ANGLETERRE, 1925
Voici l'un des plus grands romans qui a révolutionné la littérature du XXe siècle. Tout comme Ulysse de James Joyce, l'action se déroule sur une journée et nous plongeons dans l'intimité, dans la conscience du personnage.
Il y a quelques temps, j'avais lu "mon premier Virginia Woolf", Orlando, que j'avais vraiment adoré. J'ai donc eu envie de découvrir son oeuvre la plus connue !
Bref résumé: le roman décrit la journée de Clarissa Dalloway qui prépare une soirée mondaine. Elle part acheter des fleurs, c'est l'occasion pour l'auteur de décrire la vie quotidienne dans les rues londoniennes. Cette journée pas comme les autres va être marquée par le retour du premier amour de Clarissa, l'aventurier Peter Walsh, qui revient à Londres après un long voyage. L'occasion pour Clarissa de se rappeler sa jeunesse, de nous faire partager ses déceptions et ses regrets puisque Clarissa avait quitté Peter pour épouser le futur député Richard Dalloway. L'action repose sur les états d'âme des personnages dont les émotions sont le fil conducteur de l'intrigue. Pas de paragraphe ni de chapitre : c'est le changement d'une conscience à une autre, de la description de l'âme d'un personnage à un autre qui assure le rythme de l'intrigue.
Et c'est en ce point que ce roman est d'une modernité à toute épreuve. Sans établir d'intrigue traditionnelle, Virginia Woolf arrive à décrire des lieux, parler du contexte historique et du passé en examinant les consciences des personnages.
Ma plus grande surprise a été d'ailleurs de découvrir qu'il n'y avait pas qu'une seule conscience, celle de Clarissa ! Il y a deux personnages masculins très importants, dont Virginia Woolf explore également l'intériorité : Peter Walsh, le premier amour de Clarissa, qui va cristalliser tous ses remords ; il incarne le romanesque, l'aventure, à l'opposé de son époux qu'elle a choisi pour s'assurer une place dans la bonne société. Il y a également Septimus Warren Smith, un ancien soldat de la guerre de 14-18, qui n'arrive pas à surmonter la mort de son meilleur ami à la guerre et qui sombre dans la folie.
Ces deux personnages masculins incarnent à eux seuls deux facettes de la personnalité de Clarissa : la tentation du romanesque d'un côté et de l'autre, la tentation de la mort, du suicide. L'intrigue évolue également grâce à ces deux hommes : Peter Walsh revient et déclenche les souvenirs de Mrs Dalloway, Septimus Warren Smith se suicide; ce suicide est annoncé lors de la soirée mondaine par un médecin; alors qu'elle ne connaît pas cet homme ; mais son refus de la vie engendre des réflexions très émouvantes sur la personnalité de Clarissa ; pour elle, Septimus est allé au bout des choses alors qu'elle n'a fait que pactiser avec des faux-semblants. Il incarne cette pulsion de mort qui fascine tant Clarissa et son auteur Virginia.
Les pages décrivant les hallucinations, la folie de Septimus sont pour moi les plus belles du roman: elles décrivent avec brio la fusion avec la nature, le désir d'écriture, l'incompréhension des médecins de de toute la société. Woolf y parle bien sûr de sa propre expérience d'internement et de suicide. Ces passages sont de véritables poèmes; ce soldat dépressif est pour moi le personnage le plus émouvant du roman.
Ce que je retiens également c'est la capacité qu'a Virginia Woolf de mêler l'intériorité à toute une description minutieuse de la société de l'époque : on revit le traumatisme de la Première Guerre Mondiale et le début du déclin de l'Empire Britannique à travers les conversations ; en même temps, on est au coeur de l'essence romanesque avec le personnage Clarissa qui, au coeur d'une soirée mondaine, explore les méandres du souvenir et de la mort.
Un livre bien sur indispensable à lire pour découvrir la véritable oeuvre; ce qui l'on peut dire ou lire sur cette oeuvre est bien trop réducteur !