
Ce grand classique norvégien de la fin du 19e siècle a contribué à révolutionner le littérature mondiale puisqu’il s’agit de l’un des premiers romans d’introspection : un homme névrosé et affamé soliloque sur son mal durant 180 pages. On peut penser que le Ulysse de Joyce ou le Mrs Dalloway de Virginia Woolf en sont les héritiers avec leurs monologues sans fin.
Ne vous imaginez pas un roman social à la Zola décrivant un homme affamé qui sombre peu à peu dans la folie. Ici, nulle description d’un milieu social. Le roman est autocentré sur la faim d’un homme qui n’est pas seulement physique mais aussi morale. Il est certes affamé mais aurait à chaque fois la possibilité de s’en sortir ; mais il préfère jeter ou faire don de ce qu’on lui donne. Lorsqu’il mange, il a tendance à tout rejeter. On dirait qu’il se complaît à vivre dans un état perpétuel d’affamé. Il en a besoin pour vivre et pour écrire.
On peut d’ailleurs penser que cet étrange personnage est un double de l’auteur qui a connu lui –même la faim dans les rues de Norvège. Il court après la page journalistique pour quelques couronnes.
Ce qui marque le plus, c’est l’incroyable orgueil du narrateur qui refuse toute aide extérieure : lorsqu’il se surprend à avoir ramassé quelques couronnes par erreur sur un comptoir de boulanger, il va jusqu’à s’auto dénoncer auprès du marchand ! Il donne ses quelques pièces aux autres mendiants…
Ainsi, ce roman traite d’une névrose avant la lettre. C’est André Gide qui a contribué à le faire connaître (il préface d’ailleurs la présente édition). En effet, on peut reconnaître une certaine similitude entre les deux écrivains. Le célèbre auteur des Nourritures terrestres avait lui aussi cette faim insatiable, cette soif d’absolu…