3 juillet 2005
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Ce roman met en scène Léonard de Vinci sans jamais le nommer explicitement : un vieux peintre accompagné de ses apprentis se rend au bord de la Loire à la demande du Roi de France, François 1er. Logé dans l'un des châteaux, une servante entre deux âges va l'observer au fil des jours. Le peintre n'est pas indifférent et une certaine connivence va s'installer entre eux. N'allez pas imaginer une banale histoire d'amour. Le roman est l'un des plus subtils quant au traitement des relations humaines. Tout au long de ce court roman, nous nous interrogeons sur la nature de la demande que va faire la servante au peintre. Et cette demande surprendra les lecteurs! Car il ne s'agit pas d'obtenir simplement un portrait peint par le génie...
N'en disons pas plus; à vous de découvrir l'écriture envoûtante de Michèle Desbordes: les descriptions de la région de la Loire sont éblouissantes de beauté et de poésie; elle décrit la pierre des châteaux, le cours du fleuve, la lumière de la région.
La narration, très fluide, ne laisse pas beaucoup de place aux dialogues. Ce qui intéresse l'auteur, c'est d'abord les regards mutuels que se portent les deux personnages. La parole et la demande ne viennent qu'ensuite.
Ce roman sera également une agréable découverte pour tous les lecteurs qui aprécient les romans abordant le monde de l'art: Desbordes traite des relations entre les peintres de la Renaissance et la Cour de France; Une époque où les artistes étaient roi ....
A découvrir également :
La robe bleue, Editions Verdier
Michèle Desbordes nous peint le portrait de Camille Claudel internée pendant quarante ans dans un asile. Au fil des jours, elle se souvient de son histoire d'amour avec Rodin et de ses relations difficiles avec sa famille. Pendant plusieurs années, elle attend la visite de Paul Claudel, son frère, le célèbre écrivain et diplomate. En tout et pour tout, il ne viendra lui rendre visite que trois ou quatre fois. Un jour, il lui donnera un joli présent...
Les titres des romans de Michèle Desbordes sont très énigmatiques; ils ne prennent sens qu'aux dernières pages du roman...
Encore une oeuvre emplie de sensibilité et centrée sur une période très peu connue et passée sous silence de Camille Claudel.
1 juillet 2005
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Prix Goncourt 1987 pour La nuit sacrée
Tahar Ben Jelloun est le plus grand écrivain marocain contemporain. Son oeuvre la plus célèbre se constitue de deux ouvrages qui se suivent mais qui peuvent se lirent séparément: l'enfant de sable et La nuit sacrée.
Le grand écrivain nous conte l'histoire d'une jeune fille, Zahra, huitième fille d'un père qui décide d'en faire un garçon , pour échapper au destin qui lui est infligé. En effet, dans la société musulmane, c'est un honneur pour le chef de famille d'avoir des fils. Zahra va donc devenir Ahmed et cacher son véritable sexe à son entourage. Il assume son destin et se marie avec une jeune fille. Mais après le décès de son père et de son épouse, Ahmed-Zhara décide de revendiquer son identité. Commence alors une lente descente aux enfers....
L'histoire nous est racontée à la manière d'un conte oriental polyphonique: des conteurs se succèdent sur une place célèbre de Marrakech et donnent à chaque fois leur propre version des faits. Le lecteur est entraînée dans un labyrinthe foisonnant pour son plus grand plaisir...
Dans le deuxième tome, La nuit sacrée, Zahra-Ahmed prend enfin la parole et nous raconte sa véritable vie: sa révolte contrel'ordre des choses et la découverte de son corps et de sa sensualité: après avoir joué les travestis, elle va tomber amoureuse d'un forain. Mais son destin va peu à peu la rattraper...
Cette histoire, inspirée d'une histoire vraie, vous bouleversera à vie. L'écriture foisonnante, poétique, est digne des plus grands conteurs orientaux. Tahar Ben Jelloun mêle à la poésie un vif plaidoyer pour l'émancipation de la femme dans les pays musulmans.
1 juillet 2005
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L'association, 2004 - Prix Angoulême du meilleur album
La célèbre auteur iranienne de Persépolis (première bande dessinée iranienne) abandonne ici la BD autobiographique pour nous conter le destin d'un joueur de tar ( instrument à cordes iranien). Le jour où, dans un accès de colère, sa femme lui casse son instrument favori, l'artiste entre dans une phase dépressive. Il essaie d'en retrouver un chez tous les marchands de la ville mais, malheureusement, aucun ne semble pouvoir remplacer son instrument préféré. C'est alors qu'il décide de mourir...
