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PrÉSentation

  • : Passion des livres
  • : Les coups de coeur de mes lectures. Venez découvrir des classiques, des romans français ou étrangers, du policier, du fantastique, de la bande dessinée et des mangas...et bien des choses encore !
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Internautes lecteurs, bonjour !

J'ai découvert l'univers des blogs très récemment. Je suis bibliothécaire et mon métier est donc de faire partager ma passion. Voici donc mes coups de coeurs et n'hésitez pas à me faire partager les vôtres !

Je vous parlerai surtout de littérature française et étrangère contemporaine sans oublier bien sûr mes classiques préférés...

Une rubrique est également réservée aux lectures pour adolescents ainsi qu'à la BD et aux mangas.

Bonne lecture !

 

 

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9 février 2009 1 09 /02 /février /2009 17:28

de PAUL NIZON (Suisse allemande)

Dans la maison les histoires se défont

Editions Actes Sud, 1992

Je viens de découvrir par ce fabuleux texte l'auteur de langue allemande, Paul Nizon, né en 1929, qui se déclare "autofictionnaire" : Paul Nizon s’est déclaré « autofictionnaire » en ce sens « qu’il utilise sa vie vécue pour faire des livres de fiction. "Je suis généralement mon personnage principal » a-t-il déclaré. Mais sa propre vie, il l'intègre de telle façon que le texte devient universel et une profonde réflexion sur la condition humaine. Ainsi, dans un entretien donné à la Quinzaine littéraire en 2006, on peut lire : 
 
"Sous une apparence autobiographique puisqu’en apparence il ne parle que de lui, il n’en parle que par transparence, pour montrer ce qu’il voit et pour atteindre ce point de soi où l’on devient anonyme. L’essentiel est de dépeindre le monde autour de lui ».

Dans la maison, les histoires de défont, Paul Nizon se souvient des membres de sa famille et des locataires de la pension de famille où il a passé son enfance : son père malade qui s'affairait dans son mystérieux laboratoire de chimiste, sa grand-mère et sa mère aux fourneaux et ces mystérieux locataires, pianiste raté, vieux célibataire, arnaqueurs....Nizon se révèle un portraitiste hors paire qui convoque vue, toucher et odorat pour dresser des portraits d'une grande suggestivité. Les natures humaines se révèlent tel dans la maison Vaucquer de Balzac. De magnifiques "photos" d'êtres sans épaisseur qui ont dit "non" à la vie trop vite, qui se sont pétrifiés, qui n'ont plus d'histoires.

La maison est décrite sous plusieurs angles qui constituent des petits chapitres séparés : la maison a sa rue, sa rumeur, ses habitants, ses contrées, sa rubrique décès, ses paysages et ses destins.

Nizon ne se désigne jamais par le "Je" ; il est "l'enfant" qui rêve de s'évader, qui devient un faucon volant au-dessus du village : car dans la maison, les destins se défont, la liberté meurt et les artistes deviennent des fonctionnaires. Car "la maison referme son couvercle sur toi. Dans la maison, les fils se dénouent, les fils de la vie".

Ce livre est un puissant appel à la liberté et à l'errance, à la concrétisation de ses rêves. A la mollesse de la maison, s'oppose l'envol du faucon (l'enfant) qui symbolise celui de l'artiste. Le récit prend alors une teinte fantastique afin de quitter le matérialisme de la maison. Des dernières pages où Nizon s'adresse directement au lecteur sont d'une rare intensité.

Pour Nizon, le roman, la littérature ne peuvent naître qu'en se libérant des entraves matérielles et en quittant ses "attaches". Toute son oeuvre et aussi sa vie sont d'ailleurs marquées par une errance perpétuelle qui seule fait éclore l'art.
Un entretien intéressant dans Lire , ce qui donne envie de lire toute son oeuvre...

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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 21:47

ETATS-UNIS

Et Nietzsche a pleuré

Galaade Editions, 2007

Voici un roman intelligent et subtil mêlant savamment fiction et réalité. Irvin Yalom, éminent psychiatre, s'inspire de son métier, pour écrire des fictions brillantes sur la psychiatrie et la psychanalyse.

