RENTREE LITTERAIRE
Editions Gallimard, 2006
Des livres de la rentrée littéraire que j’ai lu, je crois que celui-ci est mon coup de cœur même si l’on ne retrouve pas l’originalité formelle du premier roman d’Audeguy, La théorie des nuages. (Voyages dans plusieurs espaces-temps, récits emboîtés, histoire des nuages…).
Audeguy a choisi cette fois-ci une belle facture classique : la belle langue du XVIIIe siècle, le récit linéaire d’une vie. Et quelle vie ! Il s’agit de redonner chair à François Rousseau, le frère aîné inconnu de Jean-Jacques Rousseau. Son illustre cadet ne l’a qu’évoqué dans Les confessions : « On n’a plus eu de ses nouvelles depuis ce temps-là et voila comment je suis demeuré fils unique ». On sait juste que François était un joyeux libertin qui a côtoyé le Marquis de Sade.
A partir de là, Audeguy imagine que François (âgé de 90 ans en 1795) assiste au transfert des cendres de son philosophe de frère au Panthéon. Rousseau, mort en 1778, a été récupéré par l’idéologie révolutionnaire. François décide de lui aussi écrire ses confessions en les adressant à son frère…
Le récit se divise en trois parties : Enfance, Paris et Révolutions. Nous découvrons un homme qui s’enflamme pour les innovations et les idées du XVIIIe siècle : découverte de la physiocratie et du libertinage, passion pour la connaissance et l’explication mécanique du monde. Eloge de l’athéisme : en découvrant l’antique Lucrèce, il prône l’explication logique de toute chose sans avoir recours à une quelconque transcendance. On découvre également la passion du XVIIIe siècle pour la reproduction de la nature : l’homme se fait démiurge et Audeguy cite le cas véridique d’un certain Vaucanson qui inventa un canard mécanique qui digérait et pétait !!! Et voici donc notre libertin de François Rousseau qui est chargé de créer pour un bordel un Hercule au sexe automate ….
Je ne vous en dévoile pas plus…Ensuite, François connaîtra l’emprisonnement à la Bastille où il connaîtra Sade, la libération le 14 juillet 1789, l’amour d’une féministe et enfin la désillusion…
Car le roman est une métaphore de tout ce siècle révolutionnaire : le progrès, la révolution puis les idées qui s’enlisent et se pervertissent.
Vous l’aurez compris, le lecteur est emporté dans cette histoire magnifique qui fourmille de détails méconnus sur cette période. Ce qui est vraiment original, c’est ce roman mêle imaginaire et détails historiques extrêmement précis. Audeguy a souhaité redonner vie à des personnages méconnus comme ce Palloy qui démantela la Bastille pour ensuite en faire un marché bien juteux. L’écrivain combat également les images d’Epinal en nous présentant la Bastille telle qu’elle était réellement, une prison où l’on pouvait sortir bien facilement et où il n’y avait que 5 prisonniers le 14 juillet !
Il s’agit d’un roman historique qui, à partir d’une intrigue imaginaire, redonne vie avec beaucoup de réalisme à une époque mainte fois mise en scène en Littérature. La fiction donne naissance à un réel vraiment vivant, loin de tous les stéréotypes ; c’est là que réside de coup de maître d’Audeguy.
Alors dévorez vite ce livre si ce n’est déjà fait !