Robert Laffont, 2005

Il y a eu la vulgarisation de la philosophie avec Le monde de Sophie ; il y a maintenant la vulgarisation des mathématiques avec Denis Guedj.Ce dernier est mathématicien et professeur d'histoire et d'épistémologie à l'université. Dans ses romans, il cherche à rendre plus accessibles la science des mathématiques.
Zéro retrace l'histoire de la découverte des nombres et du zéro de la Mésopotamie en 3000 ans avant notre aire à la domination de Bagdad au IXè siècle après Jésus Christ. Le roman commence en 2003 lors des bombardements américains en Irak. l'avion d'Aémer, une archéologue spécialiste de l'histoire mésopotamienne, s'est abattu sur un terrain rempli de calculus, les petites balles en argile qui servaient à compter dans l'Antiquité. A partir de là, plusieurs chapitres mettent en scène le personnage d'Aémer (à tour de rôle esclave, danseuse et chiromancienne) à plusieurs périodes de l'Histoire du territoire entre l'Euphrate et le Tigre, devenu l'Irak ; chaque période correspond à une découverte cruciale dans l'histoire du calcul. A Uruk en 3000 avant JC, puis à Ur, en passant par Babylone en 1500 avant JC et enfin Bagdad en 800.
Ainsi, nous apprenons qu'au tout début de la civilisation, avant l'écriture, les marchands mésopotamiens effectuaient leurs transactions avec des petites sculptures d'argile; des batônnets, des cercles, des cônes représentaient différentes quantités. Puis avec l'écriture, avec un calame, on grava ces signes sur une tablette. Ensuite, à Ur et Babylone, on utilisa deux signes, un clou et un chevron répartis dans des colonnes; mais la valeur du signe dépendait de sa position dans les colonnes, ce qui provoquait des quiproquos. Enfin, les savants de Bagdad découvrent au IXe siècle les 9 chiffres "nés" en Inde puis comment écrire le vide ou le rien grâce au zéro. Voila la grande aventure des nombres !
Mais ce roman est beaucoup plus qu''un récit scientifique. C'est d'abord un formidable roman historique sur l'histoire multimillénaire de l'actuelle Irak, la Mésopotamie qui a découvert l'agriculture,l'écriture, l'irrigation, l'astronomie. Nous nous promenons dans les grandes villes telles Sumer, Ur et Babylone avec leurs murailles et leurs Ziggurat, les ancêtres des pyramides égyptiennes. Puis Bagdad, carrefour des civilisations où l'on a traduit Aristote et Galien. A la fin, Guedj insiste sur les événements de 2003 lorsque les Américains ont bombardé le Musée Archéologique de Bagdad.
Enfin, il s'agit d'un récit éminemment romanesque puisque chaque chapitre relate une histoire d'amour impossible entre Aémer et l'un de ses amants.
Un véritable petit chef d'oeuvre. Cela m'a donné envie de lire Les cheveux de Bérénice sur l'histoire de l'astronomie dans l'Egypte des Ptolémées. Critique à venir...