Nous avons eu dans Le souper de Jean-Claude Brisville, la rencontre fictive entre Talleyrand et Fouché. Il y a maintenant la rencontre fictive entre le philosophe Nietzsche et le maître de Freud, le Docteur Joseph Breuer à Vienne en 1882.

Et c'est tout simplement à la naissance de la psychothérapie (la cure par la parole) que nous assistons. Il est précisé au lecteur en postface que cette encontre est bien sûr fictive mais que tous les personnages cités et les événements qui les touchent sont eux bien réels.

En 1882, Nietzsche a écrit Humain trop humain et Le gai savoirmais n'est pas encore connu. Suite à sa rupture avec Lou Salomé, il est victime d'une grave dépression qui lui cause hallucinations et migraines. Lou Salomé aborde le Docteur Breuer afin de le soigner. Ce dernier vient d'inventer la cure par la parole ou "ramonage", le fait de faire expliquer par le patient les causes de son mal...

Mais il se trouve que Nietzsche n'a pas forcément envie de se faire guérir. Le désespoir a parfois de bons côtés...Il permet de se couper du monde et se suivre sa propre voie...

Alors, Breuer va mettre au point un subterfuge : alors qu'il traverse également une période difficile dans sa vie (il est tombé amoureux de sa patiente Bertha, la fameuse Anna O, première femme de l'histoire a suivre une psychothérapie), il passe un pacte avec le philosophe : il lui guérit ses migraines...et Nietzsche devient son médecin de l'âme...Petit à petit, le maître Breuer se laisse prendre au jeu et paraît beaucoup plus vulnérable qu'il n'y paraît. ...

Ce texte est une véritable partie d'échec entre deux monstres sacrés ; nous assistons à la naissance fictive de la psychothérapie ; les rapports de force s'inversent petit à petit, nous découvrons de manière divertissante à la fois les ressorts de la psychanalyse et les fondements de la philosophie nietzschéenne. Quelle est la signification de la mort ? l'essence du désespoir ? comment suivre sa propre voie ?

Une formidable leçon de philosophie de vie composée essentiellement de dialogues intercalés de lettres qui permettent de saisir la véritable pensée des deux personnages.

Yahom instaure les rapports de force comme jeu ; on découvre de manière ludique les rapports entre Freud et le maître Breuer qui l'a initié à la cure par la parole.  Yalom humanise profondément les deux personnages en les montrant aux prises avec leurs déboires amoureux, leurs faiblesses passionnelles. Mais la sensibilité des deux monstres sacrés est justement là pour incarner, matérialiser leurs théories.

Nous ressortons de ce roman extrèmement enjoués ; le lecteur apprend plein de choses tout en se divertissant; Passionnant.

Cela me donne donc envie de lire les autres titres d'Irvin Yalom !

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19 octobre 2008 7 19 /10 /octobre /2008 22:45

ITALIE

Le secret de Caspar Jacobi

Editions Anacharsis, 2008

Si vous aimez les romans d'aventure labyrinthiques à suspense qui vous emmènent à la fois à New-York, Venise et même dans les histoires de piraterie du Moyen-Äge, ce livre est pour vous !

Alberto Ongaro, écrivain et grand voyageur, a été le complice d'Hugo Pratt. Il nous livre ici un superbe récit labyrinthique sue les méandres de la création littéraire, les rapports diaboliques auteurs/personnages, l'inspiration etc....

Tout commence à Venise : Cipriano Parodi, élevé par ses deux tantes Catholica et Pagana !!!!, est doté d'une imagination débordante. Il vient de sortir son premier roman et reçoit une lettre du plus célèbre écrivain du monde, Caspar Jacobi, résidant à New-York. Il l'invite à venir rejoindre son équipe....Car Jacobi, c'est l'Alexandre Dumas du XXIè siècle.  Il est à la tête d'une véritable "usine de création". Des écrivains créent pour lui des personnages et des intrigues...

