Editions Picquier, 1995
Edogawa Ranpo (1894-1965) est le fondateur du roman policier japonais. Fortement inspiré d'auteurs occidentaux comme Maurice Leblanc et Conan Doyle, son nom d'écrivain est en fait la transposition phonétique en japonais d'Edgar Allan Poe, l'une de ses idoles.
Picquier regroupe ici ses cinq premières nouvelles qui ne sont pas forcément policières. Quelle délice ! On retrouve la cruauté, l'érotisme, le mystère qui ont fait le renom de la littérature japonaise dans le monde.
Voici les thèmes de ces cinq nouvelles: un jeune femme violente son mari ancien officier de guerre, devenu cul-de-jatte, sourd et muet. Il n'y a plus que son regard qui est vivant...
Un homme très laid s'installe dans un fauteuil qu'il a fabriqué lui-même pour pouvoir caresser les jeunes femmes qui s'assoient dessus.
Un homme confessent ses crimes qui ne peuvent être jugés par la loi; il s'arrange en effet pour que l'on croit qu'il cherche à sauver la victime: il crie Attention ! à une vieille dame qui traverse un passage à niveau; celle-ci s'arrête et se fait écraser...
Un somnanbule raconte le meurtre qu'il a commis lors d'une crise à un mystérieux personnage qu'il semble connaître...
Enfin, deux étudiants partent à la recherche du magot d'un gentleman cambrioleur...
Ce qui fait le charme de ces nouvelles, c'est tout d'abord l'art de la chute que l'on retrouve dans la plupart de ces nouvelles. Edogawa nous réserve à chaque fois un rebondissement à la fin des histoires. Il nous mène en barque et le lecteur est bluffé. En prenant par surprise le lecteur, l'auteur se moque aussi de ses personnages qui découvrent la tromperie en même temps que le lecteur.
Selon Edogawa, le crime, la faute est d'abord esthétique: chaque protagoniste s'évertue à monter des spectacles, à jouer sur l'illusion. En cela, la nouvelle La chambre rouge est très significative: le criminel raconte ses crimes dans un véritable décor de théâtre; le narrateur parle de pertidigitation....Le masque, le jeu sont des éléments primordiaux des intrigues.
J'ai retrouvé dans la première nouvelle La chenille un style authentiquement japonais: le rapport homme-femme, le mélange d'érotisme et de cruauté, éros et thanatos...
Ce livre est vraiment à découvrir ...