Editions de Minuit, 2002
Avant de vous résumer l'oeuvre, je tiens à signaler que cette pièce est l'une des premières du théâtre contemporain à être entrée au répertoire de la Comédie Française, temple du classicisme ! Fait d'autant plus extraordinaire que le personnage principal est un "nègre" joué par un acteur noir ...Marie N'Diaye est l'un des plus grands écrivains et dramaturges français contemporains.
Comme à son habitude, Marie N'Diaye explore avec brio la cruauté et les rapports de force au sein de la cellule familiale:
Papa revient après avoir abandonné il y a dix ans femme et enfants. Lorsqu'il franchit la porte, il fait un grand discours faisant croire qu'il a fait fortune en voyageant alors qu'il est resté à Courbevoie et a fait un enfant handicapé à sa maîtresse, qu'il veut renier....
Mais Papa est un beau gosse et il va tout faire pour hypnotiser Maman qui a été "repêchée" par un professeur de français humaniste....Car il a besoin de manger...
Cette pièce sordide et cynique dénonce bien sûr les clichés du racisme: ainsi, le professeur bien pensant se refuse à haïr Papa, car c'est politiquement incorrect. Les parents critiquent la fille qui s'est amourachée d'un "noir". Pour les tantes vieilles filles, le nègre représente la virilité !!!
Mais le but de N'diaye n'est pas de créer une pièce moralisante dénonçant le racisme: Papa est vraiment une enflure de la pire espèce qui hypnotise son entourage pour mieux le flouer. Les personnages, anti-héros par excellence, sont tous de faibles pantins. L'oeuvre de Marie N'Diaye est très pessimiste sur la nature humaine: elle explore les rapports dominants-dominés au sein du microcosme familial. L'humanité semble être un vain mot.
Le lecteur éprouve un certain malaise devant une telle noirceur, mais cette dernière est tempérée par un humour noir ravageur..... On peut évoquer l'influence de Samuel Becket qui mêle habilement tragique et burlesque.