Intrigué et surtout flatté, Cipriano se rend à New-York et intègre l'atelier de Jacobi. Il apprend que l'un de ses prédécesseurs, un jeune écrivain français, est mort accidentellement...

La "guerre de la création" commence. Cipriano entend bien garder son indépendance d'écrivain...mais Jacobi se révèle être un talentueux vampire littéraire....

Cipriano se rend peu à peu compte que Jacobi cache un secret et va tout faire pour le découvrir..

Ce titre est d'abord un merveilleux roman d'aventures et un roman à énigmes. Ongaro nous ballade de Venise à New-York, de la piraterie moyen-âgeuse à la commedia dell'arte, des cultes vaudous aux bals masqués de Venise.

Créant un foisonnement de personnages et d'intrigues secondaires, ce roman est surtout une magnifique réflexion sur les arcanes de la création littéraire : mise en abîme de la narration, effacement des limites entre les personnages et l'auteur, entre le réel et l'imaginaire. Cipriano et Caspar se livrent à une impitoyable partie d'échec : qui va piéger l'autre ? Ici, l'arme, c'est d'abord la littérature qui manipule, soumet et rend schizophrène. Chacun cherche à écrire sur l'autre mais ce jeu s'avère très dangereux.

Hommage à Alexandre Dumas, ce livre se révèle un véritable labyrinthe pour le lecteur qui se perd pour son plus grand plaisir. Ici, l'acte d'écriture est vu comme une action démoniaque, vampirique.

Assurément l'un des plus beaux livres que j'ai jamais lu sur la création littéraire. Certains critiques évoquent le lien avec Borges...On peut également évoquer Arturo Perez Reverte (en particulier Club Dumas et Le tableau du maître flamand.Érudition et mystère, pur divertissement allié à une réflexion subtile...

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17 septembre 2008 3 17 /09 /septembre /2008 19:55

RENTREE LITTERAIRE -AUSTRALIE

Ailleurs

Editions Christian Bourgois

C'est l'une des grandes découvertes de cette rentrée. Ce deuxième roman de cette  jeune australienne fut salué à la fois par Toni Morrison et JM Coetzee. En une centaine de pages, l'auteur nous décrit une histoire étrange, morbide, faite de non-dits et de lourds secrets.

L'intrigue est minimale : dans une ville française non définie, une femme revient d'Australie dans la maison familiale avec ses deux enfants ; un bras dans le plâtre, des vêtements déchirés ; signes annonciateurs d'une situation familiale difficile.

La femme revient après un départ brutal douze ans plus tôt. Un château d'antan, une grand-mère évoquant l'aristocratie d'autrefois, une gouvernante et deux servantes jumelles. Puis le même jour, reviennent de l'hôpital le frère de la femme, Marcus ainsi que Sophie, la belle-soeur, qui revient à la propriété familiale avec "le paquet" morbide. Etrange huis clos familial qui va durer plusieurs jours...

Le récit est celui de la tentative de l'enterrement du paquet malgré le refus de Sophie...

Voila pour l'intrigue. Certes sujet très dérangeant, mais l'écriture de Juia Leigh est si elliptique, tout en nuance, que tout détail scabreux est absent.

Au contraire, il s'agit avant tout d'un roman d'atmosphère. Les personnages ne sont presque pas décrits, il s'agit de silhouettes fantomatiques. Alors que l'on connaît leurs prénoms, l'auteur les désigne toujours par "le garçon", la "petite fille", la "femme".  

Le décor (un château, un parc avec des fauteuils en rotin, un lac, une forêt) instaure un climat mystérieux et enchanteur (les oiseaux, les daims...). Alors que nous croyons être dans un conte gothique, des éléments de la modernité surgissent : un écran plasma, un portable, un séjour dans un  restaurant de kebab...L'auteur brouille magnifiquement les pistes...

Quant aux relations entre les différents personnages, elles ne sont que suggérées. Peu de communication, beaucoup de non-dits. On devine un adultère, une maltraitance conjugale.

