Gallimard, 1984-Prix Renaudot 1984
Voici le roman qui a fait découvrir Annie Ernaux, l'une des plus grandes "écrivaines" contemporaines françaises.
Il s'agit d'un hommage rendu à son père d'origine modeste, garçon de ferme, ouvrier puis petit commerçant. Fier de sa "place", il craint toujours de retomber de l'échelle sociale. Sa fille (Annie Ernaux elle-même), agrégée de lettres, a réalisé mieux que personne ce rêve d'ascension sociale. Par l'écriture de ce livre, elle tente de se remémorer la figure de son père, son langage, ses mimiques.
Elle va donc opérer un travail sur la langue en essayant de retrouver le langage de l'autre, la langue originelle qu'elle a perdu. Ernaux convoque ainsi les expressions du petit peuple en les écrivant en italique pour aller au plus prêt de la vérité. Elle veut à tout prix donner une dignité à ces petites gens qui tout en étant modestes, voulait paraître "convenables".
Ernaux examine bien le processus d'ascension sociale, particulièrement dans La honte : le jour où elle a vu ses parents se battrent, elle a eu honte de ses origines car elle était déjà passée de l'autre côté de la barrière sociale. Mariée à u intellectuel pure souche, elle renie sa condition modeste;
Mais avec le temps et ce beau travail d'écriture, elle comprend son erreur et donne à ses parents le plus beau des hommages tout en analysant finement ses états d'âme. L'écriture devient un moyen de recouvrer la mémoire et de faire revivre les disparus.
Toute l'oeuvre de Annie Ernaux est basée sur ce projet: aller au plus profond de l'intime, dire le vrai grâce à un beau travail sur l'écriture, sur la découverte du mot juste.