La BD nous raconte les sept derniers jours de la vie de l'artiste; cet album s'insère dans la lignée des BD intimistes. Satrapi nous plonge dans l'intimité d'un homme qui vit dans un environnement hostile à toute forme d'art. Au fil de l'album, nous apprenons pourquoi cet homme tenait tant à son tar. Mais n'en disons pas plus ...
Satrapi oppose la poésie de l'art, la fragilité de l'artiste à la société matérialiste et hypocrite. Même si cet album ne remporte pas la palme du meilleur dessin, il gagne par sa finesse psychologique. Un beau portrait d'artiste !
Published by Sylvie
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dans
Bandes dessinées
30 juin 2005
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Editions Autrement, 2005
Daniel Wallace n'est autre que l'auteur de Big Fish, roman adapté au cinéma par le célèbre Tim Burton: l'histoire rocambolesque d'un homme racontant des histoires désopilantes à son fils.
Nous retrouvons dans ce deuxième roman le même goût pour l'extraordinaire et le burlesque: le jeune Thomas Rider, 18 ans, retourne à Ashland,ville de l'Ahlabama profonde, où il est né; il cherche à découvrir le secret de sa naissance; sa mère est morte à sa naissance et il ne sait pas qui est son père.
Ashland est la ville de la pastèque: ce fruit est cultivé depuis que la ville existe et une fête annuelle célèbre la fertilité du sol. Mais cette fête réserve de multiples surprises! Chaque année, la "vieille des marais" choisi un puceau qui doit perdre sa virginité avec la jeune fille qui a cueilli la graine d'or... La roi de la pastèque doit défiler dans toute la ville avec une coque de pastèque sur la tête ! De quoi effrayer le plus puceau des puceaux...
Le jeune Thomas Rider va découvrir peu à peu les absurdités d'une telle fête lorsque les habitants d'Ashland lui racontent la fête de la pastèque l'année de sa naissance; sa mère s'était en effet opposée à ce que l'idiot du village à qui elle apprend à lire soit nommé roi....
Tout le talent de Wallace tient à ce qu'il mêle le sens de l'insolite et du burlesque à une analyse très fine des mentalités d'un petite village conservateur de l'Amérique profonde; les thèmes abordés (le racisme, l'idiot, les traditions ancestrales) dénoncent une culture tournée vers un passé révolu: le village se rattache coûte que coûte à la fête de la pastèque parce qu'il n'a pas de perspective d'avenir. Malheur à celui qui renie le passé. Globalement, l'étranger, que ce soit le noir ou le simple visiteur, semble être une menace...
Le burlesque est également présent dans le personnage du grand-père qui racontent des histoires rocambolesques sur la naissance de Thomas; cela n'est pas sans rappeler Big Fish!
Daniel Wallace est vraiment la plume originale du moment qu'il faut découvrir de toute urgence !
30 juin 2005
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Gallimard, Collection Série noire
Thierry Jonquet est l'un des plus grands écrivains français de polars avec Daeninckx , Vargas et Grangé.
Ses oeuvres mêlent une intrigue haletante à une fine analyse psychologique et sociologique.
Moloch est centré sur le thème de la douleur et de la souffrance: un matin, un groupe de jeunes enfants est retrouvé carbonisé dans un vieil entrepôt. Les visages des enfants attestent qu'ils sont morts dans d'atroces souffrances.
Une deuxième enquête se greffe: une petite fille est opérée alors que le médecin découvre qu'elle ne souffre d'aucune maladie. Les policiers vont alors enquêter chez ses parents.
L'intrigue, très noire, est génialement menée: Jonquet étudie le milieu du Body Art (art qui vise à exposer son propre corps mutilé ou blessé) mêlé à une enquête sur le syndrôme de Munchausen (le fait de s'infliger des souffrances à soi-même ou à son entourage en s'injectant par exemple des maladies dans le sang). Le livre pose de multiples questions: quelle est l'origine de la souffrance? Pourquoi pouvons-nous être fasciné par la douleur?
Jonquet mêle habilement suspens et analyse psychologique très fine.
Le titre, d'origine biblique, fait référence au dieu Moloch de l'Ancien-Testament: il exigeait chaque année un sacrifice d'enfants pour l'honorer. Coutume abandonnée par le Nouveau Testament dont le Dieu affirme "tu ne tueras point"...