Les critiques ont évoqué Tandis que j'agonise,de par l'ambiance morbide. Cependant, il n'y a pas de tonalité burlesque. On contraire, tout est poésie et retenue.

Par contre, on peut évoquer le magnifique film de Charles Laughton, La nuit du chasseur, de par la présence des deux jeunes enfants qui prennent la barque sur le lac pour aller vers un "ailleurs" plus hospitalier. L'enfance qui cherche à fuir un monde adulte qu'elle ne comprend pas ...

Un roman d'ambiance très cinématographique qui marquera les esprits...

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12 septembre 2008 5 12 /09 /septembre /2008 20:06

RENTREE LITTERAIRE- ALLEMAGNE

L'ultime question


Editions Actes Sud

L'an dernier, La fille sans qualitéavait été un événement littéraire. Un pur chef d'oeuvre. Juli Zeh récidive cette année, un niveau en dessous tout de même...Alors que La fille sans qualités'attachait à la fin du droit et de la morale, ce dernier opus mêle physique quantique, psychologie, morale, thriller et intrigue policière...Quel programme ! Mais par dessus tout, on retrouve la primauté du jeu : les protagonistes jouent avec les règles et principes à leur dépens...

Oskar et Sébastian sont deux physiciens renommés, amis très proches de longue date. Chaque semaine, Oskar vient à Fribourg chez son ami de fac et sa petite famille. Car, si lui a décidé de se livrer corps et âme à la physique, Sébastien a trouvé le bonheur avec sa femme Maike et son fils Liam.  Chaque vendredi, c'est l'occasion d'une joute verbale plein d'ironie car les deux compères ne partagent pas les mêmes conceptions de la physique. Pour Oskar, le matérialiste, le monde est une suite linéaire de cause à effet ; le temps et l'espace existent au même titre que la matière. Le monde est un.  Sébastian souhaite démontrer au contraire la théorie des mondes multiples, des univers parallèles ; différents univers se côtoient ; une chose peut être vraie dans un monde, faux dans l'autre. Le hasard gouverne les sciences et affirme le libre arbitre de l'homme...

Sébastien a exposé la théorie des univers parallèles dans une revue scientifique suite à un mystérieux meurtre : le meurtrier se prétend originaire du futur où ses victimes étaient encore vivantes. On pourrait ainsi tuer ses ancêtres dans le passé et exister toujours dans le futur...Quid des contradictions...

Pour Oskar, Sébastien s'est fourvoyé dans la vulgarisation scientifique. Pour défier son ami, il l'invite à participer à un débat télévisé sur ces questions cruciales : la réalité est-elle unique, la réalité dépend-t-elle de nos propres perceptions ?

Quelques jours plus tard, la vie de Sébastian bascule. Il reçoit un étrange coup de fil qui lui intime de tuer l'ami médecin de sa femme. Au même moment, il croit que son fils a été enlevé...
Sébastian a commis un meurtre contre son gré mais son fils a-t-il vraiment été enlevé ?

Deux enquêtes se croisent. Pour les élucider, un mystérieux commissaire atteint d'une tumeur au cerveau sujet à des hallucinations...Celui justement qui s'est occupé de l'enquête du tueur venu du futur...

Vous suivez toujours ? Le roman scientifique bascule soudainement dans le thriller le plus sordide ; le scientifique perd pied et sa famille se dissoud...Est-il vraiment coupable ? Le commissaire, ému par sa famille, va tout faire pour le disculper...

Juli Zeh parvient à faire "descendre" la physique quantique dans la vie quotidienne et les relations humaines. Jeux de piste, manipulations, sentiments ambigus ; tout ici se rapporte à l'existence ou non de plusieurs univers ? Peut-on vivre deux vies ? Vie et sciences se rejoignent pour parler des valeurs existantes ou non. La science devient un jeu qui influe sur le quotidien...

Saluons des personnages hauts en couleur, d'une profondeur psychologique certaine, un rythme haletant et une intrigue d'une intelligence rare.

