sylvain Pattieu va à l'essentiel. Il y a de l'action mais aussi et surtout une attention toute particulière donnée aux personnages. Nul écueil dans le récit ; on vogue de manière rythmée mais sans jamais être perdus...

On admire les différentes tonalités du récit : l'épopée, le fantastique, les citations bibliques millénaristes qui annoncent des temps meilleurs...

On quitte le navire avec tristesse après ce beau voyage...

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