Références bibliques, historiques, artistiques et psychologiques...Que de richesses dans un seul roman!
Published by Sylvie
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Romans policiers
29 juin 2005
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André Gide est l'écrivain français du XXe siècle que je préfère; élevé dans une famille protestante rigoriste, toute son oeuvre est traversée par un dilemne fondamental: comment concilier la foi chrétienne et le désir de vivre pleinement son existence?
Certaines oeuvres fondamentales proclament le droit de liberté absolue: c'est le cas des Nourritures terrestres et des Caves du Vatican (le fameux acte gratuit de Lafcadio qui jette un homme de la porte d'un train; c'est l'acte gratuit par excellence) et de L'immoraliste. D'autres sont fortement marquées par la présence de Dieu comme La porte étroite et La symphonie pastorale.
La symphonie pastorale est un très beau roman permettant de découvrir l'oeuvre d'André Gide. Un pasteur marié et père de deux grands enfants recueille Gertrude, une jeune orpheline aveugle. Petit à petit, il va peu à peu tomber amoureux d'elle en lui apprenant à parler et à jouer du piano (d'où le titre La symphonie pastorale, la célèbre symphonie de Beethoven).
Tout se compliquera lorsque Gertrud recouvrera la vue mais n'en disons pas plus !
Cette belle histoire tragique vous émouvera sans aucun doute. Il n'est pas inutile de rappeler que ce roman a été porté à l'écran dans les années 50 avec Michèle Morgan dans le rôle de Gertrud. Il est très émouvant de voir le dilemne du prêtre qui essaie d'interpréter la Bible en sa faveur: pour lui la Bible n'interdit en aucun cas l'amour mais le destin lui donnera-t-il raison ?
28 juin 2005
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Editions du Rouergue, Collection Doado
Voici un beau roman d'aventures sur la situation des minorités aux Etats-Unis. Le jeune Billy vit dans une réserve indienne en Arizona; son grand-père lui conseille de fuir son milieu qui ne peut lui offrir qu'un avenir bouché: il ne va pas à l'école et son père est alcoolique. Sur la route du départ, son destin va croiser celui d'un prisonnier noir, Sudance, qui est en cavale. Ils feront un bout de chemin ensemble afin de rejoindre la frontière du Mexique.
D'emblée, Guillaume Guéraud évite tout ce qui est matière à clichés: Billy n'est pas un indien comme les autres, il ne porte pas de plumes, mange des hamburgers et aime les cow-boys !
L'auteur évoque avec réalisme la condition des indiens dans les réverses: isolement, alccolisme, chômage...
Toute l'originalité de l'intrigue réside dans l'inversion du système actuel: les minorités noires et indiennes, au lieu d'être attirées par le rêve américain, décident d'aller au Mexique, alors qu'en général, c'est le contraire qui se produit. Mieux vaut rejoindre un pays sous-développé plutôt que d'être détruit par le rêve américain...
De ce point de vue, le destin du grand-père de Billy est particulièrement intéressant : dans sa jeunesse, il a été attiré par le rêve hollywoodien en devenant figurant indien dans les western. Mais il a été retroné par John Wayne !
Pour conclure, un beau roman permettent de faire découvrir aux ados la condition des minorités aux Etats-Unis et un roman plein d'aventures pour les amateurs du genre !
24 juin 2005
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René Depestre est l'un des plus grands écrivains haïtiens de ce siècle.
Ecrivain à découvrir d'abord pour sa vie personnelle chaotique: opposant au régime dictatorial de Duvalier en Haïti, il s'exile une première fois en France. Puis il part pour Cuba où il devient un proche de Catro. Mais critiquant la dérive du régime, il s'exile définitivement en France où il vit depuis 1978. Il a d'ailleur reçu le prix Renaudot en 1988 pour ce roman rempli d'exotisme.
Depestre se pose comme l'héritier de l'écrivain cubain Alejo Carpentier qui a inventé le concept de "réalisme magique"(repris par la suite par le grand Gabriel Garcia Marquez): ses romans sont marqués par l'empeinte du fantastique, du merveilleux faisant irruption dans le quotidien le plus banal.
Haïti est l'île qui a vu naître le vaudou: Depestre va donc convoquer cette cérémonie dans ce roman où les morts renaissent de leurs cendres...
Hadriana est la plus belle jeune fille de la ville Haïtienne de Jacmel. Le jour de son mariage qui est aussi jour de carnaval, elle est enlevée par un papillon (eh oui ! Rassurez-vous, ce papillon n'est autre que le plus grand dragueur de l'île qui a été transformé en papillon par le mari de l'une de ses conquêtes) . Elle meurt au moment de dire oui...