Assurément, l'auteur éprouve autant de plaisir à jouer avec les nerfs de ses personnages aussi bien qu'avec l'intelligence du lecteur.

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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 09:16

ETATS-UNIS

Mon chien stupide

Editions Christian Bourgois, 1985

John Fante (1909-1983), fils d'immigrés italiens, tient une place à part dans la littérature américaine. Il fut à la fois écrivain et scénariste à Hollywood.Ses livres oscillent toujours entre drame et comédie ; son oeuvre, souvent autobiographique (Bandini), est marquée par le goût de l'excès et de la provocation. Il a marqué toute une génération d'écrivains, en particulier Charles Bukowski.

Mon chien stupide est un petit chef d'oeuvre d'humour noir. Le narrateur est le double de Fante ; c'est un romancier en panne d'inspiration qui tente de gagner sa vie en écrivant des scénarios sur la côte californienne. Mais les vaches sont maigres...Et puis sa famille lui tape franchement sur le système ! Sa femme râleuse et ses 4 enfants complètement timbrés. Un soir, un énorme chien japonais vient roder près de la maison. Ils n'arrivent pas à le chasser et le narrateur décide de le garder au grand dam de sa famille. Surtout que ce chien a des tendances homosexuelles ! Et ses élans peuvent être aussi dirigés vers les humains....

Je vous laisse deviner les scènes cocasses que cela peut donner....A travers cette fable, Fante épingle la bonne conscience WASP (White ango saxon protestant). On n'oubliera pas de si tôt les assauts sexuels contre les chiens des voisins scandalisés...

Souvent, Fante frise la caricature (les enfants sont par exemple très stéréotypés : il y a le drogué, le fainéant, le menteur). Mais, finalement, c'est le chien qui emporte tous les suffrages.

Sous ses allures de farce, ce roman est très sombre : le narrateur, au bord de la déprime, se console avec un chien fantasque.

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13 juillet 2008 7 13 /07 /juillet /2008 11:54

ESPAGNE

Chez Ulysse
Editions Tristram, 2008

Julian Rios est l'un des plus grands écrivains espagnols du siècle. A la fois salué par Octavio Paz ou Carlos Fuentes, l'Encyclopedia Britannica le cite comme "
étant sans doute la prose espagnole la plus tumultueusement originale du siècle".

Il se pose comme l'héritier de Rabelais, Cervantès ou encore Laurence Sterne ou d'auteurs plus contemporains comme Joyce, Calvino ou Perec. Son écriture se construit à base de jeux de mots et d'histoire à tiroirs. Ses derniers romans s'inspirent de textes littéraires mythiques tels Alice au pays des merveilles. Ainsi, dans Nouveaux chapeaux pour Alice, il imagine que le lapin donne à chaque fois à Alice un chapeau différent, qui l'emmène dans les univers de Kafka, Melville, Tanizaki, Borgès....

Ici, avec Chez Ulysse, il nous fait revisiter le chef d'oeuvre des chefs d'oeuvre de Joyce, Ulysse; nous avons ainsi un livre sur un livre, qui s'inspire lui-même d'un livre mythique L'odyssée d'Homère. On sait que les différents chapitres d'Ulysse, sont une parodie des chapitres de l'Odyssée. Rios reprend chaque chapitre en imaginant une histoire lui permettant le commentaire du livre : nous voyageons dans le musée d'Ulysse en compagnie d'un guide et de trois visiteurs, une jeune étudiante, un vieux critique et un homme au macintosh", surnommés A, B et C. Chacun va donner son point de vue sur tous les chapitres. A chaque fois, l'homme au macintoch nous fait un power point de son écran schématisant l'interprétation du chapitre ! Car, nous apprenons qu'à chaque chapitre, correspond un organe, un art, un symbole, un décor, une couleur. Puis vient ensuite les commentaires personnels, complémentaires ou contradictoires des trois personnages. Des commentaires sur l'Irlande, les liens homériques bien sûr, mais aussi les détails de la vie privée de Joyce lui-même. Car on sait que pour Rios, Ecrire est "escrivivir" : la vie et l'écriture ne font qu'un.

