ISLANDE - ROMAN POLICIER
Editions Métailié, 2006
J'ai choisi de classer cette oeuvre magnifique dans la catégorie "Littérature nordique" et non "Romans policiers" car, pour moi, ce livre est bien plus qu'une enquête; il nous plonge au coeur de l'humain et des méandres de l'âme. De plus, les écrivains islandais ne sont pas très connus !
Décidément, la littérature policière nordique a le vent en poupe. Après le suédois Henning Mankell, voici l'islandais Arnaldur Indridason qui a raflé pas mal de prix avec La femme en vert : Prix Clé de verre 2003 sur roman noir scandinave, Prix Gold Dagger 2005 en Grande-Bretagne.
Voici l'intrigue: des ossements humains sont retrouvés sur un chantier près de Reykjavik. Le commissaire Erlendur va alors faire une enquête sur le passé de ce terrain. Il remonte alors le temps jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. Le terrain était occupé par une maison en ruine habitée par une famille de cinq personnes. Le commissaire va alors découvrir la vie misérable de ce couple avec trois enfants et la tragédie de la violence conjugale....Parallèlement à cette enquête, Erlendur doit affronter ses problèmes personnels: sa fille toxicomane est tombée dans le coma; il vient à son chevet et éprouve la culpabilité de ne pas avoir assuré ses responsabilités de père...
La qualité de ce roman réside dans le fait qu'Indridason déjoue tous les codes classiques de l'intrigue policière: nous ne saurons qu'à la fin qui est le cadavre. Le "meurtre" date d'il y a plus de cinquante ans et n'a aucune incidence sur le présent. Le récit est brillamment construit: la narration fait alterner l'enquête avec le récit tragique de la vie de cette famille cinquante ans plus tôt. Les deux récits vont se recouper lorsque Erlendur va faire connaissance avec la mystérieuse "femme en vert" qui vient se recueillir sur le chantier où l'on a trouvé le cadavre.
De plus, les deux récits se croisent dans la mesure où ils évoquent tous les deux une tragédie familiale: une femme violentée il y a 50 ans et le commissaire qui a abandonné sa femme et ses deux enfants. Erlendur cache un secret familial douloureux qu'il révélera au cours du roman.
Je crois que je n'ai jamais lu un roman policier si humain. Pour Indridason, le sujet principal est la mémoire et le poids du passé. L'enquête cherchant à connaître l'identité du cadavre est un prétexte à remuer les blessures du passé et à les guérir. La violence conjugale est subtilement traitée ; l'auteur analyse ses répercussions sur les personnes qui l'ont vécue cinquante ans plus tôt.
Le suspense est garanti: dès le début, le lecteur a une idée sur l'identité du cadavre mais l'auteur joue sans cesse avec les certitudes du lecteur si bien que nous hésitons jusqu'à la fin sur l'identité du meurtrier et du cadavre.
Avec La femme en vert, Indridason prouve que l'on peut écrire un roman policier sans qu'il y ait de menace dans le présent; Le but est de s'intéresser à l'homme et de plonger dans les méandres tortueux de son âme.