En fait, elle n'est pas si morte que cela! Elle a juste été transformée en zombie: son âme est retenue prisonnière alors que son geolier peut disposer de son corps à sa guise...
Quelle n'est pas la surprise du village lorsque le cercueil d'Hadriana est retrouvé vide après le carnaval....
Ce roman est une merveille: Depestre nous plonge dans les traditions de son île (le vaudou, le carnaval, le mythe du zombie) en nous contant une histoire rocambolesque. Contre le catholicisme (la famille du marié veut annuler le carnaval après la mort supposée d'Hadriana), Depestre exalte la joie de vivre et l'érotisme caraïbéens. Hadriana est donc enterrée au rythme des tambours du carnaval!
C'est également une magnifique histoire d'amour teintée à chaque ligne d'érotisme. Une excellente lecture pour s'évader et découvrir les traditions d'Haïti !
24 juin 2005
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Les éditions de Minuit ont l'habitude de nous présenter des personnages pantins, sans psychologie, dont se moque leur auteurs (Eric Chevillard, Eric Laurrent...). Au contraire, Hélène Lenoir plonge directement le lecteur dans la conscience des personnages; dans son dernier opus, cinq nouvelles mettent en scène des êtres qui vivent une relation amoureuse avec un partenaire depuis des années. Ils sont pris entre leur désir de mettre un terme à cette relation, de fuir et celui de rester. Leurs pensées vacillent entre ces deux alternatives: au cours d'un spectacle, une femme suit un homme qu'elle a croisé à l'entracte, une autre reçoit des jeunes étudiantes chez elle pour éveiller des désirs de voyage et fuir le quotidien de son couple....
Certains peuvent reprocher le "bovarysme"un peu poussé des personnages: des jeunes bourgeoises de 40-50 ans s'ennuient et recherchent de futiles consolations...Hélène Lenoir privilégie le monologue intérieur: chaque nouvelle est centré sur un personnage et les autres sont vus à travers le regard de ce dernier.
Même en n'étant pas une lectrice bourgeoise de 50 ans, chaque lecteur peut s'identifier aux différents personnages. Chacun a un jour hésité, craint de blesser une personne aimée...Mais tout le monde vit aussi tous les jours avec le poids de l'habitude, de la monotonie. Les nouvelles d'Hélène Lenoir ouvrent des fenêtres, font naître un espoir même s'il est temporaire.....
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Un roman du terroir haut de gamme !
Si vous aimez les romans du terroir, Pierre Michon vous fera découvrir l'univers des petites gens d'une manière emminement poétique. evidemment, la lecture de son oeuvre est plus difficile que celles de Jean Anglade ou Christian Signol (attention, je ne dénigre pas ces deux auteurs !). Mais si vous avez envie de changer de style, il faut absolument découvrir cet auteur majeur (ses oeuvres sont publiées aux éditions Verdier).
Les vies minuscules désignent des petites nouvelles mettant en scène des petites gens, des vies humbles (paysans, vieil homme analphabète...) qui sous magnifiées et sanctifiées par l'écriture du poète: ainsi, une description d'un vieux monsieur dans une maison de retraite évoquera le clair obscur d'un tableau de Rembrandt ou le martyr de Jésus. Michon a recours à la légende afin de créer une sorte de mythologie des gens humbles: ces personnages perdront petit à petit de leur netteté pour faire leur entrée dans une histoire modifiée petit à petit par les récits des grands mères; il en est ainsi de ce jeune paysan parti pour l'Amérique. Chacun ayant sa version des faits, nous ne savons pas au bout du compte si ce jeune homme est devenu bagnard à Cayennes où s'il a fait fortune en Amérique. Un des plus beaux passages du livre est raconté par un enfant relatant le retour du fils prodigue qui revient avec une boîte à trésors remplie d'épices....
Toute l'oeuvre de Pierre Michon est basée sur ce recours à la légende...
Une autre oeuvre à découvrir :
Abbés, Editions Verdier
Une petit coup de coeur pour une nouvelle parue dans ce recueil consacrée à la vie religieuse: au Moyen-Age, un évêque vient évangéliser un petit village d'Irlande. Les trois filles du seigneur tombent peu à peu amoureuses de la figure de Jésus, devenant pour elles un beau jeune homme à séduire. Le baptème dans la rivière sera un moyen de rejoindre la figure tant aimée....