Erudition mais aussi humour nous font rentrer admirablement et simplement dans un roman jugé très hermétique. On parle nourriture, urine et érection. Eh oui, qui taxe Joyce d'intellectualisme profond se trompe !

Rios joue bien sûr sur les correspondance avec Homère mais aussi avec Hamlet et Faust. Un voyage original et réjouissant au pays de la littérature et des mots.

Moi qui avait stoppé il y a un an la lecture du roman de Joyce, je n'ai qu'une envie , m'y remettre ! L'idéal serait d'alterner les deux lectures pour ne pas de perdre dans l'univers joycien !

En lien, la critique du Matricule des anges.

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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 14:24

PORTUGAL

Le vent qui siffle dans les grues

Editions Métailié, 2004

La lecture de Lidia Jorge m'était recommandée depuis un certain temps ; cette grande dame des lettres portugaises a obtenu de nombreux prix dans son pays et est traduite dans de nombreux pays européens.

Cette lecture a été pour moi une véritable découverte ! Romanesque à souhait, ce roman m'a fait pensé à la littérature sud-américaine, le réalisme magique en moins : description de traditions archaïques, histoires de grandes familles bourgeoises sur le déclin, imbues de leurs privilèges. Il règne sur cette histoire tragique un parfum d'archaïsme ancestral ; l'intrigue se déroule dans la région de l'Algarve, la région la plus méridionale du Portugal. L'écrivain nous décrit admirablement des paysages marins et lacustres et la faune environnante.

Au centre de l'histoire, une jeune fille, Milena, orpheline, élevée par sa grand-mère Regina, autrefois à la tête d'une fabrique de conserves de poissons qui a fait la fortune de la famille. Nous apprenons au cours du roman, de manière très subtile, que Milena est arriérée mentale. A trente ans, on dirait une jeune fille de quinze ans. La grand-mère vient de mourir en plein été et Milena se retrouve toute seule à gérer l'enterrement. Car ses oncles et ses tantes, bourgeois imbus de leurs privilèges, avocats, maire du village, chef d'entreprise, sont tous partis dans des pays étrangers. Après l'enterrement, Milena se réfugie à côté des ruines de la conserverie, là où est venue mourir sa grand-mère. ..

Et où habite une famille de cap-verdienne (grand-mère, fils et belles-filles, petits enfants) qui vit dans la bonne humeur et dans la musique. Car cette famille pauvre n'a d'yeux que pour le fils prodigue, Jacinta, le musicien à succès, parti faire une tournée mondiale. Milena se prend d'affection pour cette famille qui la recueille...Elle ne tarde pas à tomber amoureuse du bel Antonio, le grutier. Mais lorsque les oncles et tantes vont apprendre l'idylle, la bassesse et la cruauté des puissants vont s'abattre sur Milena...

La grande force de ce roman est sa grande subtilité. Lidia Jorge est réputée pour sa description d'êtres un peu sauvages, à la marge. A aucun moment, nous ne prenons Milena pour une arriérée mentale. Certes, elle a du mal à s'exprimer, elle ne voit pas le mal, elle n'est que perception, sensation et désir. Elle incarne le bon sens, l'instinct fasse aux calculs, aux ressentiments des oncles et tantes. Comme elle, la famille cap-verdienne vit dans l'instant et dans les sensations. Les plus belles pages sont sans doute celles où la tribu cap- verdienne est obnubilée par les retransmissions télévisées des concerts de Jacinta.

L'intrigue est bien sûr fondée sur les clivages de toutes sortes, d'abord sociaux et culturels mais aussi temporels. L'ancienne conserverie va devenir un terrain idéal pour la construction d'un complexe immobilier. Et lorsque Antonio et Milena vont vouloir s'unir, la bourgeoisie archaïque va mettre au point un stratagème cruel pour éviter que la bonne société ne se mêle avec une famille immigée pauvre...

