ETATS-UNIS
Galaade Editions, 2007
Voici un roman intelligent et subtil mêlant savamment fiction et réalité. Irvin Yalom, éminent psychiatre, s'inspire de son métier, pour écrire des fictions brillantes sur la psychiatrie et la psychanalyse.
Nous avons eu dans Le souper de Jean-Claude Brisville, la rencontre fictive entre Talleyrand et Fouché. Il y a maintenant la rencontre fictive entre le philosophe Nietzsche et le maître de Freud, le Docteur Joseph Breuer à Vienne en 1882.
Et c'est tout simplement à la naissance de la psychothérapie (la cure par la parole) que nous assistons. Il est précisé au lecteur en postface que cette encontre est bien sûr fictive mais que tous les personnages cités et les événements qui les touchent sont eux bien réels.
En 1882, Nietzsche a écrit Humain trop humain et Le gai savoirmais n'est pas encore connu. Suite à sa rupture avec Lou Salomé, il est victime d'une grave dépression qui lui cause hallucinations et migraines. Lou Salomé aborde le Docteur Breuer afin de le soigner. Ce dernier vient d'inventer la cure par la parole ou "ramonage", le fait de faire expliquer par le patient les causes de son mal...
Mais il se trouve que Nietzsche n'a pas forcément envie de se faire guérir. Le désespoir a parfois de bons côtés...Il permet de se couper du monde et se suivre sa propre voie...
Alors, Breuer va mettre au point un subterfuge : alors qu'il traverse également une période difficile dans sa vie (il est tombé amoureux de sa patiente Bertha, la fameuse Anna O, première femme de l'histoire a suivre une psychothérapie), il passe un pacte avec le philosophe : il lui guérit ses migraines...et Nietzsche devient son médecin de l'âme...Petit à petit, le maître Breuer se laisse prendre au jeu et paraît beaucoup plus vulnérable qu'il n'y paraît. ...
Ce texte est une véritable partie d'échec entre deux monstres sacrés ; nous assistons à la naissance fictive de la psychothérapie ; les rapports de force s'inversent petit à petit, nous découvrons de manière divertissante à la fois les ressorts de la psychanalyse et les fondements de la philosophie nietzschéenne. Quelle est la signification de la mort ? l'essence du désespoir ? comment suivre sa propre voie ?
Une formidable leçon de philosophie de vie composée essentiellement de dialogues intercalés de lettres qui permettent de saisir la véritable pensée des deux personnages.
Yahom instaure les rapports de force comme jeu ; on découvre de manière ludique les rapports entre Freud et le maître Breuer qui l'a initié à la cure par la parole. Yalom humanise profondément les deux personnages en les montrant aux prises avec leurs déboires amoureux, leurs faiblesses passionnelles. Mais la sensibilité des deux monstres sacrés est justement là pour incarner, matérialiser leurs théories.
Nous ressortons de ce roman extrèmement enjoués ; le lecteur apprend plein de choses tout en se divertissant; Passionnant.
Cela me donne donc envie de lire les autres titres d'Irvin Yalom !