Ce roman est avant tout atmosphérique. Lidia Jorge prend le temps d'installer le décors, les paysages,les personnages, le contexte. L'action vient clore l'intrigue.

Envoûtant et dérangeant.

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30 mars 2008 7 30 /03 /mars /2008 15:06

ITALIE

Ay, Paloma

Editions Rivages, 2000

Après Un chocolat chez Hanselmann, voici un autre célèbre récit de Rosetta Loy. Toujours la même période, la même atmosphère de "paradis terrestre" alors que la guerre gronde. Mais ce récit est beaucoup plus classique, beaucoup plus lisse que le précédent.

La narration est linéaire et nous avons droit qu'à un seul point de vue, celui d'une gamine de 12 ans.

Nous sommes en août 1943 lors de la déroute de Mussolini. La bourgeoisie des villes se réfugie dans le Val d'Aoste dans de petits villages. Les enfants jouent, se chamaillent et les premiers émois amoureux ont lieu. Mais lors de la déroute italienne, les pro-mussoliniens s'affrontent avec les partisans. Cette période sombre sonne la fin de l'enfance, de l'insouciance pour les enfants. Les trahisons et les chagrins sont au rendez-vous.

On retrouve ce regard en même temps très candide et très juste d'Un chocolat...Mais les personnages ont beaucoup moins de profondeur et n'ont pas l'ambiguïté du chef d'oeuvre de Loy. Bien plus, ils sont profondément manichéens.

Le récit a le mérite d'aborder une période de l'histoire italienne très peu traitée en littérature et très peu connue.

C'est ce que je retiens de ce titre.

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27 mars 2008 4 27 /03 /mars /2008 21:50
ITALIE



Editions Rivages, 1995

Rosetta Loy est reconnue comme étant l'un des meilleurs auteurs italiens contemporains. Son thème de prédilection est l'Italie pendant la Seconde Guerre Mondiale, période qu'elle a bien connue étant enfant.

Je connaissais cette auteur de réputation mais ne  l'avais pas encore lu. Ce titre, l'un des ses plus connus, est une merveille de subtilité. L'intrigue se déroule sur plusieurs années mélangeant les points de vue narratifs. Un secret de famille se dévoile petit à petit au fil des pages ; le flou artistique entretenu est un moteur de l'action.

Tout se passe dans un lieu au nom magique, dans les montagnes suisses à Chesa Silvascina : un chalet, un lac, des forêts, la neige. Madame Arnitz, la maîtresse de maison, tente en vain de maintenir son petit monde autour d'elle mais en vain ; sa fille aînée, Isabella est partie pour Rome épouser un professeur. Quant à Margot, la cadette, courtisée par Eddy, un ami de la famille, elle est séduite par Arturo, le juif clandestin venue se réfugier dans la propriété en Suisse sur les conseils d'Isabella, son amante. Bientôt, Margot s'enfuit avec Arturo et Eddy disparaît...

Que s'est-il vraiment passé ce jour là ? Quelle est la vraie relation entre Arturo et Isabella ?

Les événements sont d'abord vus par le regard de Lorenza, fille d'Isabella, gamine. Puis c'est au tour de Madame Arnitz de s'interroger sur la fuite de sa fille. Enfin, des années plus tard, Lorenza enquête auprès de Margot et cherche à comprendre sa mère. Puis, dans les dernières pages, la signification du titre nous est dévoilée.

De ce livre, on retient d'abors l'atmosphère feutrée. Dans un cadre idyllique, la Suisse, isolée des drames de la Seconde Guerre Mondiale, la guerre devient privée. Les drames inattendus se nouent mais cachés de tous.

Ensuite, il y a ces personnages, ces actions qui se dévoilent peu à peu : Arturo, le juif qui refuse son statut de victime, est un très beau personnage de roman, incarnant la culpabilité enfouie. Dans ce titre, les actions viennent d'abord, leurs explications ensuite.

La narration très subtile organise une danse des personnages qu occupent le premier plan à tour de rôle, à des époques différentes.

Une ode à la mémoire familiale et à ses secrets enfouis. Du grand art.


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